Un vin, des livres – juin 2024 – 1)

Nous étions dans un nouveau lieu.
Peut-être nous y retrouverons-nous une autre fois, peut-être pas : c’était bien mais un peu plein de monde donc bruyant. On perd aussi, depuis quelque temps, le côté « vin » : OK, on en boit mais personne ne nous en parle…

Ce n’était ni le thème du jour ni de ces lectures mais voilà trois livres qui parlent plus ou moins de guerre…
– Sarajevo Blues de Semezdin Mehmedinovic, traduit du bosnien par Chloé Billon, éditions Le Bruit du Monde, 2024. Ce texte était paru initialement en 1995 mais jamais en France. C’est une sorte de journal de guerre, constitué de poèmes en prose ou de courts articles et cela rend compte du siège de Sarajevo. L’auteur, né en 1960, journaliste, écrivain, n’est parti aux Etats-Unis qu’ensuite, en 1996 et n’est revenu en Bosnie qu’en 2020. Bernard-Henri Lévy y apparaît, moqué, Radovan Karadzic  se voit consacrer dix pages qui le montrent poète raté, à rapprocher de Hitler recalé de la peinture. On VOIT la ville abimée. Mehmedinovic diagnostique : « Nous vivons dans une région malade de son excédent d’Histoire. » Et cela se vérifie encore aujourd’hui.
La zone verte d’Eugène Dabit (1898-1936), paru chez Gallimard en 1935, réédité par L’Echappée en 2023. On connaît surtout de cet auteur Hôtel du Nord… le film de Marcel Carné, avec Jouvet et Arletty, à partir de son livre du même nom. Dabit qui a reçu, en 1931, le prix du roman populiste, parle des pauvres gens. Ici, un homme sort de Paris à pied, la veille du 1er mai, pour aller cueillir du muguet qu’il vendra au retour. Il se retrouve dans la grande banlieue et y reste un temps. Il est partagé entre une idéalisation de la campagne et ce qui s’y vit. D’autres ne rêvent que de Paris. Il est question de chômage, de droit des ouvriers, de place des femmes, de guerre qui pointe son nez. P 200 : » Si la campagne est restée forte, silencieuse, immuable dans son aspect, comment ne pas songer avec une angoisse plus pressante que les hommes ont changé, eux… que les ambitions et les folies de quelques uns sont devenues plus menaçantes, que les foules sont plus près de la guerre et de la mort, souffrent encore davantage de la faim, du froid – l’hiver a été rude. »
– Retour de barbarie de Raymond Guérin (1905-1955) , éditions Finitude, 2022. Comme Dabit, Guérin est passé par plusieurs métiers avant d’écrire. Comme lui aussi, il a été publié chez Gallimard. Ce Retour de barbarie raconte la fin en 1944 de sa captivité – qui a duré plus de trois ans en Allemagne – et le retour en France occupée, d’abord à Paris où il retrouve son éditeur, Gallimard, Arland, et rencontre, entre autres, Camus, Queneau, puis dans la zone sud. Journal littéraire et, plus largement, de l’état du pays : le marché noir, les spectacles, les résistants de la dernière heure, les procès de collaborateurs…
La personne Raymond Guérin est un mélange étonnant de vanité et de complexe d’infériorité mais son texte a une vraie valeur littéraire et historique.

La suite, bientôt.

 

Les Vivants : mai 2024 – 3)

