Toujours plus d’auteur(e)s, toujours plus de surprises :
Le matin, un roman graphique , dans le cadre de Présence argentine à La Baule : Naphtaline de Sole Otero, éditions ça et là. Histoires mêlées de familles paternelle et maternelle, de migration, de patriarcat, de genre.
– L’après-midi :
Camille Laurens à l’occasion de la sortie du volume en Quarto Gallimard :« une étape dans la vie d’un écrivain. Le premier roman ayant été publié en 1991, ça oblige à revenir sur un parcours déjà long. J’ai dû choisir, éliminer. Il fallait trouver un fil directeur : le désir. Les Quarto commençant par un album photos, là aussi, il a fallu choisir. Je l’ai fait en montrant comment je décalais le vrai, par exemple avec une photo de mon père et un extrait d’un de mes romans en légende » : « l’auto-fiction, la fiction de soi-même consiste à présenter son « livre intérieur » (cf Proust). (…) « Pour moi, ce qui est vécu est remplacé par ce qui est écrit ».
Makenzy Orcel dont Camille Laurens dit : « Dès que j’ai lu Une somme humaine, j’ai entendu une voix, un rythme, une scansion particulière. C’est une réussite, le rapport à la langue est premier, c’est un roman-monde, un grand roman politique. » Lui-même en dit : « J’ai porté ce livre une dizaine d’années. L’acte d’écrire est un acte transitionnel. Je suis avec cette vieille femme qui parle depuis la mort et donne à voir les choses » (…) » un réel très teinté de merveilleux. »
Après une conférence de Gabrielle Trujillo sur L’invention de Morel de Bioy Casares, Mélanie Sadler a parlé de son roman Borges Fortissimo, le tout dans le cadre de Présence argentine à La Baule.
Lucie Rico : GPS, éditions P O L: « Il y avait plusieurs points de départ ou objectifs :
– adapter Fenêtre sur cours où la fenêtre cache autant qu’elle montre. La fenêtre de notre téléphone fait de même.
– la description : comment décrire un paysage qui n’est pas réel
– parler du chômage où on perd ses repères, où on a du mal à trouver sa place.
La question du champ / hors-champ est primordiale aussi dans le livre » (…) » Je donne de fausses infos, et j’ai utilisé un cede scout que, seuls, des lycéens ont décrypté. Aussi scénariste, j’écris mes livres comme mes scénarios, en sachant la fin. » …qu’on ne dévoilera pas au cas où vous ne l’auriez pas lu.
Bertrand Schefer est venu pour Francesca Woodman, aussi aux éditions P O L qui fêtent leurs 40 ans cette année. Le livre est sur cette artiste photographe américaine, ses « images de disparition, de flou, de fulgurance, photos performatives d’elle-même », la première lorsqu’elle a 13 ans, la dernière avant sa mort à 22 ans.
Bertrand Schefer a d’abord « rejeté ces images » puis « pas cessé d’y penser » et l’a découvert 20 ans après en voyant des photos d’elle, prises par un ami, à l’atelier : « l’effet de réalité, l’instant arrêté, le visage qu’elle a » (…) » un coup de foudre en deux temps »
Archives de l’auteur : Catherine
2ème jour de festival : 7 juillet 2023
après une remarque de Bertrand Schefer sur Ecrivains en bord de mer : « dans ce festival, on bichonne les auteurs »
– Oliver Rohe, là pour Chant balnéaire: éditions Allia, 2023.
Il était venu en 2010, « treize ans d’attente » dit Bernard Martin.
« Un peuple en petit, livre de 2010, passe par le roman. Cette façon de faire m’a conduit à une impasse. »(…) « J’éprouve le besoin de passer par le réel, l’authentique. Le roman était comme une altération. La façon dont parle le Liban de la guerre tend à le faire passer pour une fiction. Il n’y a pas de travail dessus comme en Afrique du Sud, pas de traces : Beyrouth est reconstruit. Comprendre tout ça a pris du temps. »
« La station balnéaire, le quotidien sur cinq ans, c’est là que j’avais le plus de souvenirs. (…) j’ai compris que j’allais pouvoir le rendre par la sensation. » (…) « j’essayais juste d’écrire ces années-là. La forme qui venait, je l’acceptais. » (…) « Le but était de faire apparaître la guerre là où elle n’est pas visible. »
– Christel Périssé-Nasr : L’art du dressage , éditions du Sonneur
Un père, Marceau et ses deux fils, Gilles et « Le collectionneur ».
l’auteure : « J’ai tendance à voir la famille comme une structure d’individus enchaînés les uns aux autres » (…) « J’ai travaillé non pas la masculinité, comme on l’a dit dans certains articles, mais la virilité, le rapport des hommes entre eux. Et là, pour Marceau et Gilles, une virilité complètement et seulement fantasmée. » (…) » Les hommes eux-mêmes dans une structure de ce type sont victimes. »
– Pierre Senges, qu’on peut « résumer » par deux mots , érudition et humour. Il est là pour deux parutions récentes : Un long silence interrompu par le cri d’un griffon chez Verticales et Epître aux wisigoths chez Corti.
