Chat Bleu – octobre 2021

Les vins d’Oléron étant fort bons et nous rappelant l’été, c’est ce que nous avons bu.
Les livres :
La chaleur de Victor Jestin, J’ai Lu : Un premier roman, prix Femina des lycéens, prix de la vocation, et prix Ouest France. Rien que ça.
Victor Jestin était interviewé par Bernard Martin à Ecrivains en bord de mer 2021. Ce très frêle jeune homme décrit les vacances d’été d’un adolescent, en famille, au camping. Il dit son exécration de ce lieu, l’obligation d’être là, avec un corps qu’on n’aime pas, entouré de corps qui se montrent et feraient mieux de ne pas le faire.
Oscar de Profundis de Catherine Mavrikakis , éditions Sabine Wespieser, 2016 : On est à Montreal dans un futur relativement proche. Une peste touche le quart-monde qui se terre au centre de la ville alors que la bourgeoisie vit dans des banlieues saines. C. Mavrikakis parle du climat et de l’état de notre société dans ce roman d’aventures.
Lëd  de Caryl Ferey, éditions Les Arènes, 2020, nous emmène à Norilsk. Il l’avait déjà fait dans un texte documentaire. Là, c’est roman noir : froid, mafia, corruption, pouvoir. Du fort, du vrai, comme chaque fois avec Caryl Ferey .
Et puis  :
Mademoiselle Else, novella d’Arthur Schnitzler (1924), traduit par Roland Jaccard, Livre de poche. Un drame bourgeois. Le monologue intérieur d’une jeune fille.
Bella-Vista de Colette, Livre de poche : 4 nouvelles dont celle qui donne son titre au recueil : la Provence, une maison, des femmes.
Au printemps des monstres de Philippe Jaenada, 2021, éditions Mialet Barrault : un fait divers de 1964 décortiqué, L’époque décortiquée. Un travail d’enquête sur le terrain et aux archives.
L’intimité d’Alice Ferney, 2020, Actes Sud : sur la relation homme/femme, le désir d’enfant.
La trilogie de Tora d’Herbjorg Wassmo, éd Actes Sud : des textes des années 1980 de cette auteure norvégienne venue plusieurs fois au festival des Boréales de Normandie. La condition de femmes, la violence qui leur est faite.
Le pays qui n’est pas, poèmes d’Edith Södergran, éditions La Différence, traduction de Carl Gustaf Bjurström et Lucie Albertini. Cette poétesse finlandaise, née à St Pétersbours, morte en 1923 à 31 ans, écrivait en suédois, sur la mort et l’espérance d’un après. Léa nous a lu un des textes en suédois et en finnois. Comme aux Boréales, un bonheur !
Slams de Marc Alexandre Oho Bambe, alias Capitaine Alexandre. Il écrit et dit. Il est intervenu au Collège de France. Vous pouvez le voir sur Youtube. Il était dernièrement à la Maison de la Poésie de Val de Reuil.

Le Chat Bleu : prochaines dates : les jeudis 18 novembre et 9 décembre – 18h

art et livre- livre d’art

C’était en octobre 2020 : une conférence de l’historienne de l’art Camille Paulhan : « En remettre une couche. Une petite histoire artistique des caviardages et des effacements ».
🔎 Mais qu’est-ce que le « caviardage » ?! Le terme, très imagé, renvoie tout d’abord à la censure : caviarder signifiant, dans ce contexte, supprimer par recouvrement à l’encre noire de passages de phrases voire d’articles entiers, interdits par le pouvoir. On doit cette déclinaison du mot « caviar » à l’origine supposée russe de cette pratique qui remonterait à l’époque du tsar Nicolas II…
💡 Au fil du temps , les artistes se sont emparé·e·s de manière poétique, plastique et politique de cette pratique du caviardage, dans le texte et l’image.
✍️ Camille Paulhan nous livrera ses réflexions sur une histoire picturale faites de ces effacements et recouvrements, interrogeant, davantage qu’en réalisant une étude exhaustive de ces pratiques, notre rapport aux images et notre façon de regarder les œuvres.
Et je pense forcément à Lucien Suel.
Et je crois que le livre de Camille Paulhan est à lire

