Un vin, des livres – février 2025 – 1)

Mis en avant

Au moment
– enfin presque, il sort début mars –
où la Peuplade publie le deuxième livre de Cristian Fulas, La pire espèce,
on reparle de Iochka, paru en 2022 à La Peuplade,
traduit du roumain par Floria Couriol et Jean-Louis Couriol
et trouvable en 10-18 :
Un livre-conte autour du personnage de Iochka, jusqu’à sa rencontre avec Ilona, sa vie avec elle, et le temps sans elle.
Une très belle écriture. De l’amour et de l’humour. Mais aussi du politique.

Au moment – enfin presque, il est sorti fin 2024 –
où Flammarion a publié La mer intérieure. En quête d’un paysage effacé, de Lucie Taïeb,
on parle de Capitaine Vertu, paru aux éditions de l’Ogre en 2022 et en Pocket en 2023.
Estampillé « Sélection Prix Nouvelles Voix du Polar », acheté dans une station-service, avec l’intention don quichottesque de permettre … par mon achat… qu’on ne trouve pas là que du Coben ou du Bussi…
C’est quand même loin du polar, même du noir.
Quoique, pour le noir, faut voir : il y a du social dans Capitaine Vertu.
Le personnage principal est d’abord policière : on parle de sa façon de travailler, efficace avec les coupables, moins avec les victimes, de sa disparition volontaire, de sa vie d’après, du pourquoi.
Et ce pourquoi, c’est peut-être LA raison d’écrire le livre : le fait de vivre dans un pays où vos parents ne sont pas nés, ce qu’ils en attendent et ce qu’ils attendent de vous, dans ce nouveau pays.

Prisonnière à Téhéran de Fariba Abdelkhah, Le Seuil, 2024 :
un document : cette ethnologue franco-iranienne a été arrêtée en 2019 en allant chercher un ami, sociologue français, à l’aéroport. Lui aussi a été arrêté.
Elle a été libérée en 2023, vit en France, mais rêve de retourner en Iran pour poursuivre son travail sur le religieux.
Elle a voulu faire de ce temps de détention à Evin un temps de travail. Elle décrit les lieux, évoque les prisonnières, la vie selon les services responsables de l’emprisonnement. Elle montre le côté ubuesque de situations et de décisions. Elle alerte sur la dureté plus grande encore pour les prisonnier.es qui ne parlent pas la langue. Une Française est là-bas, aujourd’hui et depuis environ trois ans dans ces conditions, Cécile Kohler.

Je reviens
mais le prochain Un vin des livres est programmé le jeudi 6 mars, 18h, à  l’ Art Hotel

Un Nicole Krauss : P U N° 222

Mis en avant

Forêt obscure de Nicole Krauss est paru aux USA en 2017, en France en 2018, aux éditions de l’Olivier, traduit par Paule Guivarch.
Deux histoires se tressent.
Deux personnages qui n’ont aucun lien, qui ne se rencontreront jamais, partent de New York et passent un temps en Israel.
Un homme riche, âgé, se défait de ses biens, s’efface.
Une écrivaine, là pour écrire, est contactée par un inconnu qui lui « révèle », à partir du vrai procès sur les manuscrits de Kafka, la « vraie » fin de vie de celui-ci…
Un livre sur l’incertain, l’inconnu, dans lequel faits et possibilités s’étaient.

Quelques éléments semblent dire ce que ressent Nicole Krauss sur ce pays ( à l’époque en tous cas, avant le 7 octobre ) :
p. 255 en collection Points : « …chaque voiture était contrôlée par des soldats (…) adolescents en treillis exécutant des ordres à peu près dénués de sens pour eux (…) Le garçon, lui, était trapu, velu et arrogant, trop imbu de l’autorité que lui conférait la situation. Friedman, déjà tendu, s’impatienta très vite contre l’interrogatoire, ce qui ne fit qu’attirer l’arrogance du garçon – difficile de l’appeler un homme, et là peut-être était le problème, ou l’un des problèmes. »
Et p. 324 : «  A un moment, ma fièvre recommença à monter et c’est ce qui retint finalement l’attention des médecins. En fait, ce fut l’Arabe au balai serpillière et au stéthoscope qui remarqua mon état. » …

Quelques Poèmes Express issus de Forêt obscure :
– L’oeuvre est mince mais pousse à la mort.
– Il avait eu affaire à quantité de corps, et il n’en avait pas fini.
– Sensation de la moquette sous mes jambes et conscience des murs autour de nous.
– Avoir la gentillesse de chercher les pantoufles taille enfant dans un monde trop grand.
– Un mouton longtemps enfermé passa en trombe. De nouveaux missiles avaient explosé, 7 ou 8 personnes faisant quelques « waouh ! »
– Approchait l’heure et je me sentais vraiment mort.
– Ecrire, c’est danser, se rendre disponible pour l’émotion de la forme.
– Dans la tête, des gens âgés effectuant leurs lentes longueurs de bassin. J’aurais préféré un sommeil sans rêves.

