Chat Bleu de mai 2019 -2)

On a aussi parlé de :

– Lydie Salvayre, d’abord de : Marcher jusqu’au soir. Ma nuit au musée, éditions Stock, 2019 : sa réaction à sa nuit dans l’exposition Giacometti, au musée Picasso. Elle aime la sculpture de Giacometti L’homme qui marche mais n’a pas apprécié cette nuit. Cette commande est l’occasion pour elle de parler de ce qu’est l’émotion esthétique, de comment on la ressent ou pas, comment on y accède, de l’origine sociale qui peut ou pas permettre cet accès. – Il s’agit du deuxième livre de la collection Ma nuit au musée, ouverte par Kamel Daoud en 2018 avec Le peintre dévorant la femme qui évoque l’érotisme dans les cultures musulmane et occidentale. –
Les lectrices de Lydie Salvayre étaient nombreuses et elles ont cité Pas pleurer, sur sa mère, Sept femmes, sur sept poétesses, Tout homme est une nuit (super beau titre ! ), sur un jeune homme atteint d’un cancer, Petit traité d’éducation lubrique. Presque tous ses livres sont en poche, collection Points.
– Jean-Claude Grumberg : La plus précieuse des marchandises, Seuil 2019. un petit conte bouleversant. La grande Histoire dans la fiction.
– Romain Gary qui vient d’entrer dans la Pléiade mais ses magnifiques Racines du ciel, sur l’enfermement, les animaux et sa jubilatoire danse de Gengis Cohn sont tous deux en Folio.
–  Le dimanche des mères de Graham Swift, traduit par Marie-Odile Fortier-Masek. Paru en 2017 chez Gallimard, collection du monde entier, trouvable maintenant en Folio. Dans l’Angleterre de 1924, une domestique a pour amant le fils de la maison. Il se marie. Elle devient une écrivaine connue.
– de quelques essais ou témoignages :
– En attendant la chute du mur de Karine Lamarche et Keren Manor (photographe) : regard critique sur la colonisation israélienne par des Israéliens. 2011, éditions Ginkgo, maintenant en poche.
– Les passeurs de livres de Daraya de Delphine Minoui : une bibliothèque souterraine dans la banlieue de Damas, Seuil 2017, Points 2019.
– Pensées en chemin d’Axel Kahn, Stock 2015, Livre de poche. Ce scientifique est un grand marcheur qui a vu les paysages et les difficultés sociales de la France.
– Le monde selon Victor Hugo de Michel Winock, 2018 Tallandier : « ce n’est pas un roman mais ça se lit comme un roman et cela permet de mieux comprendre les Français. »… dit Léa…
– Sur la route et en cuisine de Rick Bass, éditions Christian Bourgois 2019 : 15 visites faîtes par cet auteur de nature writing  à ceux qu’il considère comme ses mentors…plus ou moins ouverts à la rencontre…

Chat Bleu de mai 2019 -1)

Commençons par les prochaines dates : les  jeudis 20 juin et 11 juillet !

Le 16 mai, il faisait beau et N’senga nous faisait goûter au choix
– une « Tête de linotte ( espèce protégée ) », un vin rouge joliment travaillé dans le fruit rouge et la violette.
– ou une citronnade bio, produite par une jeune femme travaillant à Rouen, et ça dans le cadre de la nouvelle carte de produits artisanaux et locaux du Chat Bleu.

Nous parlions d’abord d’auteurs invités au Polar à la plage, les 15 et 16 juin prochains, avec deux coups de coeur, très différents :
– l’auteur Jacky Schwartzmann dont on a lu d’abord Mauvais coûts, paru en 2016 à la Fosse aux Ours, puis Demain c’est loin, au Seuil en 2017, tous deux trouvables dans la collection Points. Schwartzmann tape sur tout et n’est pas vraiment politiquement correct … mais c’est drôle !
– Power de Michael Mention, 2018, éditions Stéphane Marsan : un EXCELLENT bouquin à trois voix qui nous plonge dans l’Amérique des années 60, aux côtés des Black Panthers tels qu’on ne les connaît pas, dans leur dimension sociale (écoles, distribution de nourriture, soin). C’est super documenté et extrêmement vivant !
Et, aussi attendus au festival, Antti Tuomainen dont on a plutôt aimé le livre un peu entre SF et écologie, La dernière pluie. Patrick Pécherot et son  Hevel autour de la guerre d’Algérie vue de France et de deux époques différentes. 

Puis, nous vous invitions à feuilleter deux revues gratuites : Perluète  de Normandie Livre et Lecture et Le Havre-Etretat 2019.

Et à aller au Havre, à la maison du Patrimoine, voir le mobilier d’Alvar Aalto et, juste à côté,  l’exposition Fenêtres sur coeurs de Claire Le Breton, Franck Marry, jusqu’au 26 septembre.