A l’origine du premier, « il y a un intérêt pour le silence, qui s’est manifesté, déjà, il y a plus de dix ans par un feuilleton à Radio France. Environ dix épisodes de cinq minutes. Laure Egoroff donnait une texture à chaque silence. » (…) « il a fallu du temps, de l’oubli de cette première forme. »
« La blague est plutôt le moteur de mon écriture » (…) « mais je voulais rendre hommage à tous ces écrivains assez fascinants (Mandelstam, Siniavski…) des années 1920 à 1970, à leur esprit, à leur rapport à l’écriture dans cette période fiévreuse. »
Quant à la parution chez Corti, il s’agit d’un essai à partir de l’expression de Giorgio Manganelli qui voulait la » littérature comme mensonge », celle » des wisigoths » contre une littérature du fait vrai .
– Eleni Sikelianos et sa traductrice pour deux ouvrages chez Joca Seria, Beatrice Trotignon : « cela fait quinze ans que Beatrice travaille sur ma poésie et elle m’a appris beaucoup de choses sur mon travail. »
Un travail plein de paronomases, de paronymes.
Sur le temps, sur la maternité dans les deux recueils traduits chez Joca Seria.
Une belle deuxième journée !
C’est commencé !
Ecrivains en bord de mer a commencé.
Des lectures en avant-première :
– du livre qui sortira chez Flammarion fin août, de Hugo Lindenberg, déjà présent l’an dernier pour son premier livre, Un jour ce sera vide, prix du Livre Inter 2021. Super gentil.
Une prestation à laquelle il n’est pas habitué, et le moment où il en est : « Quand le livre est fini, il y a ce qu’en disent les gens. Mais là, personne n’en a encore parlé, c’est difficile. » (…) »pendant l’écriture, je suis content. Après, j’ai honte. Là, j’ai honte. »
Il n’y a pas de quoi. Ce qu’on a entendu de La nuit imaginaire fait envie.
– de Déserteur de Mathias Enard, à paraître chez Actes Sud le 23 août également. Une belle lecture à voix haute. Une pratique qu’il aime – il a d’ailleurs il y a quelques années enregistré la totalité de Boussole – » et c’est superbe » : dixit Bernard Martin.
Deux histoires s’imbriquent : celle d’un soldat et celle d’un colloque mathématique fluvial, peut-être pas à la même époque.
Puis une conversation entre Mathias Enard, Oliver Rohe et Bernard Martin : « On se connaît depuis vingt ans »
Ils ont créé ensemble, avec d’autres, dont Arno Bertina, Claro, la revue Inculte. « une revue, l’horizon d’une communauté » dit Rohe. Et ce qui les lie aussi, c’est le Liban, les livres qu’ils ont tous deux écrits sur ce pays.
Voilà ! Un bon commencement de festival.
Irrévérences
Autre irrévérence :
L’impression que je formule là, qu’une interview, maintenant en podcast, a été un peu transformée : j’avais cru entendre Nanni Moretti dire à Olivia Gesbert, dans Bienvenue au club, qu’il n’avait pas besoin d’expliquer ses films, il les faisait, c’était son boulot. Aux critiques, à elle, de faire le leur, le sien.
Le ton de Moretti était un peu vif, limite désagréable. En écoutant l’interview entière, je n’ai pas entendu ce passage… L’aurais-je inventé ?
Chat Bleu – juin 2023 – 1)
Mis en avant
Avec un St Nicolas de Bourgueil ou un « Chemin blanc« , un chenin d’Afrique du Sud, on a parlé de :
– Sans collier de Michèle Pedinielli, édition de L’Aube, collection L’Aube noire, 2023 : une histoire de chantier mortel, mais aussi un polar plein d’humour. On y retrouve le personnage récurrent de Giulia Boccanegra, une femme-détective à Nice :
» detectiv particular ? C’est drôle
– C’est drôle pourquoi ?
– Parce que vous êtes une femme.
