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2ème (faux) Chat Bleu :
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On a dit que, cette fois, on faisait mâle/viril/ »ombre » = auteurs et personnages principaux masculins.
Alors voilà : un Jérôme Bonnetto, un Richard Morgiève, un Gunnar Gunnarsson et puis aussi un Laurent Petitmangin et, en prime, Per Wahlöö.
Le silence des carpes de Jérôme Bonnetto, éditions Inculte 2021 : ça commence un peu comme un Jean-Philippe Toussaint première mouture, avec un robinet qui fait « ploc », un propriétaire dudit robinet procrastinateur, un plombier au joli petit accent, une photo tombée de la poche du susdit plombier, une compagne qui a besoin d’air. Et puis, cela devient un roman d’aventures qui nous emmène en Moravie et nous replace dans le temps du communisme.
- Le cherokee de Richard Morgiève, maintenant en Folio policier. Gand prix de littérature policière 2019, prix Mystère de la critique 2020 : de l’humour et une écriture étonnante. Un shérif, Corey, le « cherokee » du titre, voit dans son coin paumé, une voiture abandonnée et un avion de chasse sans pilote. La suite est improbable mais ce n’est absolument pas grave.
- Le berger de l’Avent de Gunnar Gunnarsson, éditions Zulma 2019, paru pour la première fois en 1936. Le personnage, Benedikt, part chaque année avec son chien et son bélier chercher dans la montagne les moutons qui manquent. Cette année, c’est différent. Il a pris du retard, la météo n’est pas bonne et des hommes lui demandent de l’aide pour retrouver leurs bêtes. L’histoire d’un taiseux, un homme calme qui agit, calmement, qui n’a pas peur, même de la mort.
- Ce qu’il faut de nuit de Laurent Petitmangin, éditions Manufacture des livres, 2020, le dernier prix Stanislas. Un homme, dans l’Est désindustrialisé, perd sa femme mais réussit à élever ses deux garçons. L’un fait des bêtises, pas l’autre. On est un peu dans la même ambiance sociale, les mêmes réflexions que dans le Prix Goncourt de Nicolas Mathieu.
Le camion de Per Wahlöö, paru en 1962, en 2012 chez Payot et Rivages. Per Wahlöö est connu pour les dix livres qu’il a écrits à quatre mains avec Maj Sjöwall, sa compagne, dix romans policiers qui se passent en Suède avec des « héros » récurrents, des policiers qui font les choses petit à petit, calmement, sans éclat. Avec Le camion, on est en Espagne, dans les années 50 – comme y fut l’auteur -. Le personnage principal, Willi, est un mauvais peintre allemand qui vit dans une maison avec un couple de Norvégiens. Un jour, ceux-ci ne reviennent pas d’une partie de pêche avec les frères Alemany. Wahlöö, engagé, donne quelques exemples des « techniques » de la police franquiste. Il montre aussi ces scandinaves libérés face aux autochtones bridés par la religion et le régime.
A bientôt ! Et on l’espère, vite, dans un vrai Chat Bleu.
Super réaction à la P U N° 118 !
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La pièce unique n 118 de
Un Sembene Ousmane : P U N° 119
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Le Sénégalais Sembene Ousmane (1923-2007), fils de pêcheur, autodidacte, est venu en France en 1946. Docker à Marseille pendant dix ans, son premier roman, « Le docker noir » paraît en 1956.
En 1966, il tourne son premier long-métrage : « La noire de… ». Il est considéré comme « le grand-père des cinéastes africains ». Son dernier film, en 2004, Moolade est sur la force des femmes, et contre l’excision.
Homme de gauche, il voit le cinéma, et l’écriture, comme des moyens politiques.
Véhi-Ciosane suivi du Mandat est paru aux éditions Présence africaine en 1966. Les deux novellas parlent, l’une, de l’inceste par un père polygame, chef de village, l’autre, de l’obligatoire solidarité entre ceux qui s’en sortent et les autres, mais aussi de tromperie.
Voilà quelques Poèmes Express qui en sont issus :
– Un enfant élève son père ou le blesse.
– Au centre de cette haute sphère de notables, la mort avec sa tête plate.
