Les Vivants – avril 2024 – 1)

Mis en avant

on pouvait boire,
en blanc, un Chardonnay de Loire, entre Clisson et Nantes
en rouge, un côte du Rhône bio, fruité, relevé mais pas trop, de la région de Crozes- Hermitage
Et ils accompagnaient :
– Border la bête de Lune Vuillemin, à La Contre-Allée, 2024. : c’est le deuxième livre de cette auteure : nous sommes sans doute au Canada. Une jeune femme arrive dans une réserve pour animaux blessés tenue par Arden et Jeff. Il est question de nature, de saisons, d’animaux, de relations amicales et amoureuses intelligentes. On approche le fantastique. Une belle langue.
P. 10 : « Haute sur ses pattes, l’orignale avance doucement. Elle traverse le matin blanc, grandes oreilles vers le ciel, narines écartées. Douceur dans le regard. La solitaire a le ventre rond, le poil épais et brun avec un coeur qui cogne en-dessous, peut-être même deux. Ses longs doigts agiles évitent les roches et les branches dissimulées par la neige. Des yeux sous les pattes, elle avance confiante vers Lac Petit. »
Journal de Rivesaltes 1941-1942 de Friedel Bohny-Reiter, 1993, Zoé éditions, en poche chez le même éditeur en 2020 : journal écrit par une jeune femme venue de Suisse avec une association caritative, le Secours Suisse, pour s’occuper d’enfants retenus dans des camps en France parce qu’étrangers, Espagnols, Tsiganes, Juifs… Elle s’engage complètement dans sa tâche et soutient les adultes également en apportant nourriture et soins malgré les médecins français, certains gardes et les ordres allemands. Mais (P.162) : 26 août 1942 – « le chef de camp nous fait savoir que les « oeuvres étrangères » n’ont plus l’autorisation de circuler dans le camp. »
– Arrêtez de me casser les oreilles de Joseph Mitchell, traduit par Lazare Bitoun. Editions du Sous-sol, 2020 : Joseph Mitchell (1908-1996) a été reporter au Herald Tribune puis, dès 1933, au New Yorker. On a là des articles très étonnants : autour aussi bien de prédicateurs, d’hommes politiques plutôt véreux, d’une exécution, de danseuses à l’éventail ou de Coney Island le week-end. Des réflexions sur la déontologie : P. 21-22 :  » La presse de ce pays se montre servile envers les imbéciles ; elle ne s’en prend qu’aux faibles et aux excentriques.(…) On peut sans danger écrire ce que l’on veut  sur les cinglés et les clochards. »

La prochaine rencontre aux Vivants est prévue le jeudi 16 mai, à partir de 18H.

M Z – première !

Mis en avant

Un nouveau lieu, de nouveaux participants dont on ne sait rien, ni combien ils seront,
ni s’ils seront, ni qui ils sont, ni ce qu’ils lisent. Eh bien, c’était formidable !
Je leur ai, quant à moi, présenté
–  L’affaire Midori de Karyn Nishimura, éditions Picquier, 2024. Karyn Nishimura est journaliste, correspondante pour des journaux comme Libé, des radios comme France Culture. Elle vit au Japon depuis longtemps et présente sous le nom « roman », un texte où « presque tout est vrai » : un mixte de faits divers qui lui permettent de parler de la justice au Japon, le rapport des hommes politiques avec la presse, de Fukushima et de ses conséquences. « Je suis une Française, donc je râle »  et c’est accepté. Pour une Japonaise qui « rue aussi dans les brancards, Isoko Mochiozuki », c’est plus dur.
– Blizzard de Marie Vingtras, L’Olivier, 2021, maintenant en collection Points : un premier roman, envoyé par la poste, devenu un succès de librairie avec 8 prix. Marie Vingtras est un pseudo, en hommage à Séverine, journaliste au début du XXème siècle aussi secrétaire de Jules Vallès, qui signait Arthur Vingtras.
Le livre, lui-même : plus ou moins un polar : un enfant dont on lâche la main à la première!re page et qui disparaît dans le blizzard. De courts chapitres, portés par quatre voix différentes.
– Vider les lieux d’Olivier Rolin, Gallimard, 2022, en Folio maintenant : autobiographique, Rolin doit quitter l’appartement dans lequel il vit depuis plus de vingt ans. Un peu histoire de la rue de l’Odéon  et beaucoup de tout ce qu’il y a à déplacer : les objets, les lettres, les livres, et tout ce qu’ils disent de la vie passée.

