Un vin, des livres – juin 2025 – 2)

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Comme nous étions juste après le Polar à la plage
et que ce sont bientôt les vacances,
pas mal d’entre vous ont évoqué des « Polars ».
Et cela a amené une discussion sur
ce qu’il est « bien » d’écrire
et ce qui pose problème
parce que trop dur, voire insoutenable.
– Caryl Ferey était l’auteur cité comme posant typiquement ce problème.
Or, Ferey parle du monde, des maux du monde. Il voyage, reste longtemps dans un pays, se documente et raconte ce que nous n’avons pas vu mais qui a existé.
Pas seulement des histoires de petites frappes, de tueurs en série mais des histoires en lien avec la politique, l’Histoire d’un pays. Il l’a fait entre autres en Afrique du Sud avec l’apartheid, en Amérique latine avec les dictatures militaires.
J’ai tendance à penser qu’il apporte l’Histoire à des gens qui ne la liraient pas dans un texte plus sérieux, académique.
Cette fois, le Caryl Ferey Grindadrâp, sorti en 2025 dans la Série noire, parle d’écologie, de chasse à la baleine, vue comme tradition ou comme horreur. On est aux îles Féroé, dans la tempête avec le zodiaque de sea shepherd comme si on y était.
– Peter Swanson, ceux qu’on tue, éditions Gallmeister, collection de poche Totem est aussi du très très noir, mais plein d’humour.
– Chris Whitaker : Duchesse, éditions Sonatine, 2022, traduction de Julie Sibony, entre dans les cases policier social, d’enquête, et de procès. Des jeunes sont ensemble et arrive un événement… « Noir de chez noir, atroce » dit V.
_ R. J. Ellory : Everglades, Sonatine, 2025, traduit par Etienne Gomez : histoire d’un shérif qui devient gardien de prison en Floride, d’une évasion du couloir de la mort.
 » oppressant, hyper-dur »
– Thomas H Cook : un thriller plutôt politique de 2015 : Le crime de Julian Wells, Le Seuil. Traduit par Ph. Loubat-Delfranc,
mais le polar n’est pas que « hard » :
Il peut être historique et politique comme 
– La vierge et le taureau 
de Jean Meckert / Amila, éditions Joëlle Losfeld qui rééditent tout de lui : sur la Polynésie, les essais nucléaires. Cela vaudra en 1972 à Meckert d’être agressé, et au livre d’être raflé par les services spéciaux.
« Son grand oeuvre » dit A « c’est Les coups », son premier livre paru en 1942, maintenant chez Folio.
 » Le boucher des Hurlus est republié par une petite maison d’édition : Ronces, avec les illustrations de Saint Molotov »
Le polar peut être drôle, voire un peu dingue :
– Piergiorgio Pulixi : La librairie des chats noirs, 2d. Gallmeister, 2024, traduit de l’italien par Anatole Pons-Reumaux : « bien fait », dit V.
– Chester Himes : La reine des pommes, maintenant en Folio. Cet Africain-Américain né dans le Missouri, venu à Paris est engagé en 1958 par Marcel Duhamel, dans la première Série noire. « C’est rocambolesque, on rit vraiment » dit D.
– Yann Bécu : Les bras de Morphée, d’abord paru chez H S N, maintenant en Pocket : « complètement décalé » dit D, « jubilatoire » dit A. Ses récits sont assez complexes, pas du genre polar pur. On est sous une dictature, le héros est enseignant à Prague (ce qu’est Yann Bécu… venu au festival du Polar à la plage). Il faut agir vite, sur les heures d’éveil…
Et si vous manquez encore d’idées : Libé a sorti un hors-série : Les sept familles du Polar.

Mais vous n’avez pas lu que cela et il y en a même qui n’aiment pas ça… Un 3ème volet de Un vin des livres de juin est donc nécessaire…