La Pièce Unique n° 222 a été offerte à Madé, plasticienne
dont l’oeuvre passe par le gris
– dont le « gris de Payne » que j’ai entendu comme « gris de peine »-

 

Super réponse de Milène Tournier

Mis en avant

Un Joseph Conrad : P U N° 221

Mis en avant

Le compagnon secret, conte de Joseph Conrad  (1857-1924), parut une première fois en 1910 dans Harper’s magazine, New York.
En français, on le trouve chez Gallimard, et aux éditions Ginkgo, traduit par G. Jean-Aubry.
« Je viens de terminer un conte de 12 000 mots » écrit Conrad dans une lettre du 12 décembre 1909 « en dix jours. Ce n’est pas si mal (…) Faire quelque chose de facile m’a donné confiance. ».
Une histoire de mer évidemment, basée sur
– un fait qui lui était arrivé en 1888 : devoir reprendre à Bangkok le commandement – son premier en tant que capitaine – d’un bateau, l’Otago, dont il ne connaît rien, ni les qualités de navigation, ni l’équipage.
un événement arrivé sur le « Cutty sark » en 1880, sans rapport avec lui.
Mais plus qu’un récit d’aventure, on a l’impression d’être dans un texte fantastique à travers le thème du double que l’on trouve pour la première fois page 26 : «  La tête sombre, brune, comme la mienne, parut se secouer imperceptiblement au-dessus du gris fantomal de mon pyjama. Il me semblait, dans la nuit, me trouver en face de ma propre image reflétée dans les profondeurs d’un sombre et immense miroir. »

Quelques Poèmes Express qui en sont « extraits »
:
Tout prendre en considération, tout ce qui se présentait, et s’y noyer.
– Lentement, j’avais quitté mon double.
– Le type était fou de trouille. Les autres hurlaient : le ciel était tombé.
– Un diable a pensé vos chaînes.
– Vous savez ce que c’est, vous ! La fin du monde jour après jour…
– Le champ de l’inquiétude approche.
– Dans la terre englouti, trop engagé pour en sortir, le silence;

Cette Pièce Unique est pour Milène Tournier qui est éditée entre autres chez Lurlure et Le Castor Astral, que l’on peut voir et entendre dans ses Poèmes-vidéo sur Youtube, et qui fait des lectures.
Ainsi le 1er février, à 16h30, au Havre, à Honegger,
invitée par l’association  Ligne d’horizon.

Un peu de désordre

Mis en avant

Déjà deux ou trois réunions Un vin, des livres sans compte-rendu…
Shame on me  !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alors, dans le désordre, et de manière très incomplète,
voilà ce que j’ai pu proposer :
– Pauvre folle de Chloé Delaume, au Seuil et maintenant en poche :
un très beau roman-auto-fictif
parce que c’est vrai et c’est faux,
très féministe,
et c’est surtout très ECRIT et plein d’humour !
– La zone d’inconfort de Jonathan Franzen, paru en 2006, en 2007 éditions des l’Olivier : dans les années 70 aux Etats-Unis, l’adolescence d’un garçon middle-class complexé . Au-delà de ça, une vision du pays, de l’époque, de la famille.
 Tornade de Simon Fichet, 2024, éditions Marchialy.
A noter absolument : la beauté de ces éditions grâce au travail de Guillaume Guilpart.
De la non-fiction toujours.
Ici, le journaliste parti aux USA pour cerner des tornades nous les rend visibles.
et c’est réellement IMPRESSIONNANT
Il ne joue pas les héros, dit sa peur.
Le témoin de Joy Sorman, Flammarion 2024 :
Fiction et non-fiction mélangées.
Fiction : Bart travaillait à Pôle Emploi mais il est remercié. Il part définitivement de son studio, Emporte un minimum et va au tribunal. Il s’y installe clandestinement
et
Non-fiction : il suit des audiences.
Un livre engagé, qui finit à la Kafka