Et eux ont parlé de :

– James Baldwin : La prochaine fois le feu, publié aux USA en 1963, traduit par Michel Sciama, en Folio. Un avertissement dans les années 60 sur le problème racial à travers une lettre à un neveu qui parle de l’enfance, de l’éducation en tant que Noir, de la violence tentante et compréhensible.
– Adèle Fugère : J’ai huit ans et je m’appelle Jean Rochefort, un premier roman chez Buchet-Chastel : « tendre, simple et délicieux »
Florence Bonneau : La rivière…te dire, Imprimerie Mathieu : Poésie sur la nature en Lozère, l’eau d’un affluent du Tarn. « On est surpris par l’évidence de l’écriture ». Ce texte existe aussi sous forme de lecture avec une violoncelliste.
– tout Gaëlle Josse : « ses petits livres, son écriture concise, précise qui va droit au but » aussi bien  Ce matin-là (2021) que Noces de neige (2013), Une longue impatience (2017) ou Les heures silencieuses (2010) : « comme de la dentelle ».
– Le Japon avec deux voix bien différentes :
– Du prix Nobel, Kenzaburo Oé : Une existence tranquille, (1990), traduit par Anne Bayard-Sakai : à tendance autobiographique : une famille avec trois enfants, dont un handicapé. Le père  écrivain part travailler aux USA, la mère l’accompagne et laisse les enfants avec leur frère handicapé.
Sayaka Murata : La fille de la supérette , traduit par Mathilde Tamae-Bouhon, en Folio, aussi paru sous le titre Kombini. Une jeune femme continue à travailler dans ce petit magasin alors qu’habituellement, ces types de postes sont tenus par les étudiants. Elle est différente et « on entre dans son système de pensée ».

Prochaine date proposée au MZ :
le Jeudi 2 mai à partir de 18h

Les Vivants – mars 2024 – 2)

Continuons avec les auteur(e)s français(es) dont il a été question :
– Emmanuelle Tornero : La femme qui entre dans le champ, éditions Zoé, 2024 : histoire d’une femme qui ne sait pas quoi faire de sa maternité. Elle s’en va, erre avec son enfant, se sent petit à petit enserrée par un figuier. Une fin ouverte. Histoire des femmes qui, dans la littérature et au cinéma, partent.
Emmanuelle Tornero a fait le Master de création littéraire du Havre.
– Régis Messac (1893-1945) : Quinzinzinzili, paru en 1935. Republié par L’Arbre vengeur en 2007, puis en poche à la Table ronde : un éducateur emmène des gamins dans une grotte au moment de la fin du monde. On les voit grandir. Il ne veut pas les éduquer. Ils « évoluent »…
– Louis Vendel : Solal ou la chute des corps, Le Seuil, 2024 : un premier roman,  un ami souffre de bipolarité. Un jeune face à la maladie, l’alcool, la drogue.
Plusieurs livres présentés parlaient de peinture, de photo :
– Thomas Schlesser : Les yeux de Mona, éditions Albin Michel, 2024 : une petite fille va peut-être perdre la vue. Son grand-père l’emmène au musée pendant un an, 52 mercredis. Une jolie idée et un joli détail : A l’intérieur de la jaquette, les 52 peintures sont reproduites. Thomas Schlesser est historien de l’art et s’occupe de la fondation Hartung-Bergman, maison atelier dans le sud de la France.
– Thomas Snégaroff : Les vies rêvées de la baronne d’Oettingen : chez Albin Michel, 2024. Le journaliste et historien part de tableaux dans sa famille et travaille sur cette femme  peintre, connue début XXème siècle dans les milieux artistiques parisiens puis invisibilisée. Entre faits et fictions.
– Christian Bobin : Pierre, 2019,  maintenant en Folio. Un exercice d’admiration pour Soulages, son peintre préféré.
– Puis-je garder quelques secrets : cinquième parution des éditions TXT. Sur Henri Cartier-Bresson, sa vie, son travail, à travers une trentaine d’interviews.
Et un essai :
– Le troisième continent ou la littérature du réel de Ivan Jablonka, Seuil, 2024 : le mixte de littérature et des sciences sociales. Pour plus d’informations sur ce livre : Jablonka était sur France-Culture, un midi de la semaine dernière.

