200 de Franck Achard

200 de Franck Achard est paru aux éditions Vistemboir au mois de mars 2020. Un de ces livres touchés de plein fouet par le confinement, la fermeture des librairies et l’annulation des salons.
Mais au fond, ce n’est peut-être pas une atmosphère étrange pour
un monde de forêt et de village,
dans un temps inconnu,
où les personnages se nomment « Chut », « 200 », « l’Ancienne », « Neige », « 110 » ou « M’sieur Treize »,
où des malheurs terribles arrivent,
racontés dans une langue très douce.
Un monde de conte.

Un John Cowper Powys : P U N° 99

Synopsis:
‘What I’ve tried to do in this tale is to invent a group of really mad people who have the fantastic and grotesquely humorous extravagance that, afer all, is an element in life’.

So wrote John Cowper Powys himself in his prefatory note to this novel first published in 1952.

En anglais le livre est paru sous le titre de the inmates, c’est à dire « les internés » , en français, en 1976, au Seuil :la fosse aux chiens.

Nous sommes dans un asile psychiatrique tenu par le docteur Echetus qui pratique la vivisection sur les chiens. Les personnages principaux sont Tenna Sheer qui a voulu tuer son père – dont on peut se demander s’il n’a pas eu avec elle des relations incestueuses – et John Hush qui a une attirance pour les boucles des jeunes filles au point de les leur couper. Il aime Tenna pour qui « ce n’était pas n’importe quel genre d’homme ! Il était du genre inanimé. Plus une poupée qu’une personne.…(p. 47)
Le personnel est aussi étrange que les malades.
L’univers de ce livre de Cowper Powys (1872-1963) est extrêmement étonnant et on a l’impression que Powys comprend parfaitement les folies dont il rend compte.

De ce texte sont sortis des « poèmes express » :
Flot continu de hochements de tête. Conversation de ventriloque par tous ces dos.
– On avait déjà oublié la dynamite dans sa chambre.
– Sur l’oreiller protestait cet agressif de l’amour.
– Elle se mit enfin à déformer les hommes, à jouer de leurs têtes.
– Mon voisin est catholique, son regard pas.
– Une femme sur le carrelage et un groupe de mâles.

Ce livre est offert à Bernard G. amateur d’étrangetés littéraires

Voyageons ! avec Cesar Aira !

Voyageons, oui. Traversons  l’espace et le temps avec Prins de Cesar Aira, paru chez Christian Bourgois en 2019.

Cesar Aira est Argentin, né en 1949. Il est installé depuis 1967 dans le quartier de Flores à Buenos Aires.
Prins est : p. 79 : « un roman conçu comme un collage. »
Le narrateur se dit auteur de romans gothiques ( p. 91 : « …quand le Château d’Otrante avait fait sensation (…), j’ai rapidement produit à la suite Les mystères d’Udolphe, Le Moine, Melmoth dont les ventes furent millionnaires » ) : en fait, un grand voleur de textes…
Mais il en a assez, il se cherche une autre occupation. Ce sera l’opium.
Et l’opium, comme le rêve, favorise le déplacement et la condensation.
Ainsi, Alicia qui vit avec lui, est multiple : de l’étudiante « douée en ingénierie » abordée à la fac, à la femme déformée par les maternités rencontrée dans le bus 126, en passant par la servante – maîtresse.
Ainsi, la maison qu’il s’est créée, énorme. On peut s’y perdre, y cacher des cadavres.  P.126 : «  les couloirs du troisième étage  s’étiraient comme des rivières de plomb ».  Elle est aussi labyrinthique que l’université** qu’il fait visiter à Alicia une nuit d’orage.
Architecture gothique, romans gothiques, ambiance gothique : p. 131 : « L’avenue Las Haras était inondée, l’eau tombait en cascades des immeubles, de balcon en balcon, les chutes d’Iguazu en version urbaine, la violence courbait tellement les arbres que le feuillage de leurs cimes ouvrait des sillons dans le courant. Les éclairs faisaient apparaître par instants une ville couleur d’argent. Entre deux éclairs, les ténèbres. »


Mais nous sommes à Buenos Aires. Les « cartoneros » sont là et la réalité économique aussi : P. 114 :  » La panne d’électricité qui affecte un vaste secteur à l’ouest de la ville. »(…) « un incident tout ce qu’il y a de plus banal » (…) » Ce gouvernement, tout comme les précédents, a mené une politique énergétique maladroite et à courte vue. »


Ce roman est, dans sa forme, et gothique et contemporain et, même si cela n’apparaît pas ici, plein d’humour.

* * note – p. 171 : « l’un des sièges de la faculté d’ingénierie de style gothique conçu par l’architecte Arturo Prins (1877-1939) »

Ouest Track et nous :

Le 12 avril à 11h sur Ouest Track, et après, en podcast quand vous voulez,

Autour des livres vous parle de Bons Marme,
de son premier livre chez Liana Levi : Aux armes
et de … » diarrhée d’opinions « …

Voyageons ! avec Diane Meur !

