Un Joseph Conrad : P U N° 221

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Le compagnon secret, conte de Joseph Conrad  (1857-1924), parut une première fois en 1910 dans Harper’s magazine, New York.
En français, on le trouve chez Gallimard, et aux éditions Ginkgo, traduit par G. Jean-Aubry.
« Je viens de terminer un conte de 12 000 mots » écrit Conrad dans une lettre du 12 décembre 1909 « en dix jours. Ce n’est pas si mal (…) Faire quelque chose de facile m’a donné confiance. ».
Une histoire de mer évidemment, basée sur
– un fait qui lui était arrivé en 1888 : devoir reprendre à Bangkok le commandement – son premier en tant que capitaine – d’un bateau, l’Otago, dont il ne connaît rien, ni les qualités de navigation, ni l’équipage.
un événement arrivé sur le « Cutty sark » en 1880, sans rapport avec lui.
Mais plus qu’un récit d’aventure, on a l’impression d’être dans un texte fantastique à travers le thème du double que l’on trouve pour la première fois page 26 : «  La tête sombre, brune, comme la mienne, parut se secouer imperceptiblement au-dessus du gris fantomal de mon pyjama. Il me semblait, dans la nuit, me trouver en face de ma propre image reflétée dans les profondeurs d’un sombre et immense miroir. »

Quelques Poèmes Express qui en sont « extraits »
:
Tout prendre en considération, tout ce qui se présentait, et s’y noyer.
– Lentement, j’avais quitté mon double.
– Le type était fou de trouille. Les autres hurlaient : le ciel était tombé.
– Un diable a pensé vos chaînes.
– Vous savez ce que c’est, vous ! La fin du monde jour après jour…
– Le champ de l’inquiétude approche.
– Dans la terre englouti, trop engagé pour en sortir, le silence;

Cette Pièce Unique est pour Milène Tournier qui est éditée entre autres chez Lurlure et Le Castor Astral, que l’on peut voir et entendre dans ses Poèmes-vidéo sur Youtube, et qui fait des lectures.
Ainsi le 1er février, à 16h30, au Havre, à Honegger,
invitée par l’association  Ligne d’horizon.

Un peu de désordre

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Déjà deux ou trois réunions Un vin, des livres sans compte-rendu…
Shame on me  !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Alors, dans le désordre, et de manière très incomplète,
voilà ce que j’ai pu proposer :
– Pauvre folle de Chloé Delaume, au Seuil et maintenant en poche :
un très beau roman-auto-fictif
parce que c’est vrai et c’est faux,
très féministe,
et c’est surtout très ECRIT et plein d’humour !
– La zone d’inconfort de Jonathan Franzen, paru en 2006, en 2007 éditions des l’Olivier : dans les années 70 aux Etats-Unis, l’adolescence d’un garçon middle-class complexé . Au-delà de ça, une vision du pays, de l’époque, de la famille.
 Tornade de Simon Fichet, 2024, éditions Marchialy.
A noter absolument : la beauté de ces éditions grâce au travail de Guillaume Guilpart.
De la non-fiction toujours.
Ici, le journaliste parti aux USA pour cerner des tornades nous les rend visibles.
et c’est réellement IMPRESSIONNANT
Il ne joue pas les héros, dit sa peur.
Le témoin de Joy Sorman, Flammarion 2024 :
Fiction et non-fiction mélangées.
Fiction : Bart travaillait à Pôle Emploi mais il est remercié. Il part définitivement de son studio, Emporte un minimum et va au tribunal. Il s’y installe clandestinement
et
Non-fiction : il suit des audiences.
Un livre engagé, qui finit à la Kafka

Prochaine date prévue à L’Art Hotel : le jeudi 13 février, 18h

Studio – Ancres noires : le jeudi 23 janvier

La fille qui en savait trop – Mario Bava – 1964 :
séance du 23 janvier à 20h30
au Studio et en partenariat avec Cannibal Peluche