– Elle haïssait la famille, avait soin de l’individuel.
– Une fille, cette nuit, chasse l’homme. Il se fige.
– Elle se refuse. Silence de bouche triste.
– La morale, tout le monde s’en couvrait ou la suivait.
– La sueur collait sur le mamelon des femmes.
La P U N° 119 est offerte à Bruno Lecoquierre. Ce professeur de géographie, directeur du laboratoire IDEES à l’université du Havre, a entre autres travaillé sur le Sahara.
(Un faux) Chat Bleu :
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On n’était pas au Chat Bleu.
On était moins de six.
On a quand même parlé de livres.
Il se trouve que la majorité de ces livres avaient pour propos des vies de femmes.
Cela allait de Corentine de la ministre Roselyne Bachelot… histoire de sa grand-mère bretonne,
à La fin de l’amour, un désarroi contemporain, essai sociologique d’Eva Illouz .
On ne dira rien de plus du premier, mais on pourra le comparer avec Composition française, retour sur une enfance bretonne de Mona Ozouf, paru en 2008, Folio.
Entre les deux, des romans qui évoquent la condition féminine un peu partout, un peu n’importe quand :
– Le silence d’Isra, d’etaf Rum. Traduit de l’anglais par Diniz Galhos. Paru aux éditions L’Observatoire en 2020 : la vie d’une jeune Palestinienne mariée sans amour, devenue (ô malheur) mère de filles uniquement.
– Les heures silencieuses, deuxième livre de Gaëlle Josse, trouvable en poche : la vie d’une femme de la bourgeoisie marchande du XVII ème siècle à La Haye.
– Suzuran d’Aki Shimazaki, Actes Sud, 2020 : ouvre une nouvelle série de la Nippo-québécoise : la vie d’une femme céramiste, divorcée.
– Trencadis (déjà évoqué dans d’autres Chat Bleu) : la bio romancée de Niki de Saint Phalle qui se voulut artiste plus que mère. Aux éditions Quidam, 2020.
– La vengeance m’appartient de Marie N’Diaye, Gallimard, 2021 : une avocate amenée à défendre une femme qui a tué ses trois enfants. Le livre porte aussi sur la bourgeoisie bordelaise et le passé négrier de la ville.
– Alexandra Kim, la Sibérienne, roman graphique de Keum Suk Gendry-Kim aux éditions Cambourakis, 2020 : sur une révolutionnaire d’origine coréenne (1885-1918).
Enfin, donc, l’essai d’Eva Illouz : « Passionnant » : nous sommes dans l’ère du « capitalisme scopique », une économie gérée par les hommes, pour le plaisir des hommes et qui influence les femmes. Un monde où l’éducation des femmes tourne autour du « care », pas celle des hommes, où le marché du développement personnel amène des attentes difficiles à réaliser.
Bientôt, un autre (faux) Chat Bleu. Promis, il n’y sera question que d’hommes.
Un Ray Bradbury : P U N° 118
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Un remède à la mélancolie, de Ray Bradbury (1920-2012), est la Pièce Unique N° 118. Il s’agit d’un recueil de 22 nouvelles qui vont de 1948 à 1959, traduites et rassemblées chez Denoël en 1961. Certaines appartiennent au genre de la S F, d’autres au fantastique, d’autres encore à rien de cela. C’est un ensemble extraordinaire, un vrai plaisir. C’est plein d’invention, d’idées inattendues, un feu d’artifice, des fusées multicolores partant dans tous les sens.
Voilà quelques Poèmes Express issus d’Un remède à la mélancolie :
– Une fraise des bois demande de l’argent pour acheter des enfants.
– Elle descendit les marches de cette histoire en six à huit mois.
– Tout a cessé. Silence…des êtres se sont desséchés. Lentement.
– Tu nous achèteras un peu de profondeur.
– Un fantôme fixait la confiture. Son gémissement troubla le silence.
– Mon visage s’ouvrit et j’ouvris le petit homme.
– Le saumon ignore le ciel neigeux ou la couleur prune.
– En esprit, faire le saut. Et pendant ce temps, être grenouille.