Et des livres français :
– Alain Damasio : Vallée du silicium, Villa Albertine-Le Seuil, 2024, écrit à la suite d’une résidence à la Villa Albertine : sept essais, sept regards différents sur l’I A et une nouvelle de S F  dans laquelle il condense ce qu’il déplore dans ces essais. Damasio « qui se sait Gaulois » est allé à San Francisco, dans la Silicon Valley, à la rencontre des développeurs, des cadres chez les GAFA,  avec un a priori politique et économique. » iI a quelques moments d’optimisme mais le modèle économique et la gouvernance qui est derrière font que non, ça ne va pas. »
« Ses fictions ont pour thème la résistance. Il travaille vraiment la langue et,
 chez lui, on trouve science, fiction et une bonne dose de philosophie. » dit S.
– Jean-Paul Dubois : L’origine des larmes , éditions L’Olivier 2024 : dans la série des pères toxiques. Entre comédie burlesque et drame. Et de lui aussi, vous avez cité : Vous plaisantez mr Tanner ou encore L’Amérique m’inquiète.
Virginie Linhart : Une sale affaire chez Flammarion. Sur la place des enfants dans les familles de soixante huitards connus. Elle a travaillé sur son père puis sur sa mère, ce qui  a donné lieu à un procès.
– Louis Vendel : Solal ou la chute des corps, Le Seuil. Autobiographique. Il s’en veut de ne pas avoir aidé son ami bipolaire. Comme chez S. Tesson, une chute a lieu puis un voyage, en marchant.
– Akira Mizubayashi, Suite inoubliable chez Gallimard. Musique, virtuosité et amour sous les bombes dans le Japon de 1945.
– Pour réhabiliter les autrices du matrimoine, la collection Les Plumées, aux éditions Talents hauts, dont : Lucie Delarue-Mardrus  Ex-voto, roman du début du XXème siècle repris en 2023. Honfleur, une jeune fille dans un milieu pauvre. Dialogues en normand.
– Philippe Mouche : Bons baisers d’Europe, éditions Gaïa, 2023. Un migrant, Fergus Bond, va apprendre les 24 langues de l’U E et être nommé ambassadeur du multilinguisme. De l’humour, un prétexte pour parler de l’Europe.

Au 30 mai !

Les Vivants : mai 2024 – 2)

C’était notre dernière fois aux Vivants
et on est tristes, même si on sait que Sébastien va continuer, autrement.
Nous essaierons Aub’art le jeudi 30 mai, à 18h.-

Vous aviez beaucoup lu :
en textes étrangers :
–  Mon sous-marin jaune de J.K.Stefansson, traduit par Eric Boury, chez Bourgois : « si imaginatif et poétique », « Fantaisie et mélancolie » : assez autobiographique : la perte de la mère, l’incommunicabilité avec le père. La religion violente. L’Islande d’autrefois, encore repliée sur elle-même.Et puis le dialogue avec Paul McCartney, la rencontre avec les livres qui entraînent la résurrection.
– Le fils du père
de Victor des Arbol, Actes Sud, traduit par Claude Bleton et Emilie Fernandez : L’Espagne : trois générations d’hommes maudits, des années 30 à nos jours. En lien avec la guerre civile, puis avec ceux qui sont allés combattre en URSS aux côtés des Allemands. Des personnages abimés, cassés et donc violents avec leur femme, leurs fils qui, eux-mêmes….
– Peter May : Tempête sur Kinlochleven, éditions du Rouergue, traduit par Ariane Bataille : un polar classique dans une Ecosse très froide, sur fond de changement climatique. Ce qu’il annonce comme son dernier livre.
– Mary Lynn Bracht : Filles de la mer : un premier roman, traduit par Sarah Tardy, trouvable en Pocket : la Corée de 1943 et les » femmes de réconfort« .
– Higashino Keigo : Un café maison, Babel. Polar de 2010 qui reçut au Japon le prix Naoki.
– Viola Ardone : Le choix, 2022, traduit par Laura Brignon, chez Albin Michel : un petit village dans la Sicile des années 60.
– Bernard Schlink : La petite fille, éditions Gallimard 2023, traduit par Bernard Lortholary : dans l’ex-Allemagne de l’Est, la troisième génération.
– R.L. Stevenson : Voyage avec un âne dans les Cévennes paru pour la première fois en 1879. En GF, traduit par Léon Bocquet.
Colum McCann Diane Foley : American mother chez Belfond, traduit par Diane Foley : cette mère de journaliste décapité par Daech, très croyante, a voulu rencontrer l’assassin. Elle lui donne son pardon. L’auteur accompagne cette rencontre.
McCann était au Goût des autres 2024.
Les textes français : une 3ème partie à venir, bientôt …

Les Vivants – mai 2024 – 1)

Tout d’abord, un petit plaisir :
Slate nous dit : « Les personnes qui lisent de la fiction ont un cerveau plus performant. »

Puis, pour assurer la suite : le prochain rendez-vous :
Le jeudi 30 mai, à 18h à l’Aub’art, rue Victor Hugo.