 

Un Rafael Pividal : P U N° 81

Pays sages paru en 1977 est la Pièce Unique n° 81 et ma première lecture d’un Rafaël Pividal (1934-2006).
Cet auteur né en Argentine de père argentin et de mère française, est venu en France en 1952. Agrégé de philosophie, docteur en sociologie, il a enseigné la sociologie de l’art à la Sorbonne et a beaucoup écrit.
A la sortie de Pays sages, le critique Matthieu Galey lui prêtait rien moins que : « l’humour de Chaval, la minutie de Ponge, l’invention de Vian ».
On peut aussi voir dans le personnage du scientifique-bûcheron Dimitri Chepilov un Candide qui, passant de sa datcha au fin fond de la Sibérie, à Londres pour le jubilé de la reine, voyage dans le monde soviétique et découvre le capitalisme.
Si tout est improbable dans ce conte, il est bien plus qu’étrange ou comique puisqu’il parle de faits et de problèmes sociaux qui, en quarante ans, n’ont pas pris une ride : chômage, écologie, impact des marques, trusts…même de l’édition…

Voilà quelques Poèmes Express qui en sont issus :
Les trains russes sont en plastique la nuit.
– Après mille gratte-ciel, une plaine. Pliante.
– Sous le papier de soie, la femme belle à l’ancienne mode.
– Esthétique occidentale : vous avez maigri.
– Les chiens salissent les moquettes et madame ne reçoit plus.
– Ce qu’on appelle une nuit de réflexion : on branche le tuyau sur le sens.

La Pièce Unique N° 81 Pays sages, 3 livres en 1, est offerte à Elisabeth G. pour la perturber … ou l’aider … dans son enseignement de l’histoire.

sur Ouest Track, fin mai, début juin 2019

Sur Ouest Track dans Viva Culture, Autour des livres vous parle
le 26 mai :
de POLARS A LA PLAGE, 17ème édition
le 9 juin :
d’Alexis Jenni.
Vous pouvez l’entendre dès 11h, ces jours-là puis sur le net.

Un Robert A. Heinlein : P U N° 80

La Pièce Unique n° 80 est faite à partir d’un livre de Science Fiction de Robert A. Heinlein (1907-1988) : Starship troopers paru en 1959, sous forme de série, prix Hugo du meilleur roman en 1960.
Heinlein a été officier de marine jusqu’en 1934. Certains lui ont reproché ses valeurs militaristes mais il s’est montré très protecteur avec de jeunes auteurs de l’époque comme Theodor Sturgeon et Philip K. Dick. Il est considéré comme « une des plumes essentielles de la S F » voire « du XXème siècle » par Eric Picholle qui, avec Ugo Bellagamba, a publié Solutions non satisfaisantes – une anatomie de Robert A. Heinlein aux éditions Les Moutons électriques en 2008.

L’histoire de Starship troopers : après le grand échec d’un XXème siècle hyper-violent, l’univers est au mains de militaires. Le personnage-narrateur, Juan Rico, s’engage dans l’infanterie spatiale, fait ses classes avec des instructeurs mutilés puis ses preuves dans la guerre contre les Bugs, des arachnides.

Nouveauté… on l’a lu en v.o…. On l’offre donc à … une enseignante d’anglais, Pascale B. une femme incroyable : toujours prête à s’engager dans des projets, à créer pour et avec des élèves.

Voilà quelques « poèmes express » tirés de cette P. U. n° 80, trois livres en un :
– 12 seconds. Demonstration of firepower and frightfulness. Destroy to shine.
– A silly idea is worst under happier circumstances.
– Suppose all you have is one hand or one foot, go !
– A man was silly enough to put tanks against one flea.
– A fish in uniform smiled and spoke to the air.
– I buy your attention. You know we can’t use it.

 

un Kenneth White : P U N° 79

Les cygnes sauvages , de Kenneth White, traduit par Marie-Claude White, paru la première fois en 1990 chez Grasset est ressorti aux éditions Le mot et le reste en 2013 et en 2018 dans leur collection de poche. Il y est question de Japon, de voyage pour le Hokkaidô, « la route de la mer du Nord ». Kenneth White y fait (p.13) : « une sorte de pèlerinage géopoétique (…) un voyage-haïku dans le sillage de Bashô » (…) un petit livre nippon. »

On le suit, au rythme lent de la marche le plus souvent, on l’accompagne dans des endroits que l’on visualise ( p.67) : « Je traversais un pont rouge un matin, en route vers un sanctuaire shintô sur les hauteurs de Yudono » ou (p.111) : « A un endroit nommé Itoizawa, j’ai trouvé un café avec de grandes fenêtres qui donnaient sur la mer. Je me suis assis là avec mon livre aïnou bleu devant un pot de thé. ». On se sent bien, au calme, dans les lignes de ce livre.