Cette Pièce Unique est envoyée à Sylvie C. « rencontrée » sur Facebook, donc pas vraiment rencontrée, mais ressentie comme potentiellement proche.
Un Asli Erdogan : P U N° 117
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Le silence même n’est plus à toi : chroniques de la journaliste et romancière Asli Erdogan. Traduites du turc par Julien Lapeyre de Cabanes, elles sont trouvables dans la collection Babel. Asli Erdogan est une de ces intellectuels poursuivis par le gouvernement turc pour ses prises de position sur le génocide arménien, la situation des Kurdes, le sort fait aux femmes. Ses textes dénoncent dans une prose poétique les horreurs vécues en Turquie.
Elle a pu dire en 2017 à l’émission de François Busnel : « Ma foi dans les mots est inébranlable ». Et il faut croire que c’est aussi le cas de Recep Tayyip Erdogan puisqu’elle a été emprisonnée, jugée, qu’elle doit vivre en exil et pas pour la première fois.
Quelques « Poèmes Express » issus de ce livre :
– Les snipers déployés autour de la recroquevillée.
– Au pied du F16, les émotions reviennent.
– Descendre au centre du brun triste, tirant sur le violet.
– Corps étiquetés, cri égaré.
– C’est interdit, les explosions sur l’autoroute.
– La neige, dans un état fiévreux, a beaucoup changé.
On envoie cette Pièce Unique à une des éditrices d’Actes Sud, Marie Desmeures. Par jeu : une espèce de retour à l’envoyeur.
Bientôt…
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Un Stevenson : P U N° 114
L’île au trésor est paru en feuilleton en 1882. En poche en France en 1961. Retraduit récemment, les éditions Tristram lui ont donné une superbe couverture. Vu comme un roman- jeunesse, il a souvent été adapté au cinéma.
R.L. Stevenson, l’écrivain voyageur écossais est mort le 3 décembre 1894 aux îles Samoa. Nous avons offert cette Pièce Unique ce 4 décembre à une voyageuse, Pia G. qui vient se poser ici après avoir habité Milan, Budapest, Vienne…
Voilà quelques Poèmes Express :
– Il mettait le nez à la porte ou avait une façon inquiétante de le poser sur la table.
– Forte peur dans la brume. Pause.
– Un gentleman mort dévisse sa tête, donne le coeur et suce sa fin.
– Il essayait de rire, de retirer le poignard de sa bouche.
– Morts rouges et bouffis, bandage sanglant, mauvaise mine.
– Elle n’a jamais rien raté, la constance.
Un Kamel Daoud : P U N° 113
Le peintre dévorant la femme paru aux éditions Stock en 2018 est aussi en poche chez Babel. Kamel Daoud est connu pour son Meursault, contre-enquête, Goncourt du premier roman en 2014. Il est par ailleurs journaliste et a des positions vis-à-vis de l’islamisme qui le mettent en danger.
Ce livre est un récit, de la collection « Ma nuit au musée » : un(e) auteur(e) passe une nuit dans un musée et écrit sur cette expérience. Lydie Salvayre, Santiago Amigorena, par exemple, se sont déjà prêtés à ce dispositif.
Kamel Daoud a été, lui, invité au musée Picasso. L’intérêt du livre n’est pas tant son regard sur l’oeuvre de ce peintre que ce qu’il dit du rapport au corps, au sexe, à l’art et à la collection, de l’autre côté de la Méditerranée. Là, c’est passionnant.
Voilà quelques uns des Poèmes Express qui en sont sortis :
– Le jaune annonce le sourire, le corps et sa chaleur.
– Durant l’amour, se faire appréhender par le muscle-coeur.
– Le sang s’échappe. Plongée dans la mort, la femme en offrande.
– Cet endroit est un monde de piranhas. La fin y est la fin.
– S’il peint l’âme, je peux la dévêtir.
– Le grain de peau rencontre le cannibale et le nu est camisolé par l’amant.
– Sous mille angles, cette année se révèle noyade, submersion et fin.
La Pièce Unique N° 113 est à offrir à Laurence Drocourt, plasticienne qui travaille à l’ESADHaR. Elle a aussi conçu une pseudo-galerie : une vitrine / une oeuvre ( souvent intéressante et ludique ).