– Le journaliste et l’assassin de Janet Malcolm, sorti aux Etats-Unis en 1990, repris aux éditions du Sous-Sol, en 2024 dans une traduction de Lazare Bitoun, et préfacé par Emmanuel Carrère (« Je suis du bâtiment, depuis quinze ans j’écris des livres de non-fiction« ).
De la « littérature du réel »donc. Une histoire en trois temps et trois procès : celui d’un homme accusé d’avoir tué femme et enfants, innocenté, puis rejugé et, à ce moment et pendant quatre ans, accompagné par un journaliste qui écrira un livre sur lui et son histoire. Ce journaliste joue à l’ami mais sort un livre à charge. D’où le troisième procès : intenté par le prisonnier au journaliste, pour tromperie.
Janet Malcolm, elle, écrit un livre sur ce cas, sur « la relation entre un auteur de non-fiction et son sujet », sur la vérité et l’écriture, fût-elle d’un journaliste.
– Les choses que nous avons vues de Hanna Bervoets au Bruit du monde, 2022. Traduit par Noëlle Michel, ce texte était paru en Hollande en 2021. Une jeune femme parle de ses boulots, au téléphone, service clientèle puis, surtout, dans une entreprise de « modérateurs de contenus ». Très documenté, une bibliographie finale l’atteste, le livre raconte ce que voient ces personnes, ce qu’elles ont pour mission de censurer, de laisser passer, en quel temps, à quel rythme, en quoi cela les impacte.
– Au paradis je demeure d’Attica Locke, paru en 2019 aux USA, en 2022 chez Liana Levi. Maintenant en Folio Policier. Traduit par Anne Rabinovitch. On retrouve le personnage de ranger noir de Bluebird bluebird, aux prises avec le même genre de problème : le racisme. D’autant que, cette fois, nous sommes à Jefferson, capitale du Missouri qui fut un état esclavagiste « de première » et où vivent toujours autant de suprémacistes blancs et de trumpistes décomplexés.
Il a cette fois à retrouver un enfant blanc disparu…

La suite, bientôt !

MZ – mai 2024 – 1)

Mis en avant

Au MZ, on peut déguster « les trois poiriers »,
un Chenin blanc du domaine des Terres Blanches, à Oiron
– haut lieu de l’art contemporain mais pas que, il y a des vignes aussi -.
Sec, notes citronnées et salines
Pour accompagner :
– Le musicien de Charles Reznikoff (1894-1976), son deuxième roman. Paru aux USA après sa mort, une première fois chez P O L en 1986 et réédité maintenant chez Héros-Limite avec la même traduction, de Claude Richard et Emmanuel Hocquard.
Reznikoff n’est pas connu pour cela mais pour ses poèmes, « objectivistes », Et plus particulièrement Testimony (1965) à partir d’archives de tribunaux américains de la fin du XIXème siècle, ou Holocaust (1975), dont une traduction par André Marlowicz existe aux  éditions Unes en 2017, à partir des archives du procès de Nüremberg. Il opère là par sélection, montage, découpe, sans y ajouter de mots.
Avec Le musicien, nous sommes dans les années 30 aux USA. Deux hommes se retrouvent par hasard, le narrateur qui écrivait et est devenu représentant et un autre, Jude Dalsimer, musicien qui tire le diable par la queue. On s’accorde à dire que ces deux personnages sont deux faces de Reznikoff qui n’a jamais vécu de sa plume. Les amis se revoient plusieurs fois. L’évolution de la situation économique et artistique de Dalsimer est le sujet du livre.
– Prison d’Emmy Hennings (1885-1948), aux éditions Monts Métallifères, collection de poche.
Traduit par Sacha Zilberberg.
Encore une femme longtemps oubliée ! Elle a pourtant participé à la création du Cabaret Voltaire à Zürich en 1916, y a été aussi performante, en tant que « diseuse », chanteuse, que son compagnon Hugo Ball, Arp ou Tristan Tzara. Avec Prison (1919), de même qu’avec La flétrissure (1920), paru cette année dans la même maison d’édition, nous sommes dans des textes autobiographiques mais qui disent aussi magnifiquement  l’ambiance de ces années en Allemagne. Elle va être emprisonnée pour avoir volé, va se prostituer pour vivre et se rebeller de manière très actuelle contre des lois qui mettent tout sur le dos de la « séductrice » et non du client.
(sur la photo, Emmy Hennings et Hugo Ball)
– Ne me cherche pas demain d’Adrian McKinty, paru à Londres en 2014, chez Actes Sud en 2021. Trouvable en Babel noir.
McKinty est né en 1968 à Belfast, a fait des études de droit, sciences-politiques et philo à Oxford et s’est installé aux USA. Son premier roman est sorti en 1998 mais ce n’est qu’en 2004 qu’il aborde le roman noir, et en 2012, la série de « romans historiques« , sur les troubles, années 1980 – 1990, en Irlande du Nord. Le personnage récurrent des huit livres est Sean Duffy, un flic catholique en Ulster. C’est documenté et McKinty rend très bien l’ambiance de ces années pour les avoir vécues. Ce livre est le troisième de la série mais on peut les lire séparément. A noter aussi, l’humour. C’est « dark » ET « funny ».

