Hubert Reeves, l’astrophysicien, vient de mourir à 91 ans.
Il avait créé le concept de P F H.
P F H = « Putain de Facteur Humain »
…………………………………………………………………..
Carole Fives était hier à la Galerne pour Le jour et l’heure , paru chez J.CL.Lattès en septembre 2023.
Un voyage à Bâle… pendant le carnaval
Un voyage en voiture
Un voyage en famille
mais pas n’importe quel voyage :
pour Edith, la mère,
le dernier, voulu, souhaité du fait d’une maladie dégénérative.
On n’a jamais le point de vue d’Edith,
On a celui des 4 enfants adultes et du mari.
Presque tous sont médecins
Presque tous ont du mal à comprendre et accepter cette décision.
Carole Fives a commencé ce livre en 2017 quand une amie a vécu ce voyage vers l’association suisse Pegasos qui pratique la « mort volontaire assistée ». Elle s’est résolue à le publier au moment de la convention citoyenne, de l’éventualité du projet de loi sur l’aide active à mourir.
Elle a admiré cette femme et souhaitait montrer combien la mort est tue en France.
Michelle Perrot et Eduardo Castillo étaient là pour Le temps des féminismes paru chez Grasset en janvier, né de 14 entretiens d’à peu près deux heures entre l’historienne et son ancien étudiant, intellectuel chilien à l’origine de cet ouvrage.
Les noms d’Olympe de Gouge, Marceline Desbordes-Valmore, George Sand, Flora Tristan, Marguerite Durand, Julie-Victoire Daubié ont émaillé leur conversation. Si certains sont évidents, d’autres le sont moins : ainsi J-V. Daubié ( 1824-1874), la première bachelière, journaliste économique qui écrira sur la femme pauvre et les métiers des femmes.
Les frontières à franchir pour les femmes ? : elles sont « constantes, la domination masculine est réactualisée à chaque époque. » (…) « Les femmes ne sont pas vues comme créatives, sont pensées non comme des individus mais dans des familles, et un Nietzsche peut écrire : » les femmes font des enfants, les hommes font des livres. ».
La première conquête des femmes ? : « la lecture puis l’écriture. L’écriture épistolaire, privée » (…) La ruse sera nécessaire pour entrer dans l’espace public. »
Une modification du travail historique : « Les femmes étant dans l’obscurité, le silence, avec quelles sources va-t-on faire cette histoire ? » : « on élargit la notion de sources : privées, judiciaires, littéraires. » (…) « on a commencé avec les femmes victimes », « les femmes de science, angle mort de l’histoire, celles qui ont fait ce que leur mari a revendiqué » – Cf. L’effet Matilda, livre jeunesse de Ellie Irving- 2017-
Michelle Perrot : une historienne féministe ? : « Non, je suis historienne ET féministe. L’histoire, c’est une démarche, une méthode, des règles, c’est souvent penser contre soi-même. Il s’agit de comprendre les rapports entre les hommes et les femmes à travers le temps. »
« Le féminisme est une PENSEE, pas seulement une action »
Terres de paroles 2023 – conseiller artistique et littéraire : Rémi David – est sous l’égide d’une phrase de Jacques Prévert : « Notre vie, c’est maintenant ».
Pourtant, le festival s’inscrit déjà dans le futur en annonçant sa prochaine édition : du 1er au 8 JUIN 2024.
Les deux premières journées du festival – 30 septembre et 1er octobre – se passent, comme l’an dernier, dans le cadre somptueux – et ensoleillé – de l’abbaye de Jumièges.
Premier interviewé, Dany Laferrière lance tous ses feux, plaisanteries, formules brillantes, aphorismes. Un truc à vous réconcilier avec l’Académie française… :
« L’écrivain, c’est le lecteur » Mais aussi : « Le lecteur n’est pas mon ami, c’est une illusion. »
« Quand un Japonais me lit, je deviens Japonais. »
A ceux qui lui reprochent son insouciance quand Haïti sombre : « Que je sois malheureux n’aide en rien Haïti » (…) « J’ai toujours voulu garder la fête » (…)
« Les pauvres ne s’attendent pas à lire un livre de pauvres » (…) « avec mon écriture, j’essaie de sortir Haïti de l’engrenage où la dictature l’a mise »(…) « je me suis astreint à ouvrir les fenêtres »(…) « Le problème est l’enfermement de la pensée. Haïti a cessé de rêver. »
Quand on lui a proposé de travailler sur le racisme, il a d’abord dit : « Je ne peux pas être la maladie et le remède », et puis est venu Petit traité de racisme en Amérique », éditions Grasset, janvier 2023.
George Floyd est mort en mai 2020 : « c’est un spectacle et le spectacle ne m’intéresse pas. » (…) » Le racisme est la préméditation. Tous les matins, 47 millions de personnes savent que l’histoire n’est pas passée. » : « les choses se répètent. »
« Le racisme, c’est de l’économie » (…) « on vous dit noir pour déprécier la marchandise. »
« Ecrire est une longue affaire, un tissage de jours et de nuits. »
« On ne lit pas un livre, on est lu »
Le 18 octobre sort Un certain art de vivre.