Voilà l’article de Patrick Grée à cette occasion :
 » Mario Bava l’Italien se fait plaisir et nous comble avec cette parodie de giallo (le polar sanglant à l’italienne des années 60-70). Noir et blanc hyper contrasté (signé du pinceau même du maître) à la limite de l’abstraction : voir la scène du meurtre. Avec quelques gouttes de surréalisme buñuelien : les trois cornettes des bonnes sœurs vues d’en haut. Le cinéaste manie l’humour et l’autocitation aussi bien que la hache ou le rasoir. L’effet cinéma est garanti : heureux ceux qui le découvrent sur grand écran ; le cinoche de ces années-là (d’avant la t.v.) était fait pour ça ! Et peut-être surtout le cinéma de genre, le cinéma populaire du sam’di soir. Celui des Américains bien sûr, mais aussi des Anglais, des Italiens, sans oublier les Japonais, qui y apposèrent chacun leur marque distinctive. Les Italiens surent aller très loin, repoussèrent les limites du bon goût , à moins que ce ne soit…du mauvais!

La France, belle nation du septième art à n’en pas douter, ne brilla pas tant dans les bobines du second rayon ; l’Espagne même l’y dépassa aisément avec son baroque halluciné et enfila de belles perles irrégulières. L’esprit classique de nos lettres tant réputées nous imbiba la rétine semble-t-il, intimida nos pulsions scopiques, les réduisant à quelques errements albicoccoquesques ou hosseiniens. Notons au passage la frilosité du pays de Descartes pour l’écran large que les cinématographies citées plus haut favorisèrent joyeusement et qui semble satisfaire l’appétit du cinéphile amateur de sensations. On peut voir aussi dans cet isolement une belle résistance de la grammaire visuelle gauloise à ce qui bascule vite dans l’effet facile trop peu motivé. Malgré tout, peu de visions intelligemment anamorphosées, de regards savamment bridés : bien sûr un Vadim de temps à autre… Observons, au vu de la variété géographique des terres du scope évoquées, que l’argument “spatial” associant les Etats-unis à ce format ne tient pas tant que ça !

Partis de la projection d’un pur divertissement, La fille qui en savait trop de Mario Bava, nous voici réécrivant l’histoire du cinéma – comme art visuel ? Mais on l’aura compris, le mot n’a pas été lâché au hasard : c’est bien de pure-té qu’il est question ici.

Au commencement :

Etait le regard. »

Un Maryline Desbiolles : P U N° 220

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Il s’agit ici de : Il n’y aura pas de sang versé, son avant-dernier livre, paru en 2023 et maintenant trouvable en Livre de poche.
Des femmes ont fait grève à Lyon en 1869 ; c’était la première grève de femmes. Il fallait se faire entendre des fabricants de la soie, des patrons qui vous payaient moitié moins que les hommes, pour le même temps et le même travail, mais il fallait aussi se faire entendre des collègues ouvriers, des délégués « au congrès de l’association internationale des travailleurs », comme Proudhon. Et ce n’était pas forcément plus facile. Certaines de ces femmes, M. Desbiolles les nomme, raconte une partie de leur histoire, les présente comme faisant une « course de relais » parce que c’est un « livre du nous »* et pour « donner du rythme »*. Car ce qui compte, c’est l’écriture, l’intérêt pour les mots, oubliés comme « ovalistes », et tous les mots, qui courent eux aussi dans des phrases quelquefois incroyablement longues

On peut voir et entendre Maryline Desbiolles à propos de ce livre, sur YouTube dans une interview* à la Villa Gillet, le 11 mai 2023

Quelques Poèmes Express qui viennent de ce texte :
– Ils avaient peur. Ils avaient l’habitude.
– La grosse chaleur engloutit la Méditerranée, grand drap froissé et chargé.
– Les mots dépassent ; on parle trop, inutilement.
– Un petit bout de hurlements a dévidé une odeur grège.
– La révolte est une épine ; on ne peut pas la retirer de la rue. Elle a appris à ne pas en démordre.
– Il y a de l’inquiétude dans la chaleur des nuits, dehors, pour elles.
– On est dans la rue, on rit fort, on est moins à l’étroit que les autres.

La Pièce Unique N° 220 est offerte à Lucie Pagès, créatrice, avec Guillaume Collet, de l’asso Les Chiens Fantômes et du festival de courts-métrages Nouveaux rêves à Saint-Etienne.