Un Jean-Paul Dubois : P U N° 138

Un Jean-Paul Dubois, mon premier : Hommes entre eux, paru en 2007 à L’Olivier. Auteur prolifique, un livre par an, primé souvent.
Ce livre nous emmène au Canada avec Hasselbank, gravement malade, qui cherche à revoir Anna qui l’a quitté. Là, il rencontre deux hommes chez qui elle a vécu, très différents l’un de l’autre et de lui. Comme si Anna était une femme très différente de ce qu’il croyait.
Des moments forts : P. 48 : « …la soirée d’Ultimate fighting (…) « on enfermait deux hommes pêchés dans quelque torrent de misère avec pour instruction de s’entretuer comme des chiens de combat » (…) »au milieu d’une foule délirante ». Les parties de chasse, la tempête de neige,
Un dépaysement.

Voici quelques « Poèmes Express » venus de Hommes entre eux :
– La voix disait des choses, pas grand chose. Rien de vivant.
– Il releva le col de son manteau japonais, et appuya sur un cocon laqué.
– Un gros ver blanc avait fait le tour de la station essence.
– Se délivrer de tous les liens et réparer une banquette en skaï.
– Il comprit quelque 
chose, régla ses oreilles et brossa ses gants.
– Sans doute qu’un sang mêlé est embrouillé.

Cette Pièce Unique N° 138, toujours 3 livres en un : le livre originel + le « Poème Express » sur chaque page de droite + l’actualité qui l’accompagne : … « sauts et gambades » un peu…
Voilà un exemple : Le 9 septembre 2021 : le  Poème express :  » La vieille avait dit : »je crains que vous ne soyez arrivé trop tard… » devant le présentoir de vitamine. » La Croix : « Fin de vie : vers une consultation citoyenne ? ». Petite précision : l’information est cherchée en dernier.

On l’offre  à un plasticien, hyper calé en histoire de l’art contemporain, qui fait un beau boulot abstrait et qui va se demander ce qui lui arrive : Alain Buhot.

Chat Bleu – septembre 2021 – 2)

– Les vins : Ce soir-là, Nsenga nous propose des vins de vacances, des vins d’Oléron,  île au terrain sablonneux.
Le vin rouge, « Naturellement rouge », s’il n’est pas un vrai vin naturel, n’en est pas loin. Bio, au goût de cassis, un peu.
Le blanc, sec, un peu fruité, avec des notes d’abricot, a une certaine persistance en bouche.
Tous les deux proviennent d’une coopérative de vignerons .

Les livres :
– Les graciées de Kiran Milwood Hargrave, traduit par Sarah Tardy, en Pocket : au Danemark, vers 1615, les hommes sont marins, meurent, les femmes sont solidaires et on chasse les sorcières. –
L’une de nous  conseille de lire tout Julie Wolkenstein, chez P O L : par exemple, Et toujours en été, sur la maison de vacances dans la Manche, Adéle et moi qui évoque  la vie d’un ancêtre.
– Deux autres mettent en avant tout Toni Morrison, chez Bourgois.  Beloved : très beau, très marquant, dont on ne sort pas indemne. Presque de la poésie. Sur les absents/présents. Home ou encore La chanson de Salomon : une famille vers 1950, la place des ancêtres, des noirs aux Etats-Unis.
– Hamnet de Maggie O’Farrell, chez Belfond, traduction aussi de Sarah Tardy : un hommage au fils décédé de Shakespeare. Intéressant et facile à lire.
– Les déracinés de Catherine Bardon. Quatre tomes, chez Pocket, pour une saga familiale qui commence en 1930 à Vienne et se poursuit en République dominicaine entre autres.
– Blizzard de Marie Vintgras, édition L’Olivier, fait partie de la rentrée littéraire. Un premier roman fait d’une succession de petits chapitres, un thriller en Alaska.
–  Le problème à trois corps  de Liu Cixin, chez Babel. Une trilogie traduite par Gwennaël Gaffric. De l’ excellente science-fiction qui questionne la politique, l’écologie, le religieux. Prix Hugo 2015.
– Et quelques documentaires : La vie secrète des arbres, du forestier allemand Peter Wohlleben, aux Arènes, traduit par Corinne Tresca. Passionnant même si on ne connaît rien à la sylviculture. Ame de sorcière  d’Odile Chabrillac, chez Pocket : le retour de la figure de la sorcière. Les fossoyeuses, .chez Marchialyd’une journaliste finlandaise en Bosnie avec des femmes archéologues qui travaillent sur les charniers de la guerre d’ex-Yougoslavie.