Oeuvre d’algorithme ou de travailleur pauvre à l’autre bout du monde : ?
en tous cas, R I R E assuré :
Il semble que vous ayez partagé un contenu montrant de la nudité ou une activité sexuelle. »
« Le verbe libre ou le silence : dans cet essai qui prend la forme d’un plaidoyer pour la liberté des écrivains et contre les diktats imposés par certains professionnels de l’édition, Fatou Diome est catégorique. Les éditeurs ne peuvent interférer dans le processus créatif des auteurs puisque celui-ci relève de l’expression d’une intimité et d’une subjectivité qui leur est propre. »
——————————
Je fais un lien avec une émission qui m’avait hérissée il y a quelque temps sur cette même radio – sans pouvoir, désolée, la retrouver – où une écrivaine et son éditrice parlaient. L’éditrice donnait ses conseils / ordres et ,clairement, ça simplifiait un maximum, influait sur le fond comme sur la forme et avait pour but que « le produit » soit simplifié, se vende plus sûrement, pas pour faire progresser la littérature.
Entre ça et Chatgpt, peu de différence …
Au risque d’enfoncer une porte ouverte,
on vous enjoint d’aller voir Anatomie d’une chute de Justine Triet.
C’est du grand cinéma,
du M A G I S T R A L .
Le film, porté par des acteurs et par un montage fabuleux,
pose plein de questions ( et
ne les résout pas toutes ) :
vérité ? Justice ? couple ? reconnaissance ?
Ce n’est pas grave, ça nous fait cogiter.
Mais vous le saviez déjà, la porte était déjà ouverte …
Dans la famille des « purs », je voudrais la « mère » : Jane Sautière
Les « purs », encore cette formulation grandiloquente !
Ouais…
Sans doute n’est-il pas vital qu’un écrivain soit bon humainement. On peut apprécier son écriture sans cela, et Céline en est une preuve. Mais, quand même, j’aurais tendance et la faiblesse de penser que la concordance des deux est un plus.
De Jane Sautière, j’ai d’abord lu Corps flottants, paru cette année – on en a parlé au Chat Bleu – . et viens de finir Fragmentation d’un lieu commun, chez le même éditeur, Verticales, son premier livre, de 2003
– parce que vous vous souvenez ? : la durée d’un livre n’est pas, ne peut pas être, de trois mois – .
Au même moment, un article de Libé nous rappelle que 74 000 personnes sont incarcérées en France (chiffres du 1er juillet 2023) et pointe un problème supplémentaire pour la réinsertion de ces gens : la dette qui court toujours à l’extérieur, les impayés qui s’accumulent.
Fragmentation d’un lieu commun, ce sont cent fragments adressés, cent « vous » ou « tu » à cent personnes croisées en prison, ou à l’extérieur, en tant qu’éducatrice. Cent personnes reconnues pour autre chose que leur dangerosité, leur délinquance, leur maladie mentale, ou leur inadaptation. Cent courts chapitres de visibilisation d’existences des deux côtés de la justice. Parce que quelques fragments évoquent aussi des collègues ou des surveillants. Cent mini-textes sans sensiblerie mais pleins de sensibilité. Cent approches de femme…
Je sais, c’est une autre délimitation risquée : écriture masculine ou féminine. Ce n’est d’ailleurs pas ce que je veux pointer. Il s’agit, non de l’écriture d’une femme, mais d’un écrit, d’empathie lisible, évidente. Et d’accord, tous les textes de femmes ne sont pas bourrés d’empathie. Et encore d’accord, empathie ne signifie pas qualité.
Mais voilà, pour finir, un tout petit extrait : P. 100-101 : » Votre fils va venir vous voir. Il ne travaille plus à l’école depuis que vous êtes détenu, ça vous soucie beaucoup. » (…) « Je sens qu’il faut que votre fils sache que c’est viril d’apprendre. C’est un combat, une lutte, aussi grasse et épaisse que la lutte à main nue. »
Bon, le titre est peut-être un peu ampoulé mais je le garde.
De nos frères blessés (2016) prix Goncourt du premier roman, prix refusé par l’auteur,
Kanaky – sur les traces d’Alphonse Dianou (2018), voilà les deux livres que j’ai lus pour le moment de Joseph Andras. D’autres sont parus, d’abord chez Actes Sud et le dernier, Nudem Durak – Sur la terre du Kurdistan, en 2023, aux éditions Ici-Bas.
Ces trois textes ont en commun :
– de venir d’ « une sorte de commotion. Il faut croire que j’écris ainsi – j’avais auparavant été attrapé par les « cas » Fernand Yveton et Alphonse Dianou. »
– d’être le fruit d’une enquête littéraire et historique de plusieurs années.
– d’écrire sur quelqu’un mais de vouloir bien plus : « appréhender une situation collective à travers un cas circonscrit » : le(s) colonialisme(s).
– de donner la parole à des hommes et femmes, les protagonistes, les témoins. Au point que Tiphaine Samoyault, dans Le Monde du 25-05-2023, voit en Nudem Durak un « livre qui défait la notion d’auteur » puisqu’il donne à lire aussi le texte de cette chanteuse kurde emprisonnée depuis 2015, condamnée à 19 ans de réclusion.
Joseph Andras revoit l’Histoire avec« sa grande hache » (cf Georges Pérec), réhabilite des personnages que des Etats ont éliminés, ont tenté – et longtemps réussi – à réduire au silence ou à une image de traitres , de terroristes.