Voilà quelques poèmes express qui en sont nés :
– Elle a des seins soyeux, tranquilles, où on boit un peu de vie.
– L’employé agite le saké tandis qu’une vieille dame mâche.
– Un poème dans la bouche des hommes dit l’intérieur des hommes.
– Une femme nue dans du cristal ; haïku qui ne méritait pas le papier.
– On s’évanouit tandis qu’ivre il récite un poème écrit il y a dix ans.
– La queue de la raie ayant traversé le panneau publicitaire, les Russes firent venir des experts.

On offre cette Pièce Unique à Jérôme T. qui, du fait de ses soirées thématiques, a dû se pencher sur le Japon, d’abord sans puis avec plaisir.

 

sur ouest Track

Sur Ouest Track, dans Viva Culture,
nos coups de coeur :

  • à partir de dimanche 27 avril : chez Finitude éditions, Honorer la fureur :

 

 

 

 

 

 

et

  • à partir du 12 mai : Willnot de James Sallis chez Rivages noir

Un Richard Wright : P U n° 78

Les enfants de l’oncle Tom sont 4 nouvelles de Richard Wright, parues aux USA en 1938, traduites en France, pour trois, par Marcel Duhamel et, pour la dernière, par Boris Vian, en 1946, chez Albin Michel. D’abord au Livre de poche, il est maintenant trouvable chez Folio. Ces superbes nouvelles sont sidérantes de dureté, de violence, dans les mots et les actes des blancs vis-à-vis des personnages noirs.

L’auteur Richard Wright est né en 1908 dans le Mississippi, à Natchez, qui fut le deuxième plus grand marché d’esclaves du sud des Etats-Unis. Allé vivre à Memphis, puis Chicago, il écrit le premier roman afro-américain à énorme succès : Native son en 1940. Il part pour la France en 1946, poursuivi par le Maccarthysme. Il prend la nationalité française en 1947, côtoie les Existentialistes et meurt en 1960 à Paris. Ses cendres reposent au Père Lachaise.
On peut trouver sur le net – mis en ligne en octobre 2018 – des propos de Richard Wright recueillis par la rédaction de l’ Express  en 1960 et une biographie est sortie en 2003, après l’ouverture d’archives du FBI, écrite par Hazel Rowley, Américaine d’origine australienne.

Voilà quelques Poèmes Express venus de ces nouvelles :
– N’importe quel idiot peut tuer n’importe quel imbécile.
– Tout son corps se ferma.
– La maison se changea en ventre.
– Visage dans l’oreiller, poitrine au plancher, ils nous tuent.
– Donner à une clôture de fer barbelé le cou, les bras et les jambes.
– Désespérément blanc, il tomba étourdi. A bout de blanc. Ses lèvres tremblaient.
– C’est jusqu’au dernier Dieu qu’un homme s’inquiète.

Cette P U n°78 est offerte à Valérie Zenatti. Son dernier livre sur Aharon Appelfeld, Dans le faisceau des vivants à l’Olivier, est une merveille d’humanité. Elle devrait revenir au Havre, à la librairie Au fil des pages le vendredi 28 juin.

 

Chat Bleu d’avril 2019 -2)

On a aussi évoqué des auteurs américains :
– Historique, fabuleuse, d’une force inégalée : Flannery O’Connor (1925-1964): ses oeuvres complètes sont en quarto Gallimard : romans, nouvelles, essais sur la littérature où elle dit son credo : partir des personnages, faire sentir les choses.
– Sauvage, premier roman de Jamey Bradbury, 2019, Gallmeister. Traduction de Jacques Mailhos. « Entre thriller, fantastique et nature writing. Pour adultes et ados » ( Caroline, de la librairie Au fil des pages )
– Washington Black d’Esi Edugyan, éditions Liana Levi, 2018. Traduction de Michelle Herpe-Voslinsky : le troisième texte de cette auteure canadienne. Au XIXè siècle, à La Barbade, un jeune esclave du nom de Washington Black…
– Gratitude d’ Oliver Sacks, édition Christian Bourgois, 2016. Traduction de Salomé Wittmann.  Sacks, mort à 82 ans en 2015, avait écrit, dans les derniers mois de sa maladie, quatre essais lumineux sur la vie et la mort. Ils étaient d’abord parus dans le New York Times.
– une Mexicaine : Fernanda Melchor : La saison des ouragans, Grasset, 2019. Traduction de Laura Alcoba : inspiré d’un fait divers, la vie et la mort d’une sorcière.