On était, vous l’aurez remarqué, proches des sorcières…

Le prochain Chat Bleu : jeudi 21 octobre, 18h.

à bientôt !

Vrai Chat Bleu : septembre 2021 – 1)

Le Chat Bleu, le retour, enfin !
Il nous avait manqué.

Retour aussi de vacances : du festival Ecrivains en bord de mer  où on a entendu Sébastien Brebel parler de son livre et, de ce fait, acheté ce livre, paru en 2021 aux éditions  P O L  : Erre, erre.
« En deux mots, un homme qui voulait déserter et s’est retrouvé dans le salon de sa grand-mère, à Morne », 
dit Brebel devant la caméra de Jean-Paul Hirsch (un conseil : regardez les vidéos de P O L : les monologues d’auteurs, toujours intéressants). « J’ai du mal à raconter une histoire. Je dois toujours prendre un détour. Je vais donc retranscrire ce qu’il a vécu comme dans un rêve. ». Et le livre de Brebel est cela : un glissement d’une situation à une autre. On suit le personnage dans ses déplacements, dans ce qui lui arrive. Le réel, le rêve, le souvenir se mêlent, s’imbriquent. On se laisse porter et c’est souvent drôle.

Retour de vacances encore, de passage à la librairie les Traversées où Caroline Jacquot officie maintenant : on suit son avis et on prend L’instruction d’ Antoine Bréa, aux éditions Quartanier, 2021 Un faux polar, un faux documentaire, un docu-fiction où le vrai émerge. On en est sûrs, la scène de l’avocate au foulard est réellement arrivée et elle est très forte .
Un jeune juge vient en intérimaire dans une ville de banlieue. Son prédécesseur qui s’est suicidé, avait dû abandonner une affaire qui l’intéressait mais en avait gardé des traces. Le nouveau poursuit l’enquête.
Antoine Bréa est avocat :  » Ce qui m’intéresse, c’est l’espace de pouvoir qui se met en place à travers une machinerie, ici le système judiciaire » disait-il au journal Le Monde, à la sortie du livre.

Et puis le conseil d’une traductrice des Boréales de Normandie Le médecin personnel du roi, de l’auteur suédois Per Olov Enquist (1934-2020,) traduit en 2000 par Marc de Gouvenain et Lena Grumbach, trouvable chez Babel. Un roman historique sur le Danemark de Christian VII, son intérêt pour les Lumières et plus particulièrement Voltaire, sur un homme qui fut son conseiller et voulut réformer le pays, et sur la cour qui s’éleva contre ces changements. Une belle langue.

Un Carl Jonas Love Almqvist : P U N° 137

Carl Jonas Love Almqvist (1793-1866) s’est essayé à la vie paysanne en admirateur de Rousseau, a dirigé une école, a été journaliste, a dû fuir un temps aux Etats-Unis et a beaucoup écrit.

La nouvelle traduction de ce roman – la première, de Régis Boyer, était de 1998 aux éditions Ombres – est le résultat d’un séminaire de traduction littéraire.

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Sara ou l’émancipation (1838) a fait scandale à sa parution dans la Suède protestante. Scandale parce qu’une jeune fille voyageait seule, avait un métier, rencontrait un jeune homme à qui elle disait sa haine du mariage et la possibilité de vivre l’un près de l’autre sans lien contractuel.

Quelques « Poèmes Express » issus de Sara ou l’émancipation :
– Là-haut peut se promener un gentil petit dragon flottant.
– Certains pouvaient survivre mais ce n’était pas bien vu.
– Tombé le dernier vêtement, une main effleura l’épaule.
– Elle demanda. Il commanda. Elle souhaita. Il dirigea.
– L’univers a disparu ; le sens 
naît.
– Commander avait changé le goût d’une voix.

Cette Pièce Unique est offerte à Elsa Escaffre, créatrice d’objets non identifiés, mais pleins d’humour, entre art plastique et littérature.