Un Camara Laye : P U N° 102

L’enfant noir, l’autobiographie de l’enfance de Camara Laye (1928-1980), parue en 1953 aux éditions Plon, reparue en 2006 dans la même maison avec une préface d’Alain Mabanckou, n’est plus trouvable qu’en poche.
Camara Laye est né en Guinée, a étudié en France, est revenu dans son pays où il a été haut-fonctionnaire sous Sekou Touré puis s’est exilé au Sénégal. Il a alors collecté des histoires auprès de griots de toute l’Afrique de l’ouest.
L’enfant noir s’arrête au moment où il part en France. Ce qui est raconté est donc la famille, le père forgeron, les pouvoirs de la mère, l’école, les cérémonies d’initiation, le rapport à la tradition, à la croyance, mélange d’animisme et d’Islam.
Le livre, à caractère anthropologique plus que littéraire, a connu un grand succès.
Un film du même nom est sorti en 1995, coproduction franco-guinéenne, réalisée par Laurent Chevallier : une adaptation re-présentée au festival Cinémondes de 2016 : non pas une reconstitution historique, mais une transcription documentaire avec des non-acteurs dont un neveu de Camara Laye qui « tient son rôle ».

– on peut voir une vidéo sur Youtube du réalisateur… il est assez désagréable…
– A noter aussi : l’article consacré à Camara Laye dans l’Encyclopedia Universalis, écrit par Jacques Jouet, où il est moyennement sympa vis-à-vis de L’enfant noir.

Quelques « poèmes express » sortis de L’enfant noir :
– A la ville, les années dévoraient les gosses.
– J’ai peur d’un mot. Celui-là ? Non, celui-ci.
– On offrit une vérité mais que la dernière année.
– Nous nous serrions, elle soupirait. Je m’esquivais.
– Un médicament va se reposer : la douleur est revenue.
– Nous nous sommes glissés dans des circonstances et nous y sommes restés.

La Pièce Unique n° 102 est offerte à Céline D, une incroyable lectrice !

Un Jean-Loup Trassard : P U N° 101

Campagnes de Russie de Jean-Loup Trassard est paru en 1989 chez Gallimard, puis  en folio mais n’est, semble-t-il, plus trouvable.

Cet auteur, né en 1933, qui se présente comme « écrivain de l’agriculture », a été une de nos nombreuses découvertes au Festival écrivains en bord de mer. Ces rencontres ont habituellement lieu autour du 14 juillet à La Baule. Sans doute, cette année, nous manqueront-elles.
Dans ce livre, Jean-Loup Trassard rend compte de 25 jours passés en Russie paysanne soviétique, sans parler russe, accompagné d’un traducteur. Il décrit et photographie des paysages, des animaux élevés, chassés, des isbas, des églises désaffectées et laides, des kolkhoziens, des repas arrosés, des fêtes cosaques, et une jolie serveuse un peu triste qu’on n’oubliera pas.

Voici quelques Poèmes Express venus de Campagnes de Russie :
– Terre poudreuse et sieste d’été dans la forêt de cinéma.
– Petits cubes de femme…transformation de produits divers en poussière.
Les écrivains régionaux en laine beige donnent le sens.
– Des vaches après consommation, en tapis.
– On ne mange pas un fossoyeur.
– Nous souffrons des petites chaussettes blanches arrêtées à mi-jambe.
– On produit du passé, on en garde un souvenir.
– Deux tracteurs soulèvent deux nuages, petites usines qui fument.

La Pièce Unique n° 101 est offerte à Jean-Pierre Suaudeau, auteur de Les forges, un roman, livre sur un lieu de mémoire ouvrière près de Saint-Nazaire, paru aux éditions Joca Seria en 2018.

Un Julio Cortazar : P U N° 100

oui, N° 100 !!!!!