Les Vivants – avril 2024- 3)

Last but not least :

des textes d’auteur(e)s français(es)
– Qui-vive de Valerie Zenatti, l’Olivier 2024 : Une femme perd le sens du toucher, retrouve des lettres de son grand-père, revoit des vidéos de Leonard Cohen à Jérusalem, va  en Israel, de Tel Aviv à Jérusalem, cherche à retrouver ses fantômes.
– L’origine des larmes de Jean-Paul Dubois, L’Olivier 2024. Un homme qui travaille aux pompes funèbres vient tuer son père mort. Il a à en parler à son psychiatre.
– L’amour de la mer de Pascal Quignard, 2023, Gallimard : « une belle écriture mais je n’avance pas » dit M H
– Ellis Island de Georges Perec, P O L 1995 : une description de l’île où arrivaient les migrants de 1892 à 1924. Une édition illustrée existe de même qu’un documentaire.

– La santé psychique des génies, de Patrick Lemoine, 2022 : les génies du bien comme les génies du mal par un psychiatre, chercheur en neuro-sciences à Lyon et spécialiste du sommeil: « une même méthodologie pour chacun : les biographies résumées et les diagnostics. Beaucoup sont dans la bipolarité. J’ai beaucoup aimé ce livre » dit F.
– La rencontre – une philosophie de Charles Pépin, Allary éditions, maintenant en Pocket.
– La personne et le sacré de Simone Weil, écrit peu avant sa mort, à Londres. Publié en 1950 puis de nouveau en 2019.
– Les passeuses d’histoires de Danièle Flaumenbaum, 2015, Payot. Les grands-mères et la transmission d’histoires de vie.
– un podcast « super intéressant et amusant » sur France Culture : de 17h à 18h, toute une semaine sur la ménopause.

Des textes d’auteur(e)s étranger(e)s :
– Ma vie avec Virginia , Des extraits du journal de Leonard Woolf, Les Belles Lettres éditions, 2023, traduction de Micha Venaille. Avant leur mariage, sa vie à Ceylan, son analyse négative du colonialisme. Leur vie commune.
– Le livre de cuisine d’Alice Toklas (1877-1967) éditions de Minuit, traduction de Claire Teeuwissen : des recettes – prétextes, de la compagne de Gertrud Stein. écrit après la mort de celle-ci. Sur leur vie.
– La saga des émigrants de Vilhelm Moberg (1898-1973) en 5 tomes, en Livre de poche, traduit par Philippe Bouquet. « super bien fait » dit M.
– Le liseur de Bernard Schlink, publié en France chez Gallimard en 1997, traduit par Bernard Lortholary. En Folio. Existent de lui, aussi en poche trois « polars » dont Brouillard sur Mannheim.
tout Mario Rigoni Stern (1921-2008) , en 10-18 : des « romans » à base de ses souvenirs de guerre et de captivité en Russie.
– Putain de mort de Michael Herr (1940-2016) : paru en 1977 aux USA, surtout constitué d’articles publiés dans Esquire, journal pour lequel il couvrait la guerre du Vietnam en 1968-69. Traduit par Pierre Alien chez Albin Michel en 1980, puis en Livre de poche. Aussi co-scénariste d’Apocalypse now de Coppola (1979) et Full metal jacket de Kubrick (1987).
– Montana 1948 de Larry Watson, 2010, ed Gallmeister, collection Totem. Traduit par Bertrand Péguillan : histoire de prédateur sexuel. Tout le monde sait mais vu son importance sociale, on dissimule.