et, évidemment, des Français(es) :
– Corinne Royer : de 2012, trouvable en poche, chez Babel, La vie contrariée de Louise. Cela se passe à Chambon sur Lignon, village résistant. Et chez Actes sud, 2019 : Ce qui nous revient, beau roman autour d’un fait véritable : la médecin Marthe Gautier qui se fit voler par Jérôme Lejeune la « m/paternité » de la découverte de la trisomie 21. Dans les deux livres, densité et habileté à intriquer deux histoires, personnelle et grande.
On a continué avec des textes en lien avec le soin :
– Rencontrer Darius de Mary Dorsan, P O L, 2019. C’est le troisième livre de cette infirmière psychiatrique. Pauline travaille auprès de malades criminels.
– Marcher droit, tourner en rond d’Emmanuel Venet, 2016, éditions Verdier. Long monologue d’un personnage atteint du syndrome d’Asperger pendant l’enterrement de sa grand-mère.
– Les gratitudes de Delphine de Vigan, 2019, J.C. Lattès. « Une belle histoire, de belles rencontres en EHPAD »…
– La nuit j’écrirai des soleils
de Boris Cyrulnik, 2019, éditions Odile Jacob. Sur les écrivains résilients, Jean Genet, Jean-Paul Sartre…
et puis nous sommes partis dans plein de directions :
– La solitude Caravage d’Yannick Haenel, éditions Fayard 2019 : son rapport intime à la peinture.
– Prendre la parole d’Alexis Jenni, éditions du Sonneur, un témoignage pudique de cet auteur qui devrait venir à la librairie Au fil des pages le 14 mai.

– Gare à Lou de Jean Teulé, Julliard 2019 : « drôle ! »
– En attendant Bojangles
d’Olivier Bourdeaut, paru chez Finitude en 2016, maintenant en Folio : aimé par l’une, détesté par une autre… pour la même raison : « son côté foutraque ».

Last but not least : foutraque aussi, décalé mais là, tout le monde s’accorde positivement : L’imagier Toc-Toc d’Edouard Manceau, 2018, éditions Milan. Pour tout petits.
Prochain Chat Bleu : le jeudi 16 mai .

Chat Bleu d’avril 2019 – 1)

Nous avions le choix, pour parler livres, ce jeudi 11,
entre un Côte du Rhône rouge : un Baume de Venise, assez charnu, mais assez souple, gorgé de soleil, produit en agriculture raisonnée, vegan (c’est à dire ? demanderez-vous peut-être – nous, nous avons demandé – : filtré autrement que par du blanc d’oeuf, par exemple, par de l’argile.)
et un blanc plus minéral, un Bourgogne aligoté.
Nous avons évoqué :

 – L’université de Rebibbia de Goliarda Sapienza, paru en 1983 en Italie et en 2019 aux éditions Le Tripode : le séjour en prison de l’auteure en 1980 pour vol de bijoux. On l’y accompagne au plus près, dans les cellules ouvertes dans la journée, avec les femmes emprisonnées, Gitanes, politiques, voleuses, femmes qui veulent avorter, droguées, de milieu aisé ou plus pauvres. Toutes apprécient l’auteure et se la disputent. Elle les trouve belles. Un passage extraordinaire (p.175-181) est l’intervention d’ hommes en uniforme, d’abord pour fouiller une cellule, puis pour mater le désordre, l’effet qu’ils font à ces femmes : « … tout m’apparaît clairement : ici dedans on perd l’habitude quotidienne de l’homme, son absence physique grandit démesurément son image, rend sa force mystique. (…) dans l’expression de beaucoup d’entre elles il y a du désir pour ces hommes  tombés pour une fois au milieu de nous… »
– – — Travelling – un tour du monde sans avion 
de Christian Garcin et Tanguy Viel, 2019, J.C.Lattès : départ en porte-containers de Marseille pour New York, traversée des USA en voiture, bus, train, porte-container encore de Californie au Japon. Ferry pour la Chine. Train vers la Russie puis cars pour traverser l’Europe, passer à Auschwitz, et retrouver chacun son chez soi. Christian Garcin est un habitué des récits de voyage, pas Tanguy Viel. Garcin a déjà pratiqué l’écriture à 4 mains, pas Viel. Une réflexion sur le temps, sur la représentation qu’on a des lieux : p.76 : « Depuis longtemps New York s’est retranchée derrière son nom, comme remplie des images qu’il contient » qu’on vient vérifier plus que regarder. Et cela vaut autant pour la « Russie profonde », moins peut-être pour le Japon que la télévision a caricaturé.
Ils seront à la Galerne le 22 mai.
 Haine pour haine d’Eva Dolan, paru en Grande-Bretagne en 2015, traduit par Lise Garond chez Liana Levi. C’est le deuxième polar d’Eva Dolan en français. Le premier, maintenant en poche, a reçu le prix des lectrices Elle. C’est une histoire d’immigrés, de racisme, bien menée, avec l’inspecteur Zigic et la sergent(e) Fereira de la section des crimes de haine.