Il y a eu quelques livres étrangers. J’y reviens avant la rencontre du 18 avril

Les Vivants – mars 2024 – 1)

On a bu, oui, forcément, mais Sébastien ne nous en a pas trop parlé et ensuite, on a oublié de le lui demander…
On avait lu, ça c’est sûr !

  • Cartographie d’un feu de Nathalie Démoulin, Denoël 2024 :
    il a déjà été le sujet d’ un post précédent, mais je voulais insister sur le côté extrêmement visuel du texte. Voilà un autre passage, p 75 : « Une poignée de chamois s’éparpillent sur une bande rocheuse au-dessus de la zone de feu, en un bref remous, chassés par une peur dont je ne perçois pas l’objet. D’ici on n’entend pas la ville. On n’entend que le vent. Il dévale des crêts, tourne sur la neige et trace de grandes vagues qui feulent. Le sang tape sur mes tympans. Alors je n’entends pas venir le zeppelin. Son ombre se referme d’un coup, éteignant les soleils sur la neige. Il est juste au-dessus de moi, énorme coque muette. Dans la nacelle de verre greffée au ballon, je distingue des silhouettes. (…) L’aérostat glisse en silence au-dessus de la cluse. Et je me demande si les passagers ont acquitté un supplément pour survoler l’incendie et détourner le zeppelin de son circuit habituel, ou bien si la compagnie a affrété un vol spécial. Vous pensez ! Un incendie si insensé ! Le dirigeable s’élève paresseusement vers Furieuse »…
    Incroyable, l’imposant de ce vaisseau !
  • Sans valeur de Gaëlle Obiégly, Bayard, 2023 : Habituellement éditée chez Verticales, on pouvait entendre il y a quelques jours sa voix d’enfant à France-Culture dans l’émission d’Arnaud Laporte. Voix d’enfant, point de départ du livre aussi – la narratrice ramasse un petit tas d’ordures abandonnées dans la rue –   mais pas les propos qu’il entraîne : la place des objets dans notre vie, leur côté caduque, l’histoire possible de la personne qui l’a déposé là, l’appropriation de cette histoire : « Les souvenirs d’une inconnue prennent la place des miens, disons qu’ils communiquent. » Il y a des photos ratées dans ce petit tas : « J’aime ces photographies plates qui laissent entendre démonstrativement qu’elles n’ont aucun besoin d’interlocuteur. C’est peut-être leur message. ». La référence à une collection new-yorkaise commencée par un éboueur, Molina : p 78-79 : «  La vie à New York, constate Warhol, encourage les gens à vouloir ce que personne ne veut – à vouloir les choses laissées pour compte. Pourquoi ça ? Parce qu’il y a énormément de gens à concurrencer. Alors pour obtenir quoi que ce soit, ton seul espoir, c’est de modifier ton goût, de manière à vouloir ce dont les autres ne veulent pas. Et Molina a développé ainsi son goût, comme, avant lui, les surréalistes. »
  • Histoire de l’homme qui ne voulait pas mourir de Catherine Lovey, Zoé, 2023 : une femme parle de son voisin, Sandor. On ne saura presque rien d’elle qui vient d’arriver dans une petite résidence, en Suisse (P. 23 : pays dans lequel nous vivons, dont le conservatisme replet m’horripilait autant qu’il l’enchantait, lui, le natif d’Europe centrale. » . Elle est plutôt militante écologiste, il a toujours l’idée que mettre son nom sur une pétition peut poser problème. Ils se voient assez souvent mais de manière détachée. La maladie commence pour Sandor et là, c’est ce que lui en dit, ce que les médecins en disent et ce que voit la narratrice chaque fois qu’elle l’aide. Le déni du malade, la technicité des spécialistes et la réalité. Le ton est un peu sec mais cela fonctionne et l’empathie se ressent.
    Bientôt un prochain post pour tous les autres livres évoqués.
    Le prochain rendez-vous chez Les Vivants est prévu le jeudi 18 avril

 

Les Vivants – février 2024 – 2)

Normalement, on ne parle que bouquins
mais là, on a commencé avec les émotions ressenties devant le ballet Gravité d’A. Preljocaj que TOUT LE MONDE a trouvé fabuleux !

