Indes Galantes : rattrapage

Indes Galantes, de Philippe Béziat.
Ce documentaire, sorti fin juin 2021, montre la préparation pendant plus d’un an de l’opéra-ballet de jean-Philippe Rameau (1735), présenté à l’Opéra-Bastille douze fois, du 27 septembre au 15 octobre 2019.

Cette production des Indes galantes était l’occasion de nombreuses premières fois :
– première fois qu’une formation baroque était dans la fosse de l’opéra-Bastille : la Cappella Mediterranea avec son si empathique chef d’orchestre, Leonardo Garcia Alcron.
– première fois que Clément Cogitore mettait en scène un opéra. Cet artiste contemporain passé par Le Fresnoy, la Villa Médicis, prix Ricard en 2016, Marcel Duchamp en 2018, est professeur à l’école des Beaux-Arts de Paris.
– première fois qu’une vingtaine de danseurs urbains se produisaient sur cet immense plateau. Que des danseurs de Voguing, Krump, Flexing, Hip-hop, Waacking, Electro, Popping, Break dance, membres de la troupe Rualité de Bintou Dembélé se mouvaient sur une musique du XVIIIème siècle.
– première fois qu’une soliste ( la soprano Sabine Devieilhe ) appelait à saluer avec elle un danseur de danse urbaine ( Calvin Hunt ).
– première fois que, dans ce lieu, chacune des représentations s’est finie sur une standing ovation.

Le film, comme Les rêves dansants – sur les pas de Pina Bausch de Anne Linsel et Rainer Hoffmann, est totalement bouleversant.
Bouleversant parce que des mondes qui ne se connaissaient pas et avaient peu de chances de se réunir s’apprécient : la compagnie Rualité et le choeur de chambre de Namur admirent chacun les prestations de l’autre, deviennent un groupe de travail cohérent.
Bouleversant, ce joli moment où une des danseuses se surprend à fredonner du Rameau toute la journée, même dans ses parcours à trottinette.
Bouleversante et rigolote, cette indignation de danseurs devant l’erreur de la présentatrice – télé parlant de « Jean-Baptiste Rameau » : « Philippe! Jean-Philippe ! »
Bouleversant comme lorsque Pina Bausch reprenait Kontakthof avec des adolescents de 14 à 16 ans jamais montés sur scène. Parce que des portes s’ouvrent, parce que des savoirs se mêlent, parce que des rencontres culturelles supposées impossibles ont lieu.
Bouleversant, vraiment.

Un Albert Londres : P U N° 144

Au Japon d’Albert Londres est un recueil d’articles écrits en 1922.
Parti six mois en Asie pour le journal l’Excelsior, il commence son voyage par là au moment où Paul Claudel arrive en tant qu’ambassadeur.
Il fait un court historique des relations japonaises avec le monde, présente les couches du pouvoir, le décorum, le fonctionnement de l’homme japonais en son pays et à l’extérieur, ( P. 60 : …la femme est reine (…). Ce n’est peut-être pas un être mais c’est une chose sacrée. »).
Il nous fait visiter en quelques pages Tokyo, Osaka et Kyoto. Son ton est léger, plein de charme et de jolies images ( P 27 : il marche sur des petits bancs qu’il appelle « guettas »), pour aider ses contemporains à visualiser un pays si étranger.

Voici quelques Poèmes Express issus de ce court opus, réédité en 2021 par Arléa  :

– Inspecter l’horizon, le supposer sombré.
– Je m’apprête à manquer de tradition. Et à finir.
– Geishas, fées politiques et littéraires.
– Dans le jardin sacré, je m’appelle barbare.
– Le moyen-âge avait mis à même sa peau la mort.
– Mosaïque forcenée : monde juxtaposé.

Au Japon, « augmenté », est offert à Sylvie B, photographe d’architecture et à l’un de ses fils, cinéphile japanisant.

 

Un Maurice Constantin-Weyer : P U N° 143

Quoi ? ! Maurice Constantin-Weyer, vous ne connaissez pas ? !
Allez,… j’avoue. Moi non plus.
Il a pourtant écrit une cinquantaine de livres, reçu le Goncourt en 1928, été beaucoup traduit et adapté au moins trois fois au cinéma. Français né en 1881, mort en 1964, il était, au moment du Goncourt, édité chez Rieder. Il avait déjà failli être primé pour Manitoba, en 1925 mais Léon Daudet, membre du jury et d’action française, avait voté contre, en raison du « cosmopolitisme » de la maison d’édition…
– De l’influence de l’idéologie sur la littérature… vous avez quatre heures…-
(cf :  le super-intéressant texte de Gérard Fabre – EHESS, 2014, Presses Universitaires du Québec)

La Pièce Unique N° 143 est Un homme se penche sur son passé, une histoire qui se déroule au Canada français où l’auteur a vécu de 1904 à 1914. Le narrateur, Jacques Monge, trappeur, vendant des fourrures, « cassant » des chevaux sauvages, s’installe bientôt dans une ferme. Les colons sont arrivés, avec leurs spécificités, de Bretagne, d’Irlande, d’Ecosse, ils labourent les terres vierges, le train arrive, les villes se fondent – on peut penser au beau film First cow de Kelly Reichardt- . Un peu plus qu’un bon roman d’aventures, un texte sur la disparition du monde sauvage.

Quelques Poèmes Express qui en sont issus :
Notre géographie, piquée de barbelés, naît des avides.
– Ce type de géants avait appris la nuque des filles.
– Echarpe de gaze et diamants, la vieille édentée aux seins roulants.
– Ce n’est pas un homme. Juste un rythme.
– Jours de quadrille, sourire fané, pâleur de fiancée…
– C’était un désir en décomposition dans d’autres sentiments sales.
– L’entreprise avait de quoi tenter au fond de tous les brouillards.

La Pièce Unique 143 est offerte à Margot Bonvallet, libraire au tiers-lieu Les Vinzelles, ouvert très récemment. Parce cela semble un bel endroit, une belle idée et une  » lectrice de fond « … jeux de mots sur fond(s) et « coureur de fond »…

 

Un Ahmet Altan : P U N° 142

= Pièce Unique N° 142.
Cet auteur turc contemporain y parle des raisons, des circonstances de son arrestation et de sa vie en prison, comment il réussit à vivre malgré le manque de rêves, de temps comptable, de lumière. Comment il doit cohabiter avec des hyper-croyants. Comment on le traite, menotté pendant les transports et même dans des lieux de soins, Comment se comportent un juge en activité et des juges arrêtés …

voici quelques Poèmes Express issus de ce livre :
Etre confiné dans une boîte, petit pois, rien d’autre. Petit pois perdu.
– Cette phrase coule de son oreille sur son bureau.
– Quand il n’a pas de sentiments, il a un roman qui les fait naître.
– Tout va bien dans un laboratoire. Et la vérité se suspend.
– Impression d’ire d’hiver au bord du parvis.
– Si vous êtes le coup, vous pourrez sourire.
_ Interdiction de faire venir des fées dans notre quartier.

La Pièce Unique n° 142 est offerte à une des deux étudiantes en DUT Métiers du Livre, année spéciale, rencontrées aujourd’hui pour un podcast. Une jolie rencontre. Elles aiment le livre et sont visiblement ouvertes.