Il faut savoir évaluer les moments où entamer un débat féministe est totalement inutile. Celui qui implique un dealer de coke moldave et son gigantissime garde du corps en est un. » ( p. 161)
– Les vaches de Staline de Sofi Oksanen, paru en 2011 chez Stock, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli. Actuellement en Livre de poche. Un livre d’une énorme force. Une histoire qui s’étend de 1940 à 1984 environ, sur trois pays : Finlande, Estonie et Sibérie. C’est le premier livre d’Oksanen mais paru en France après Purge. Ses personnages ne sont pas sympathiques : pas plus Anna que Katariina, pas plus la fille que la mère. Celle-ci est une pro de la débrouille dans le système soviétique. L’autre n’a pas d’autre choix que contrôler son image à travers son rapport à la nourriture. Etre femme est un problème dans un pays communiste, dans un pays envahi, comme dans un pays où l’on fuit. Un grand livre !
– Une saison à Venise de Wlodzimierz Odojewski (1930-2016). Paru en 1976 en Pologne, en 2000 et 2006 aux éditions Les Allusifs. Traduction d’Agnès Wisniewski et Charles Zaremba. Trouvable maintenant chez Rivages. Un joli texte, une fable : l’imagination peut nous sauver. Nous sommes en Pologne, en août 1939, dans une maison familiale. Les femmes et les enfants se retrouvent là. De l’eau apparaît dans la cave et monte, et tante Barbara y invente Venise.
Prochain Chat Bleu prévu le jeudi 14 septembre 2023. Mais on a évoqué beaucoup d’autres livres et on vous en parle bientôt ici.
Jose Manuel Ballester
Après avoir vidé des tableaux de l’histoire de l’art de leurs personnages, dans « Espacios ocultos », série de 2021, Jose Manuel Ballester expose des arbres au Jardin Botanique de Madrid jusqu’au 27 août 2023.
« Espacios ocultos » :
Ici :
Le 3 mai de Goya,
Mais aussi, Les Ménine de Velasquez,
Le radeau de la Méduse, de Géricault
Guernica, de Picasso
Aphrodite, de Botticelli
ou la Cène, de Leonard de Vinci, etc… : « Espacios ocultos » série de 2021
C’était drôle et devenait abstrait !
Chat Bleu – suite septembre 2023
Chat Bleu – mai 2023 – 3)
et puis des essais ou des textes journalistiques :
– De Nicolas Bouvier, l’écrivain-voyageur suisse (1929-1998): Le vide et le plein, 1964- 1970 : Le Japon et ses aspects si impossibles à allier : ville surpeuplée, paysages naturels fabuleux, esthétique sensationnelle et rudesse.
– De Vassili Peskov (1930-2013), lui aussi écrivain-voyageur : ermites de la taïga , 1992, Actes Sud, puis Babel, traduit du russe par Yves Gauthier : dans les années 1980, des géologues rencontrent en Sibérie une famille de « vieux-croyants » qui vivent là comme au XVIIIème siècle, dans une religion pleine d’interdits.
– De Colette Fellous : Le petit foulard de Marguerite D., 2022, Gallimard : sur Marguerite Duras.
– D’Ovidie : La chair est triste, hélas, Julliard, 2023 : comme son titre l’indique, sa vision négative de la relation amoureuse hétéro.
– De Didier Eribon, Vie, vieillesse et mort d’une femme du peuple, éditions Flammarion : » livre porte-parole de ceux qui n’ont plus la parole. Très simple mais touchant », sur la perte de sa mère qui s’est laissée glisser après son entrée en Ehpad.
– De Nicolas Diat : Ce qui manque à un clochard, 2021, Robert Laffont : l’histoire vraie de Marcel Bascoulard, (1913-1978), « clochard céleste » qui, dans le Berry, écrivait des poèmes, dessinait et est mort assassiné.
On a aussi reparlé de
– L’engravement d’Eva Kavian, à La Contre-allée : ces parents qui viennent voir leurs ados à l’H. P.
et de Ici pour aller ailleurs, recueil d’articles de Georg Dyer, aux éditions du Sous-Sol.
Cette fois, that’s all folks !
Au 22 juin ?!
Chat Bleu – mai 2023 – 2)
Pour accompagner un Bourgogne aligoté, sec, vif et droit ou un St Nicolas souple en bouche, des romans :
Des polars :
le nouveau Fred Vargas et le retour du commissaire Adamsberg, chez Flammarion : Sur la dalle. On n’a pas lu mais on informe…
Alan Parks : les chroniques de la ville de Glasgow, mois par mois : exemple : Bobbymars for ever, Poche Rivages noir. Traduit par Olivier Deparis (*). Lu et approuvé.