Prochain rendez-vous aux Vivants, le jeudi 16 mai à partir de 18H.

Les Vivants – avril 2024 – 1)

on pouvait boire,
en blanc, un Chardonnay de Loire, entre Clisson et Nantes
en rouge, un côte du Rhône bio, fruité, relevé mais pas trop, de la région de Crozes- Hermitage
Et ils accompagnaient :
– Border la bête de Lune Vuillemin, à La Contre-Allée, 2024. : c’est le deuxième livre de cette auteure : nous sommes sans doute au Canada. Une jeune femme arrive dans une réserve pour animaux blessés tenue par Arden et Jeff. Il est question de nature, de saisons, d’animaux, de relations amicales et amoureuses intelligentes. On approche le fantastique. Une belle langue.
P. 10 : « Haute sur ses pattes, l’orignale avance doucement. Elle traverse le matin blanc, grandes oreilles vers le ciel, narines écartées. Douceur dans le regard. La solitaire a le ventre rond, le poil épais et brun avec un coeur qui cogne en-dessous, peut-être même deux. Ses longs doigts agiles évitent les roches et les branches dissimulées par la neige. Des yeux sous les pattes, elle avance confiante vers Lac Petit. »
Journal de Rivesaltes 1941-1942 de Friedel Bohny-Reiter, 1993, Zoé éditions, en poche chez le même éditeur en 2020 : journal écrit par une jeune femme venue de Suisse avec une association caritative, le Secours Suisse, pour s’occuper d’enfants retenus dans des camps en France parce qu’étrangers, Espagnols, Tsiganes, Juifs… Elle s’engage complètement dans sa tâche et soutient les adultes également en apportant nourriture et soins malgré les médecins français, certains gardes et les ordres allemands. Mais (P.162) : 26 août 1942 – « le chef de camp nous fait savoir que les « oeuvres étrangères » n’ont plus l’autorisation de circuler dans le camp. »
– Arrêtez de me casser les oreilles de Joseph Mitchell, traduit par Lazare Bitoun. Editions du Sous-sol, 2020 : Joseph Mitchell (1908-1996) a été reporter au Herald Tribune puis, dès 1933, au New Yorker. On a là des articles très étonnants : autour aussi bien de prédicateurs, d’hommes politiques plutôt véreux, d’une exécution, de danseuses à l’éventail ou de Coney Island le week-end. Des réflexions sur la déontologie : P. 21-22 :  » La presse de ce pays se montre servile envers les imbéciles ; elle ne s’en prend qu’aux faibles et aux excentriques.(…) On peut sans danger écrire ce que l’on veut  sur les cinglés et les clochards. »

La prochaine rencontre aux Vivants est prévue le jeudi 16 mai, à partir de 18H.

M Z – première !

Un nouveau lieu, de nouveaux participants dont on ne sait rien, ni combien ils seront,
ni s’ils seront, ni qui ils sont, ni ce qu’ils lisent. Eh bien, c’était formidable !
Je leur ai, quant à moi, présenté
–  L’affaire Midori de Karyn Nishimura, éditions Picquier, 2024. Karyn Nishimura est journaliste, correspondante pour des journaux comme Libé, des radios comme France Culture. Elle vit au Japon depuis longtemps et présente sous le nom « roman », un texte où « presque tout est vrai » : un mixte de faits divers qui lui permettent de parler de la justice au Japon, le rapport des hommes politiques avec la presse, de Fukushima et de ses conséquences. « Je suis une Française, donc je râle »  et c’est accepté. Pour une Japonaise qui « rue aussi dans les brancards, Isoko Mochiozuki », c’est plus dur.
– Blizzard de Marie Vingtras, L’Olivier, 2021, maintenant en collection Points : un premier roman, envoyé par la poste, devenu un succès de librairie avec 8 prix. Marie Vingtras est un pseudo, en hommage à Séverine, journaliste au début du XXème siècle aussi secrétaire de Jules Vallès, qui signait Arthur Vingtras.
Le livre, lui-même : plus ou moins un polar : un enfant dont on lâche la main à la première!re page et qui disparaît dans le blizzard. De courts chapitres, portés par quatre voix différentes.
– Vider les lieux d’Olivier Rolin, Gallimard, 2022, en Folio maintenant : autobiographique, Rolin doit quitter l’appartement dans lequel il vit depuis plus de vingt ans. Un peu histoire de la rue de l’Odéon  et beaucoup de tout ce qu’il y a à déplacer : les objets, les lettres, les livres, et tout ce qu’ils disent de la vie passée.