Puis, les romans ( d’auteurs venus, pour certains, au Goût des autres ou dans un « after » au CEM avec le DUT Métiers du livre) :
– Cécile Coulon : pour La langue des choses cachées, 2024, éditions L’iconoclaste : histoire d’un fils et sa mère dans un petit village enclavé d’Auvergne. Question de médecines parallèles, de tradition, de non-dits.
Cécile Coulon a livré sa « méthode de travail » : la course qui l’amène à un état hypnotique, l’écriture et, le lendemain, la relecture à voix haute pour entendre si cela va. Elle dit ne pas aimer les textes où tous les détails sont donnés. – Elle devrait aimer Eugene Marten (éditions Quidam) …-
– Thomas B. Reverdy : Le grand secours, 2023, Flammarion : un écrivain va dans le 93 dans une classe. Une émeute a lieu.
– François Bégaudeau : L’amour, 2023, éditions Verticales : l’histoire d’un couple dans sa banalité.
– Gaspard König : Humus, 2023, éditions de l’Observatoire. König est multiple : politique, écologiste, philosophe. Dans ce roman…sur les lombrics…, il montre l’évolution de deux étudiants en agronomie.
– Tiffany McDaniel : Betty, chez Gallmeister, en collection poche Totem, traduit par François Happe : entre Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee et Là où chantent les écrevisses de Della Owens. Dans l’Ohio, une petite fille de père cherokee et mère blanche. « Très poétique »
– Marie Benedict : La femme qui en savait trop, en 10-18, traduit par Valérie Bourgeois. Une fiction à partir de la vie d’Hedi Lamarr, superbe actrice hollywoodienne, mais pas que !
Voilà pour les romans, maintenant les essais :
– Pierre Bayard : pour » l’ensemble de son oeuvre » de Il était deux fois Romain Gary (1990), à Hitchcock s’est trompé  (2023) en passant par Comment parler des livres que l’on n’a pas lus (2006). La plupart des livres de ce professeur de littérature et psychanalyste sont aux éditions de Minuit.
– Chantal Thomas : Comment supporter sa liberté, 1998, Rivages Poche : une réflexion sur l’importance du temps libre, le plaisir de dire non aux obligations.
– Yannick Haenel : Blue Bacon, 2024, dans la collection Une nuit au musée chez Stock. A Beaubourg, son rapport à Francis Bacon et son travail.
– Annette Wieviorka : Tombeaux – autobiographie de ma famille, 2022 au Seuil. Histoire de ces deux familles juives, avant et lors du nazisme.
De la même, en 2021, éditions Stock : Mes années chinoises. Autour de 1970, elle a, comme beaucoup d’intellectuels, été maoïste, et a vécu deux ans à Canton en tant que professeur.
– Anthony Grafton : Les origines tragiques de l’érudition – Une histoire de la note en bas de page, 1998 Seuil. Livre très sérieux qui m’ a fait me souvenir du roman de Nicholson Baker : La mezzanine où les notes en bas de page s’écoulent sur les pages suivantes et supplantent le texte de départ. Un livre très drôle.
On a aussi parlé d’ARPENTAGE, mais on y reviendra..

Prochaine rencontre prévue : jeudi 14 mars, à partir de 18h, aux VIVANTS.

 

Les Vivants – février 2024 – 1)

Mis en avant

Deuxième réunion d’Un vin, des livres aux Vivants, librairie, cave et bar à vins.
Sébastien nous proposait des vins de Loire :
en blanc, un cépage melon de bourgogne : un vin sec à gamme aromatique.
En rouge : un Anjou de St Georges du Layon. Un cépage cabernet franc et grolleau. Très fruité et léger. Ils ont accompagné :