Giorgio Scerbanenco (1911-1969) : il était chez 10-18, est repris chez Gallmeister, collection Totem, dans une nouvelle traduction de Laura Brignon. Veine réaliste, sociale pour Le quatuor de Milan, dont Venus privée, la première enquête de l’inspecteur Duca Lamberti, parue en 1966.
Moins habitué du genre, Mario Vargas Llosa : Qui a tué Palomino Molero. Chez Gallimard, Folio, 1986, traduit par Albert Bensoussan : au Pérou, vers 1936, un jeune métis est tué. Un lieutenant et un gendarme enquêtent.
Des romans traduits de l’anglais :
Ethan Frome (1911) d’Edith Wharton (1862-1937), chez P O L en format poche dans une nouvelle traduction de Julie Wolkenstein. En Nouvelle-Angleterre, au XIXè siècle, un huis-clos étouffant.
Là où chantent les écrevisses, premier roman de l’ Américaine Delia Owens, botaniste. En Points, traduction de Marc Amfreville : poésie et suspens.
Corps et âme, unique roman de Frank Conroy (1936-2005). Traduit par Nadia Akrouf, chez Folio. New-York, histoire de musique et de transmission.
Deux romans, éditions Globe, traduits par Charles Bonnet, de Douglas Stuart, Ecossais, designer de mode à New York : Shuggie bain, autobiographique : une mère alcoolique et Mungo, une sorte de thriller.
Crossroads de Jonathan Franzen, 800 pages chez L’Olivier, traduit par Olivier Deparis, encore lui (*) : la famille d’un pasteur, son intérêt pour une paroissienne. La dissection des relations familiales. « Brillant ! »
Des romans français :
L’autre moitié du monde de Laurine Roux, éditions du Sonneur : « une super découverte ! » :Espagne, années 30, le travail dans des rizières vu par une gamine. Focus sur une région, sur une manière d’être de propriétaires terriens atroces.
Les séparées de Kéthévane Davrichewy, 2012, ed. Sabine Wespieser : On est en 1981, dans un texte à deux voix qui rend compte de l’amitié fusionnelle entre deux jeunes filles.
Chat Bleu mai 2023 – 1)
Mis en avant
Le grand écart : un polar qui se passe au Japon, un moment dans l’Autriche de la fin du XIXème siècle et une femme, pendant tout un week-end, enfermée dans des toilettes :
– Tokyo mirage d’Anne Rambach, 2002 éd. Calmann-Levy
– Vienne au crépuscule d’ Arthur Schnitzler, paru en 1908
– N’être personne de Gaëlle Obiegly, 2017, éd. Verticales
étaient les 3 premiers livres proposés le 25 mai au Chat Bleu.
- Vienne au crépuscule est une merveille. Entouré d’intellectuels juifs, un jeune noble, le baron de Wergenthin, doué en musique mais dilettante, vit. Il vient de finir une relation, en commence une autre. La jeune femme, de bonne famille, attend bientôt un enfant. Il ne la laisse pas seule face au problème mais ne lui propose pas le mariage.
Pourquoi une merveille ? Parce qu’il parle si bien des nombreuses possibilités des hommes face aux situations sans issue des femmes. Parce qu’il montre que le « problème » d’être juif est omniprésent dans cette Autriche fin de siècle, encore et encore évoqué dans toutes les conversations entre ces créateurs, politiciens, fonctionnaires. - N’être personne est une digression sur 300 pages. Sans sujet. Plein de la vie d’une femme qui écrit mais ne gagne pas sa vie par son écriture. Pas une auto fiction, bien plus distant que ça, théorique : p 101 : « Quand j’écris – un livre éventuellement- je ne m’adresse à personne, je parle avec l’inconnu, auquel je ne dis rien.(…) Le langage met le réel à distance. C’est cela même qu’interroge mon écriture.(…) Tout ce qui est écrit est fiction. La réalité n’y est pas. La réalité est ce qui est vécu, pas ce qui est relaté. Ce qui est écrit, ce qui est relaté, même oralement, subit une transformation. »
– Tokyo mirage : Un homme tué au sabre. Histoire agrémentée de pachinko, tsunami, yakuzas, services de police ennemis et industriels malhonnêtes.
Mais on n’a pas parlé que de ça : deuxième partie bientôt.
Prochain Chat Bleu prévu le 22 juin