Voilà dix Poèmes Express issus de

Les armes secrètes,
une merveille de livre, onze nouvelles toutes plus fabuleuses les unes que les autres, de Julio Cortazar, traduites par Laure Guille- Bataillon, parues chez Gallimard en 1963 :

Un autre corps se défendait d’un autre coup de fouet.
– Je pensais aux lions dans les tulipes.
– Sur le bristol bleu, un savon aux amandes dans du papier vert clair.
– Le lit paraissait flotter dans le vinaigre. Je plongeai dans la chambre.
– Je me rappelle du craquement. Il n’y a plus personne.
– Racontons quelque chose d’anormal, mettons-y des nuages.
– Il a du mal à entrer dans les étoiles ; il y a tant de temps dans le temps.
– Un ver luisant n’a dormi que deux heures. Il faut qu’il pense à prendre des comprimés.
– Il écarte les petites bêtes tièdes, il a peur.
– Des anges applaudissent et les gens croient tout ce qu’on dit.

Les armes secrètes, 3 livres en 1 :  l’original + 1 poème express par jour + 1 info par jour sont offerts à Sylvie B. et à Philippe G., des « compagnons de longtemps », de ceux dont on est proche même quand on ne les a pas vus depuis… eh bien ! longtemps !…

Ouest Track et nous :

Le dimanche 24 mai à 11h sur Ouest Track, et après, en podcast quand vous voulez :
Autour des livres vous parle de
Rouge pute de Perrine Le Querrec
aux éditions La contre-allée.

Ouest Track et nous :

Le dimanche 10 mai à 11h, sur Ouest Track, et après, en podcast, quand vous voulez, Autour des livres vous parle de Eloge des voyages insensés de Vassili Golovanov, traduit par Hélène Chatelain, aux éditions Verdier

200 de Franck Achard

200 de Franck Achard est paru aux éditions Vistemboir au mois de mars 2020. Un de ces livres touchés de plein fouet par le confinement, la fermeture des librairies et l’annulation des salons.
Mais au fond, ce n’est peut-être pas une atmosphère étrange pour
un monde de forêt et de village,
dans un temps inconnu,
où les personnages se nomment « Chut », « 200 », « l’Ancienne », « Neige », « 110 » ou « M’sieur Treize »,
où des malheurs terribles arrivent,
racontés dans une langue très douce.
Un monde de conte.

Un John Cowper Powys : P U N° 99

Synopsis:
‘What I’ve tried to do in this tale is to invent a group of really mad people who have the fantastic and grotesquely humorous extravagance that, afer all, is an element in life’.

So wrote John Cowper Powys himself in his prefatory note to this novel first published in 1952.

En anglais le livre est paru sous le titre de the inmates, c’est à dire « les internés » , en français, en 1976, au Seuil :la fosse aux chiens.

Nous sommes dans un asile psychiatrique tenu par le docteur Echetus qui pratique la vivisection sur les chiens. Les personnages principaux sont Tenna Sheer qui a voulu tuer son père – dont on peut se demander s’il n’a pas eu avec elle des relations incestueuses – et John Hush qui a une attirance pour les boucles des jeunes filles au point de les leur couper. Il aime Tenna pour qui « ce n’était pas n’importe quel genre d’homme ! Il était du genre inanimé. Plus une poupée qu’une personne.…(p. 47)
Le personnel est aussi étrange que les malades.
L’univers de ce livre de Cowper Powys (1872-1963) est extrêmement étonnant et on a l’impression que Powys comprend parfaitement les folies dont il rend compte.

De ce texte sont sortis des « poèmes express » :
Flot continu de hochements de tête. Conversation de ventriloque par tous ces dos.
– On avait déjà oublié la dynamite dans sa chambre.
– Sur l’oreiller protestait cet agressif de l’amour.
– Elle se mit enfin à déformer les hommes, à jouer de leurs têtes.
– Mon voisin est catholique, son regard pas.
– Une femme sur le carrelage et un groupe de mâles.

Ce livre est offert à Bernard G. amateur d’étrangetés littéraires

Voyageons ! avec Cesar Aira !

Voyageons, oui. Traversons  l’espace et le temps avec Prins de Cesar Aira, paru chez Christian Bourgois en 2019.