– Le compromis de Sergueï Dovlatov, traduit par Christine Zeytounian-Belous, 2023, éd. La Baconnière. Sergueï Dovlatov, journaliste et auteur est né en 1941 en URSS et mort aux USA en 1990 où il avait émigré en 1978. Ses textes sont d’abord parus en samizdat, ne sont devenus livres qu’à New York. La Baconnière, maison d’édition romande, continue de les traduire.
Dans Le compromis, on a plusieurs récits de « compromis » en tant que journaliste en Estonie, alors colonie russe. C’est plein d’alcool, d’impertinence  et d’humour. Complètement irrévérencieux vis-à-vis du pouvoir, ce qui a entraîné cette invisibilisation de ses romans.
Que s’est-il passé ? d‘Hanif Kureishi, 2023, éditions Christian Bourgois, nouvelles et essais traduits par Florence Cabaret. Ces articles et petites fictions nous donnent à relire l’auteur du Bouddha de banlieue, et aussi scénariste de films de Stephen Frears des années 80 : My beautiful laundrette, Sammy et Rosie s’envoient en l’air. Son métissage (père pakistanais, mère anglaise) lui a fait vivre et montrer l’Angleterre de manière différente d’un Martin Amis, d’un David Lodge ou d’un Ian McEwan.
Là, il est question, entre autres, de la place de la nouvelle génération d’auteurs anglophones venus d’ex-colonies dans l’édition britannique contemporaine, mais aussi d’amis : Bowie, Rushdie…
– Odyssée des filles de l’Est d‘Elitza Gueorguieva, 2024, éd. Verticales : le deuxième livre de cette auteure née en Bulgarie, venue étudier en France, documentariste et écrivaine pleine d’humour. Son premier livre Les cosmonautes ne font que passer est maintenant trouvable en Folio.
C’est franchement drôle et pourtant parle de faits qui ne le sont pas : l’immigration, la relation à une autre langue, la confrontation avec une administration tatillonne et ses fonctionnaires rogues – pléonasme ? -, la prostitution et un moment de l’histoire du XXème siècle de la Bulgarie.

Prochaine réunion prévue le jeudi 14 mars

 

 

Les Vivants -2)

Aux Vivants, on a évoqué :
– Ceux qui appartiennent au jour d‘ Emma Doude Van Troostwijk que plusieurs d’entre nous connaissent puisqu’elle a fait le master de création littéraire du Havre et a proposé des ateliers d’écriture d’une part et des scènes ouvertes, chez Lili, d’autre part. Emma a à peine 24 ans et son premier livre vient de paraître aux éditions de Minuit. Nous sommes dans une famille de pasteurs. Les mots importent et Emma Doude les prend dans ses deux langues, le français et le néerlandais. Certaines expressions sont traduites de l’une à l’autre langue, montrant toute la poésie de chacune. D’autres restent dans leur originalité, blocs de sons, beaux en eux-mêmes.
Elle, comme Emmanuelle Tornero, autre ex-étudiante du master, qui voit sortir son premier roman, Une femme entre dans le champ, chez Zoé (janvier 2024), travaillent par petits paragraphes. Chez Emmanuelle Tornero, il est question d’une femme devenue mère.
Toutes deux, invitées au festival Le goût des autres, hier soir, lisaient des extraits de leurs textes à la médiathèque Oscar Niemeyer. Elles ont par ailleurs déjà eu droit à une belle couverture critique : une émission chez Marie Richeux, sur France Culture, un article dans Le Monde, dans Télérama, dans En attendant Nadeau….
Mais il n’y a pas que les livres tout juste sortis :
des rééditions viennent redonner vie à des auteurs injustement oubliés : Bernard Clavel : L’Espagnol. Sorti en 1959, Albin Michel le fait reparaître. Pendant la 2nde guerre mondiale, un Espagnol arrive dans le Jura. « Un très beau personnage, de très belles descriptions de la terre, des paysages » dit V.
Et puis d’autres :
– La comtesse de Ricotta de Milena Agus, éditions Liana Levi, traduit par Françoise Brun. Nous sommes à Cagliari où vivent trois soeurs. Leur famille a été riche, ce n’est plus le cas. Elles vivent bien dans un palazzo, mais délabré. Elles sont très différentes. Le livre est léger, les personnages pleins de fantaisie.
– Les trois lumières de Claire Keegan, traduit en 2011 par Jacqueline Odin pour Sabine Wespieser. M.H l’a lu en anglais Son titre est alors Foster. « De belles descriptions de la nature. Frais, doux. »
– Corps et âmes de Frank Conroy, chez Gallimard puis en Folio, traduction de Nadia Akrouf. Le personnage EST la musique.