Prochaine date prévue à L’Art Hotel : le jeudi 13 février, 18h

Studio – Ancres noires : le jeudi 23 janvier

La fille qui en savait trop – Mario Bava – 1964 :
séance du 23 janvier à 20h30
au Studio et en partenariat avec Cannibal Peluche

Voilà l’article de Patrick Grée à cette occasion :
 » Mario Bava l’Italien se fait plaisir et nous comble avec cette parodie de giallo (le polar sanglant à l’italienne des années 60-70). Noir et blanc hyper contrasté (signé du pinceau même du maître) à la limite de l’abstraction : voir la scène du meurtre. Avec quelques gouttes de surréalisme buñuelien : les trois cornettes des bonnes sœurs vues d’en haut. Le cinéaste manie l’humour et l’autocitation aussi bien que la hache ou le rasoir. L’effet cinéma est garanti : heureux ceux qui le découvrent sur grand écran ; le cinoche de ces années-là (d’avant la t.v.) était fait pour ça ! Et peut-être surtout le cinéma de genre, le cinéma populaire du sam’di soir. Celui des Américains bien sûr, mais aussi des Anglais, des Italiens, sans oublier les Japonais, qui y apposèrent chacun leur marque distinctive. Les Italiens surent aller très loin, repoussèrent les limites du bon goût , à moins que ce ne soit…du mauvais!

La France, belle nation du septième art à n’en pas douter, ne brilla pas tant dans les bobines du second rayon ; l’Espagne même l’y dépassa aisément avec son baroque halluciné et enfila de belles perles irrégulières. L’esprit classique de nos lettres tant réputées nous imbiba la rétine semble-t-il, intimida nos pulsions scopiques, les réduisant à quelques errements albicoccoquesques ou hosseiniens. Notons au passage la frilosité du pays de Descartes pour l’écran large que les cinématographies citées plus haut favorisèrent joyeusement et qui semble satisfaire l’appétit du cinéphile amateur de sensations. On peut voir aussi dans cet isolement une belle résistance de la grammaire visuelle gauloise à ce qui bascule vite dans l’effet facile trop peu motivé. Malgré tout, peu de visions intelligemment anamorphosées, de regards savamment bridés : bien sûr un Vadim de temps à autre… Observons, au vu de la variété géographique des terres du scope évoquées, que l’argument “spatial” associant les Etats-unis à ce format ne tient pas tant que ça !

Partis de la projection d’un pur divertissement, La fille qui en savait trop de Mario Bava, nous voici réécrivant l’histoire du cinéma – comme art visuel ? Mais on l’aura compris, le mot n’a pas été lâché au hasard : c’est bien de pure-té qu’il est question ici.

Au commencement :

Etait le regard. »

Un Maryline Desbiolles : P U N° 220

Mis en avant

Il s’agit ici de : Il n’y aura pas de sang versé, son avant-dernier livre, paru en 2023 et maintenant trouvable en Livre de poche.
Des femmes ont fait grève à Lyon en 1869 ; c’était la première grève de femmes. Il fallait se faire entendre des fabricants de la soie, des patrons qui vous payaient moitié moins que les hommes, pour le même temps et le même travail, mais il fallait aussi se faire entendre des collègues ouvriers, des délégués « au congrès de l’association internationale des travailleurs », comme Proudhon. Et ce n’était pas forcément plus facile. Certaines de ces femmes, M. Desbiolles les nomme, raconte une partie de leur histoire, les présente comme faisant une « course de relais » parce que c’est un « livre du nous »* et pour « donner du rythme »*. Car ce qui compte, c’est l’écriture, l’intérêt pour les mots, oubliés comme « ovalistes », et tous les mots, qui courent eux aussi dans des phrases quelquefois incroyablement longues

On peut voir et entendre Maryline Desbiolles à propos de ce livre, sur YouTube dans une interview* à la Villa Gillet, le 11 mai 2023

Quelques Poèmes Express qui viennent de ce texte :
– Ils avaient peur. Ils avaient l’habitude.
– La grosse chaleur engloutit la Méditerranée, grand drap froissé et chargé.
– Les mots dépassent ; on parle trop, inutilement.
– Un petit bout de hurlements a dévidé une odeur grège.
– La révolte est une épine ; on ne peut pas la retirer de la rue. Elle a appris à ne pas en démordre.
– Il y a de l’inquiétude dans la chaleur des nuits, dehors, pour elles.
– On est dans la rue, on rit fort, on est moins à l’étroit que les autres.