Voyageons
toujours dans l’espace et le temps
avec le cinquième « roman » de Diane Meur, sorti en 2014 aux éditions Sabine Wespieser, maintenant en poche.
Si le mot « roman » est ici entre guillemets – bien qu’il apparaisse sur la couverture du livre -, c’est qu’il s’agit de quelque chose d’autre. P.143 : « Et c’est seulement en mars 2013, lors d’un bref séjour à Berlin, que j’ai compris que je n’écrirais pas le roman des Mendelssohn mais le roman vécu de ma recherche sur les Mendelssohn »…
Diane Meur part de Moses Mendelssohn (1729-1786), philosophe juif des Lumières, travaillant dans une soierie, puis nous entraîne dans quelques vies parmi les 765 descendants qu’elle a répertoriés et « cartographiés ».
P. 24 – 25 :  » Alors ce fragile projet auquel je n’étais même pas sûre de tenir, ce petit filet d’eau qui se refusait à grossir depuis cinq ou six ans, s’est soudain élargi en rivière. Puis en torrent. » (…) « ce n’était plus un torrent mais déjà un un fleuve, un fleuve assez large pour que, d’une rive, on n’en aperçoive plus l’autre. »(…)  » Et j’ai compris que ce fleuve en train de se répandre en un immense delta était gros de toute ma nostalgie de Berlin »… 

On traverse donc trois siècles.
On passe à Dessau, Dresde, Weimar, Leipzig, Hambourg, Berlin au XVIIIè siècle quand les Juifs doivent payer pour y entrer ou avoir une autorisation pour y séjourner. On passe aussi en Autriche, au Danemark quand ce pays est propriétaire d’Altona, arrondissement de Hambourg, en Angleterre au XIX ème siècle, quand Félix Mendelssohn y est une star, au XXème siècle, un peu partout, quand les Mendelssohn se sauvent du nazisme ou meurent pour lui.
On croise Lessing, Goethe, Schlegel et, ami de Diane Meur, Jacques Lederer. La carte des Mendelssohn  nous parle du religieux, de l’humain, de ses manières de survivre et des mouvements de société. Un grand voyage !

Voyageons ! Avec Ossip Mandelstam !

Les Lettres d’ossip Mandelstam, parues chez Actes Sud en 2000 nous transportent elles aussi dans l’espace et dans le temps.
Mandelstam (1891-1938) qui a beaucoup voyagé hors de Russie avant la révolution, a dû beaucoup se déplacer ensuite en URSS, et rarement pour le plaisir…
Mandelstam est traducteur et poète. Si l’on n’est pas russophone, on se trouve face à des traductions, quelques fois de poètes : Paul Celan, André du Bouchet, Philippe Jaccottet.

Problème éternel de la poésie traduite : avec ou sans rime? Personnellement, j’irais vers le sans…

C’est pourquoi lire ses lettres était essayer de l’atteindre plus « réellement ». Et ses lettres nous emportent, que ce soit celles envoyées à sa femme Nadejda, lettres de manque ou celles adressées aux autorités littéraires et politiques, courageuses.

En ces temps d’immobilisation forcée, voilà :
-un extrait de lettre à sa mère, avril 1908, Paris :
« Le matin, je me promène dans le jardin du Luxembourg. Après le petit déjeuner, j’installe chez moi une sorte de soir : c’est à dire que je tire les rideaux. Je fais du feu dans la cheminée, et dans cette ambiance je passe deux ou trois heures… »
– un extrait de lettre à Nadejda Ia. Mandelstam, 26 décembre 1935, Tambov :
… » j’ai loué à deux pas d’ici – moins d’une minute à pied- une chambre admirable ; il y a là une vache, un divan, des housses pour les meubles, un gramophone et un cactus. Nous sommes sur la haute rive de la Tsna. Elle est large ou paraît large comme la Volga. Elle traverse des forêts d’encre bleue. La douceur et l’harmonie de l’hiver russe procurent une profonde jouissance. Des lieux très authentiques. A dix minutes du centre en prenant un petit autobus. Il y a des tours, des monastères ensauvagés, de grosses femmes à moustache. »

Des chambres et du lointain.

Voyageons ! Avec Lurlure !

Voyageons dedans puisque nous sommes réduits à l’immobilité dehors !

Voyageons en lisant
L’Abyssinienne de Rimbaud de Jean-Michel Cornu de Lenclos aux éditions Lurlure, 2019

Si on ne connait pas cet auteur (1956-2014), on peut aller sur le site que lui consacre celle qui fut sa compagne. On y découvre, en plus du chercheur à l’ E.H.E.S.S., un voyageur, un éditeur, un peintre, un designer.

jean-michel-cornu-de-lenclos.

www.jean-michel-cornu-de-lenclos.com
L’Abyssinienne de Rimbaud nous emmène en Ethiopie entre 1880 et 1891.
On y apprend plein de choses sur la vie et le (mauvais) caractère de Rimbaud mais peut-être plus encore sur cette période où la « société de géographie » est plus un lieu d’espionnage que de culture, où France, Angleterre et Italie colonisent la zone, où voyager dans ces parages peut entraîner la mort, où l’esclavage est encore vivace,
Bref, un vrai dépaysement !