En essais, il a été question de trois ouvrages que l’on peut lire comme des dictionnaires, par articles, au gré de ses envies :
–  Courir, méditations physiques du philosophe Guillaume Le Blanc, en collection Champ Flammarion, 2012.
– Sur les routes du jazz d’André Manoukian, Harper Collins poche 2023 : on peut y apprendre par exemple le lien entre le quadrille et le jazz.
– Mères-filles une relation à trois de Catherine Eliatcheff et Nathalie Heinich, en livre de poche ( 2003 ) : un essai sociologique en sept parties qui prend ses exemples dans le cinéma et la littérature.
Enfin, Les ingénieurs du chaos de Giuliano da Empoli, trouvable en Folio. Une analyse de la politique et Internet. Comment elle est fagocitée par les trolls, les réseaux sociaux, comment on se sert des ressentiments.

L’un d’entre nous a, à la suite de cela, parlé de la situation actuelle dans l’Argentine de Milei où les deux ministères, de la culture et de la femme, ont disparu.
Une autre a mis cela en parallèle avec l’essai de Sofi Oksanen, super documenté et effrayant, éditions Stock 2023. Mais on y reviendra sans doute ; ce livre est trop important.

Prochaine réunion à Les Vivants prévue le jeudi 22 février à 18 h

Les Vivants – 1)

Nous étions à Les Vivants, un joli endroit, 64 rue Paul Doumer au Havre, pour la première fois hier, et c’était très très sympathique !

Sébastien nous a présenté la philosophie du lieu :
Les Vivants, c’est une librairie, une cave et un bar à vins, et c’est ouvert depuis mi-septembre 2023.
– Le côté livres est spécialisé dans
des essais sur l’écologie au sens large, la question sociale, le féminisme (NON, ce n’est pas un gros mot). et
en fiction , la littérature européenne, nordique, israélienne avec de très bonnes maisons d’édition indépendante moins médiatisées mais tout aussi intéressantes. Exemple : Le Typhon, installées à Marseille, hyper travaillées autant au niveau de la qualité des textes que de leur esthétique.
– la cave à vins : des vins naturels, des vins en bio-dynamie avec des vignerons qui travaillent souvent aussi d’autres produits que la vigne, avec des méthodes ancestrales, très peu de sulfites ajoutés.

Pour cette première fois d’Un vin, des livres dans son lieu, Sébastien nous a proposé des vins de Gaillac, dans le Tarn. En blanc, un cépage mauzac, très fruité, et léger. En rouge, un vin tout aussi léger (12°) et très travaillé dans le fruit. Ils étaient accompagnés de produits venant de deux magasins de la même rue : l’épicerie italienne et le fromager.

On vous parle des livres évoqués dans un prochain post.

chat bleu – décembre 2023 – 3) et en cadeau, une pincée de Vialatte

La pincée de Vialatte  :