La Pièce Unique N° 220 est offerte à Lucie Pagès, créatrice, avec Guillaume Collet, de l’asso Les Chiens Fantômes et du festival de courts-métrages Nouveaux rêves à Saint-Etienne.

L’art du paysage : un essai – P U N° 219

L’art du paysage de Kenneth Clark, traduit par André Ferrier et Françoise Falcon, paru en 1949 chez Julliard puis en 2010 chez Arléa est la Pièce Unique n° 219.

Kenneth Clark (1903-1983) a eu pour principal sujet d’études la Renaissance et une carrière impressionnante : dans les années 30, directeur de la National Gallery, conservateur de la Royal Collection. Aussi conférencier, essayiste, il a plus tard une chaire à Oxford puis, dans les années 50-60, devient présentateur dans des séries sur l’art à la TV.
Sacré bonhomme donc, qui voulait rendre l’art visible par tous.
Ce livre nous conduit de l’art médiéval à Seurat et Cézanne. On y apprend beaucoup, passant du jardin clos et son sens, au Salon de 1860 où «  la première règle était qu’il fallait corriger la nature en vue d’idéal », en passant par l’affirmation : « Michel Ange savait que le paysage était une invention flamande » et bien d’autres informations …ou avis…

Quelques Poèmes Express qui viennent de L’art du paysage :
– Il y avait de mystérieux insoumis. Ce serait une erreur de les croire.
– D’amour épris et réceptifs à l’art, des déchiquetés par l’âpreté.
– Des forces secrètes ont permis d’entrer dans la vieille religieuse.
– Les impressions sont des versions libres du monde, ce théâtre.
– C’est au moment où nous remarquons la porte du tombeau à terre que …
– Chemise à carreaux et barbe, l’énorme a un accent de carte postale.
– C’était un point de départ : un Poussin.
– L’imagination pouvait se fourvoyer, c’est l’essence de sa technique.

C’est offert à Sophie D. qui peint, colorie, et dessine sur une multitude de supports.

En retard sur Un vin, des livres mais…

En retard, mais voilà la prochaine date : le jeudi 9 janvier, 18h, à l’ Art Hotel !

En retard mais je ne parle pas de ça aujourd’hui.

Je parle de la Pièce Unique N° 218

un Claude Farrère (1876-1957) : L’homme qui assassina, paru au début du XXème siècle (plusieurs dates trouvées : 1907 ? 1919 ?) et des rééditions avec des illustrations, une fois de Henri Farge, une autre avec des bois de Gérard Cochet.
Claude Farrère, jamais lu jusque là, trouvé dans la bibliothèque de la maison à vider. Officier de marine, homme de droite, prix Goncourt 1905, académicien à partir de 1935 … Sans doute peu lu au XXIème siècle même si un volume-compilation est paru chez Arthaud en 2018, titré La mer, l’Orient, l’opium. Même si on l’a cité le 14 décembre dans l’émission de François Angelier, « Mauvais genres » sur France Culture à propos du livre d’Eric Walbecq Paris opium, aux éditions L’échappée, pour son opiomanie.

L’homme qui assassina 
se passe à Istanbul, que Farrère connut bien. Le personnage principal est un diplomate qui arrive en poste dans une Turquie vampiriisée économiquement par les banques et entreprises européennes. Mais il est aussi question d’amour…

Quelques Poèmes Express issus de L’homme qui assassina :
– A la table à écrire, ébène et faïence : Loti.
– Là, le pétrole, ton de sang séché, fini de rire.
– Ces pauvres femmes tiennent en équilibre sur les secrets.
– Je reçois des ventres luxueux dans un pays dépecé. Et baise des femmes.
– La maison trempe dans l’eau. Porte grande ouverte.
– Je vous donne mes os ; il m’est doux de vous les donner.
– Nous vivons, pli triste de la bouche, au fond de ce matin.
Derrière un grand mur, un ravin couleur de nuit, ravin cimetière.
Marbre blanc ciselé mais tapis troué.

Cette Pièce Unique est offerte à Jean-Louis P. …que je ne connais pas…

Prochain Un vin, des livres, le jeudi 9 janvier 2025

C’est noté pour nous.

Je vous souhaite de bonnes fêtes de fin d’année.

A bientôt,

Angélique

Best Western ARThotel LE HAVRE Centre
147 rue Louis Brindeau | 76600 LE HAVRE | FRANCE
Tél. : + 33 (2) 35 22 69 44
ARThotel LE HAVRE Centre