Cesar Aira est Argentin, né en 1949. Il est installé depuis 1967 dans le quartier de Flores à Buenos Aires.
Prins est : p. 79 : « un roman conçu comme un collage. »
Le narrateur se dit auteur de romans gothiques ( p. 91 : « …quand le Château d’Otrante avait fait sensation (…), j’ai rapidement produit à la suite Les mystères d’Udolphe, Le Moine, Melmoth dont les ventes furent millionnaires » ) : en fait, un grand voleur de textes…
Mais il en a assez, il se cherche une autre occupation. Ce sera l’opium.
Et l’opium, comme le rêve, favorise le déplacement et la condensation.
Ainsi, Alicia qui vit avec lui, est multiple : de l’étudiante « douée en ingénierie » abordée à la fac, à la femme déformée par les maternités rencontrée dans le bus 126, en passant par la servante – maîtresse.
Ainsi, la maison qu’il s’est créée, énorme. On peut s’y perdre, y cacher des cadavres.  P.126 : «  les couloirs du troisième étage  s’étiraient comme des rivières de plomb ».  Elle est aussi labyrinthique que l’université** qu’il fait visiter à Alicia une nuit d’orage.
Architecture gothique, romans gothiques, ambiance gothique : p. 131 : « L’avenue Las Haras était inondée, l’eau tombait en cascades des immeubles, de balcon en balcon, les chutes d’Iguazu en version urbaine, la violence courbait tellement les arbres que le feuillage de leurs cimes ouvrait des sillons dans le courant. Les éclairs faisaient apparaître par instants une ville couleur d’argent. Entre deux éclairs, les ténèbres. »


Mais nous sommes à Buenos Aires. Les « cartoneros » sont là et la réalité économique aussi : P. 114 :  » La panne d’électricité qui affecte un vaste secteur à l’ouest de la ville. »(…) « un incident tout ce qu’il y a de plus banal » (…) » Ce gouvernement, tout comme les précédents, a mené une politique énergétique maladroite et à courte vue. »


Ce roman est, dans sa forme, et gothique et contemporain et, même si cela n’apparaît pas ici, plein d’humour.

* * note – p. 171 : « l’un des sièges de la faculté d’ingénierie de style gothique conçu par l’architecte Arturo Prins (1877-1939) »

Ouest Track et nous :

Le 12 avril à 11h sur Ouest Track, et après, en podcast quand vous voulez,

Autour des livres vous parle de Bons Marme,
de son premier livre chez Liana Levi : Aux armes
et de … » diarrhée d’opinions « …

Voyageons ! avec Diane Meur !

Voyageons
toujours dans l’espace et le temps
avec le cinquième « roman » de Diane Meur, sorti en 2014 aux éditions Sabine Wespieser, maintenant en poche.
Si le mot « roman » est ici entre guillemets – bien qu’il apparaisse sur la couverture du livre -, c’est qu’il s’agit de quelque chose d’autre. P.143 : « Et c’est seulement en mars 2013, lors d’un bref séjour à Berlin, que j’ai compris que je n’écrirais pas le roman des Mendelssohn mais le roman vécu de ma recherche sur les Mendelssohn »…
Diane Meur part de Moses Mendelssohn (1729-1786), philosophe juif des Lumières, travaillant dans une soierie, puis nous entraîne dans quelques vies parmi les 765 descendants qu’elle a répertoriés et « cartographiés ».
P. 24 – 25 :  » Alors ce fragile projet auquel je n’étais même pas sûre de tenir, ce petit filet d’eau qui se refusait à grossir depuis cinq ou six ans, s’est soudain élargi en rivière. Puis en torrent. » (…) « ce n’était plus un torrent mais déjà un un fleuve, un fleuve assez large pour que, d’une rive, on n’en aperçoive plus l’autre. »(…)  » Et j’ai compris que ce fleuve en train de se répandre en un immense delta était gros de toute ma nostalgie de Berlin »… 

On traverse donc trois siècles.
On passe à Dessau, Dresde, Weimar, Leipzig, Hambourg, Berlin au XVIIIè siècle quand les Juifs doivent payer pour y entrer ou avoir une autorisation pour y séjourner. On passe aussi en Autriche, au Danemark quand ce pays est propriétaire d’Altona, arrondissement de Hambourg, en Angleterre au XIX ème siècle, quand Félix Mendelssohn y est une star, au XXème siècle, un peu partout, quand les Mendelssohn se sauvent du nazisme ou meurent pour lui.
On croise Lessing, Goethe, Schlegel et, ami de Diane Meur, Jacques Lederer. La carte des Mendelssohn  nous parle du religieux, de l’humain, de ses manières de survivre et des mouvements de société. Un grand voyage !