« Chronique de l’arbre de Noël
L’esprit de Noël est un esprit joyeux qui devient plus riant par temps de neige. Il porte un capuchon pointu (doublé de lapin) et se juche sur les abiétinées. C’est pourquoi le vrai père de famille va cueillir un sapin la veille de Noël. A Paris il l’achète au mètre. A Düsseldorf il le vole dans un square. (C’est ce qui a amené les jardiniers municipaux, en Rhénanie, à enduire tous leurs résineux d’une drogue qui devient lacrymogène à la température moyenne d’une salle à manger germanique. Ce qui est gênant au moment des joyeuses plaisanteries.) Une fois que le sapin est planté, l’homme y pend des polichinelles. En satin rose. Des boules brillantes. Des bougies bleues. Des cadeaux pour les invités. Ficelés avec des ficelles d’or. Des dragées, des boîtes de sardines, tout ce qu’il y a de plus luisant et de plus avantageux, souvent même de plus comestible : les gros créanciers de la famille, des harengs saurs, de grandes bouteilles de vin mousseux, et des perroquets portugais, en laine tricotée, rouges et mauves, pour mettre sur la théière et garder le thé bien chaud. Des champignons vénéneux à tête rouge, des amanites vireuses, des amanites panthère, des amanites tue-mouches ; en bois ; avec une pince pour tenir au rameau. Des pères Noël qui ont une barbe en coton, moitié moujiks, moitié poivrots. Des paillassons pour cage à poules (c’est une invention toute récente : la poule s’essuie les pieds avant d’aller au lit). Les enfants sont ravis, les invités s’exclament. Quelquefois un grand-père se dévoue pour faire des grimaces difficiles. On distribue des marrons glacés.
La Montagne, 25 décembre 1962″
on finit l’année avec plus d’essais ou de non-fictions que de romans :
– Et Zeus créa la fêta éditions La Martinière, 2023 : 54 (vraies) recettes de Grèce
– Ripostes – archives de luttes et d’actions 1970-1974, sous la direction de Philippe Artières, éditions du CNRS, 2023
– Méfiez-vous des femmes qui marchent d’Annabel Abbs, 2021, traduit par Beatrice Vierne, éditions Arthaud. Des peintres, des écrivaines
Art de marcher de Rebecca Solnit, traduit par Cristelle Bonis, 2022, éditions de l’Olivier.
– L’heure des femmes d’Adèle Bréau, éditions Jean-Claude Lattès, 2023 : sur Ménie Grégoire qui a osé parler, dès 1967, des femmes sans tabou à la radio
– Proust, roman familial  de Laure Murat, éditions Robert Laffont, 2023. Prix Médicis essai. Elle y parle de son milieu d’origine, milieu de formes et d’apparences, sans vrai savoir. Elle reconnaît sa famille dans La recherche… Proust l’a aidée à comprendre comment fonctionne ce monde.
– Sia , éditions L’Harmattan : témoignage : un homme et une femme, Ces Guinéens de deux ethnies et religions différentes ont fui leur pays pour vivre ensemble en Normandie.
– Promenade en hiver de Henry-David Thoreau, éditions Le mot et le reste, 2018. Traduction de Nicole Mallet : un texte de 1888, une journée d’errance dans la neige. Enormément de précisions dans les descriptions.
– Correspondance Matisse – Marquet 1898-1947, La Bibliothèque des Arts, 2008.
Quand même quelques fictions :
– Les ciels furieux d’Angélique Villeneuve, 2023, éditions Le Passage. La vie d’une famille juive en Europe de l’Est au début du XX ème siècle vue à travers une petite fille.
– Sarah, Suzanne et l’écrivain d’Eric Reinhardt, 2023, Gallimard : deux histoires de femmes de deux milieux différents. « Bluffant, vraiment brillant ! » dit F.B.
– Rendez-vous à Parme de Michèle Lesbre, une balade pleine de références théâtrales et littéraires : Chéreau, Duras, Handke. Trouvable en Folio.
– Les enfants sont rois de Delphine de Vigan, 2021, Gallimard : une influenceuse met en scène ses enfants. Ce qui s’en suit.
Et rappelez-vous :
nous continuerons de lire et de parler de livres mais plus au Chat Bleu.
Le nouveau lieu de réunions sera Les vivants.
Au 18 janvier, 18heures !

Chat Bleu : décembre 2023 – 2)

Nous buvions, en rouge, un Saint-Nicolas de Bourgueil, ou, en blanc, un Pinot gis d’Alsace.
Ils accompagnaient :
– La sentence de Louise Erdrich, paru aux USA en 2021 et en 2023 chez Albin Michel, collection Terres d’Amérique, traduit par Sarah Gurcel. Prix Fémina Etranger. Un mélange de roman et de faits : la plupart des scènes se passent dans une librairie indépendante qui existe et est celle de l’auteure depuis plus de vingt ans : Birchbanks Books à Minneapolis. Ce livre donne plein de pistes de lectures, des textes d’écrivains américains que nous connaissons mal, d’origine amérindienne ou afro-américains.
Le livre rend aussi compte de l’affaire George Floyd et de la Covid.
– Chant balnéaire d’Oliver Rohe, éditions Allia, 2023 : vingt ans après Défaut d’origine, la guerre du Liban vue par Rohe.
Il a alors 17 ans ; son père n’est plus là ; il vit avec sa mère et sa soeur à l’extérieur de Beyrouth, dans une station balnéaire, été comme hiver. La situation est complexe, les bombes tombent, l’argent manque, les copains et les filles sont plus importants que l’école.
Le livre vient de recevoir le prix France-Liban 2023.
– Le nouveau de Keigo Higashino, 2013, Tokyo, 2021, Actes Sud. Traduction de Sophie Refle. Cet auteur né en 1958 a plus de 60 romans à son actif. Le rythme est lent. Ce polar est plein de dialogues. Le lecteur avance à l’aveugle. Il n’y a aucune violence. Certes, un crime a eu lieu mais ensuite, à coups de chapitres qui semblent indépendants, l’inspecteur Kaga passe de commerce en commerce dans un quartier traditionnel de la capitale où il vient d’arriver et trouve ainsi le coupable.

La suite, bientôt…