Et eux ont parlé de :

– James Baldwin : La prochaine fois le feu, publié aux USA en 1963, traduit par Michel Sciama, en Folio. Un avertissement dans les années 60 sur le problème racial à travers une lettre à un neveu qui parle de l’enfance, de l’éducation en tant que Noir, de la violence tentante et compréhensible.
– Adèle Fugère : J’ai huit ans et je m’appelle Jean Rochefort, un premier roman chez Buchet-Chastel : « tendre, simple et délicieux »
Florence Bonneau : La rivière…te dire, Imprimerie Mathieu : Poésie sur la nature en Lozère, l’eau d’un affluent du Tarn. « On est surpris par l’évidence de l’écriture ». Ce texte existe aussi sous forme de lecture avec une violoncelliste.
– tout Gaëlle Josse : « ses petits livres, son écriture concise, précise qui va droit au but » aussi bien  Ce matin-là (2021) que Noces de neige (2013), Une longue impatience (2017) ou Les heures silencieuses (2010) : « comme de la dentelle ».
– Le Japon avec deux voix bien différentes :
– Du prix Nobel, Kenzaburo Oé : Une existence tranquille, (1990), traduit par Anne Bayard-Sakai : à tendance autobiographique : une famille avec trois enfants, dont un handicapé. Le père  écrivain part travailler aux USA, la mère l’accompagne et laisse les enfants avec leur frère handicapé.
Sayaka Murata : La fille de la supérette , traduit par Mathilde Tamae-Bouhon, en Folio, aussi paru sous le titre Kombini. Une jeune femme continue à travailler dans ce petit magasin alors qu’habituellement, ces types de postes sont tenus par les étudiants. Elle est différente et « on entre dans son système de pensée ».

Prochaine date proposée au MZ :
le Jeudi 2 mai à partir de 18h

Les Vivants – mars 2024 – 2)

Continuons avec les auteur(e)s français(es) dont il a été question :
– Emmanuelle Tornero : La femme qui entre dans le champ, éditions Zoé, 2024 : histoire d’une femme qui ne sait pas quoi faire de sa maternité. Elle s’en va, erre avec son enfant, se sent petit à petit enserrée par un figuier. Une fin ouverte. Histoire des femmes qui, dans la littérature et au cinéma, partent.
Emmanuelle Tornero a fait le Master de création littéraire du Havre.
– Régis Messac (1893-1945) : Quinzinzinzili, paru en 1935. Republié par L’Arbre vengeur en 2007, puis en poche à la Table ronde : un éducateur emmène des gamins dans une grotte au moment de la fin du monde. On les voit grandir. Il ne veut pas les éduquer. Ils « évoluent »…
– Louis Vendel : Solal ou la chute des corps, Le Seuil, 2024 : un premier roman,  un ami souffre de bipolarité. Un jeune face à la maladie, l’alcool, la drogue.
Plusieurs livres présentés parlaient de peinture, de photo :
– Thomas Schlesser : Les yeux de Mona, éditions Albin Michel, 2024 : une petite fille va peut-être perdre la vue. Son grand-père l’emmène au musée pendant un an, 52 mercredis. Une jolie idée et un joli détail : A l’intérieur de la jaquette, les 52 peintures sont reproduites. Thomas Schlesser est historien de l’art et s’occupe de la fondation Hartung-Bergman, maison atelier dans le sud de la France.
– Thomas Snégaroff : Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen : chez Albin Michel, 2024. Le journaliste et historien part de tableaux dans sa famille et travaille sur cette femme  peintre, connue début XXème siècle dans les milieux artistiques parisiens puis invisibilisée. Entre faits et fictions.
– Christian Bobin : Pierre, 2019,  maintenant en Folio. Un exercice d’admiration pour Soulages, son peintre préféré.
– Puis-je garder quelques secrets : cinquième parution des éditions TXT. Sur Henri Cartier-Bresson, sa vie, son travail, à travers une trentaine d’interviews.
Et un essai :
– Le troisième continent ou la littérature du réel de Ivan Jablonka, Seuil, 2024 : le mixte de littérature et des sciences sociales. Pour plus d’informations sur ce livre : Jablonka était sur France-Culture, un midi de la semaine dernière.

Il y a eu quelques livres étrangers. J’y reviens avant la rencontre du 18 avril

Les Vivants – mars 2024 – 1)

On a bu, oui, forcément, mais Sébastien ne nous en a pas trop parlé et ensuite, on a oublié de le lui demander…
On avait lu, ça c’est sûr !

  • Cartographie d’un feu de Nathalie Démoulin, Denoël 2024 :
    il a déjà été le sujet d’ un post précédent, mais je voulais insister sur le côté extrêmement visuel du texte. Voilà un autre passage, p 75 : « Une poignée de chamois s’éparpillent sur une bande rocheuse au-dessus de la zone de feu, en un bref remous, chassés par une peur dont je ne perçois pas l’objet. D’ici on n’entend pas la ville. On n’entend que le vent. Il dévale des crêts, tourne sur la neige et trace de grandes vagues qui feulent. Le sang tape sur mes tympans. Alors je n’entends pas venir le zeppelin. Son ombre se referme d’un coup, éteignant les soleils sur la neige. Il est juste au-dessus de moi, énorme coque muette. Dans la nacelle de verre greffée au ballon, je distingue des silhouettes. (…) L’aérostat glisse en silence au-dessus de la cluse. Et je me demande si les passagers ont acquitté un supplément pour survoler l’incendie et détourner le zeppelin de son circuit habituel, ou bien si la compagnie a affrété un vol spécial. Vous pensez ! Un incendie si insensé ! Le dirigeable s’élève paresseusement vers Furieuse »…
    Incroyable, l’imposant de ce vaisseau !
  • Sans valeur de Gaëlle Obiégly, Bayard, 2023 : Habituellement éditée chez Verticales, on pouvait entendre il y a quelques jours sa voix d’enfant à France-Culture dans l’émission d’Arnaud Laporte. Voix d’enfant, point de départ du livre aussi – la narratrice ramasse un petit tas d’ordures abandonnées dans la rue –   mais pas les propos qu’il entraîne : la place des objets dans notre vie, leur côté caduque, l’histoire possible de la personne qui l’a déposé là, l’appropriation de cette histoire : « Les souvenirs d’une inconnue prennent la place des miens, disons qu’ils communiquent. » Il y a des photos ratées dans ce petit tas : « J’aime ces photographies plates qui laissent entendre démonstrativement qu’elles n’ont aucun besoin d’interlocuteur. C’est peut-être leur message. ». La référence à une collection new-yorkaise commencée par un éboueur, Molina : p 78-79 : «  La vie à New York, constate Warhol, encourage les gens à vouloir ce que personne ne veut – à vouloir les choses laissées pour compte. Pourquoi ça ? Parce qu’il y a énormément de gens à concurrencer. Alors pour obtenir quoi que ce soit, ton seul espoir, c’est de modifier ton goût, de manière à vouloir ce dont les autres ne veulent pas. Et Molina a développé ainsi son goût, comme, avant lui, les surréalistes. »
  • Histoire de l’homme qui ne voulait pas mourir de Catherine Lovey, Zoé, 2023 : une femme parle de son voisin, Sandor. On ne saura presque rien d’elle qui vient d’arriver dans une petite résidence, en Suisse (P. 23 : pays dans lequel nous vivons, dont le conservatisme replet m’horripilait autant qu’il l’enchantait, lui, le natif d’Europe centrale. » . Elle est plutôt militante écologiste, il a toujours l’idée que mettre son nom sur une pétition peut poser problème. Ils se voient assez souvent mais de manière détachée. La maladie commence pour Sandor et là, c’est ce que lui en dit, ce que les médecins en disent et ce que voit la narratrice chaque fois qu’elle l’aide. Le déni du malade, la technicité des spécialistes et la réalité. Le ton est un peu sec mais cela fonctionne et l’empathie se ressent.
    Bientôt un prochain post pour tous les autres livres évoqués.
    Le prochain rendez-vous chez Les Vivants est prévu le jeudi 18 avril