Un Blaise Cendrars : P U N° 231

Hollywood la Mecque du cinéma avec «  29 dessins pris sur le vif » de Jean Guérin, paru chez Grasset en 1936, reparu en poche en collection Ramsay : un reportage commandé à Cendrars par le journal Paris Soir, est la Pièce Unique N° 231
Comme Joseph Kessel, à peu près au même moment, il nous emmène dans un Hollywood beaucoup moins glamour que prévu :
– une ville séparée du monde par des murs qui rejettent les « migrants » – déjà – même de l’intérieur, venant d’autres états américains.
– une industrie qui fait du scénario au km et respecte peu le travail des auteurs.
– le plagiat comme fonctionnement.
– le fait que « si derrière chaque star se cache son maquilleur, l’expert en sex-appeal qui lui a décerné sa « charte de beauté » (….) qui a fixé son type, qui est le véritable auteur de ce visage immuable qu’elle porte à l’écran (…) une marque de fabrique qui lui donne sa valeur commerciale et lui assure des revenus fantastiques tant que cette marque, soutenue par une publicité folle, est populaire, à gauche et à droite de chaque star se dissimulent deux autres hommes sans lesquels elle ne serait pas : l’agent qui l’a lancée et le chasseur de stars, le « talent scout » qui l’a découverte. » : l’artifice, l’artificiel et l’argent bien, bien au-dessus de l’art.

A noter, les dessins de Jean Guérin, très enlevés, joyeux, qui donnent envie de garder le livre. Quand on cherche son nom sur le net, on ne trouve pas grand chose. Eventuellement des dates : 1903-1966.
Ils m’ont un peu fait penser aux dessins de Delphine Brétesché (1972-2021), aussi autrice et performeuse.

Quelques « Poèmes Express » qui « sortent » de ce livre :
– L’assassinat est de tous les « cocktail party » et est beau comme un tuba.
– Fatalement absurde, la vieille claudicante et périmée.
– Dans des bottes éculées les ingénieurs pour équiper les statisticiens vaniteux.
– Je jetai un coup d’oeil : vieilles filles, petit chien, pelote de laine furtive.
– Pour éviter d’être, je copie.
– L’idée change. S’épluche, gonfle.
– On émigre. Nouveaux principes. Convulsions politiques.

 

Un vin, des livres – juin 2025 – 1)

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A l’Aub’art, cette fois… en pleine chaleur :
je voulais nous emmener en Amérique du Nord,
… surtout aux USA… tiens donc, pourquoi ?…
avec  deux livres d’Africains-Américains :
1) un essai de Ta-Nehisi CoatesEntre le monde et moi – lettre à mon fils : de 2015, retraduit par Karine Lalechère, avec une préface inédite de l’auteur, ed Autrement 2024.
Il était venu alors aux Matins de France-Culture de Guillaume Erner, et passé à la Maison de la Poésie de Paris.
Il est question de la peur liée au racisme d’hier, et d’aujourd’hui, de là-bas et d’ici. Le point de départ de l’écriture est la mort violente d’un ami, certes noir mais très riche et cultivé.
(P 148-149) : « ...si je ne t’ai jamais parlé avec la même force et la même clarté, je reconnais  que c’est parce que j’ai peur. Je n’ai aucun dieu vers qui me tourner. Je crois que, lorsqu’ils détruisent le corps, ils détruisent tout. (…) L’anéantissement du corps. Le dragon qui poussait les adolescents que j’ai connus autrefois à des fanfaronnades exubérantes pour affirmer qu’ils étaient les seuls maîtres de leur vie. L’anéantissement du corps. Le démon qui incite les survivants de la classe moyenne noire à se retrancher derrière une passivité agressive, à ne pas hausser la voix en public, à être toujours poli, à ne pas sortir les mains de ses poches, une attitude qui semble clamer : » je ne fais pas de geste brusque. » L’anéantissement du corps. Le serpent de ma scolarité, exigeant que j’en fasse deux fois plus pour réussir, alors que je n’étais qu’un petit garçon. »
2) un roman de 2021 du GRAND Percival Everett, Actes sud 2024, trouvable en Babel noir. Traduction de Anne-Laure Tissut, professeur de littérature américaine à l’université de Rouen. Elle le traduit depuis 2004, année de la parution de son premier livre en France, Effacement.
Le prochain texte d’Everett, James, prix Pulitzer de la fiction 2025 devrait sortir le 22 août chez L’Olivier.
Ce Châtiment est drôle, dingue, noir et politique. Des blancs sont tués et, à chaque fois, près d’eux, on retrouve le même cadavre qui ressemble à Emmett Till, un jeune garçon noir lynché dans l’état du Mississippi en 1955. Les policiers blancs y perdent leur latin, les flics fédéraux noirs ne sont pas les bienvenus mais plus efficaces. de nombreux noms sont listés, de la page 219 à la page 229, d’hommes noirs, vraies victimes du racisme historique.
Trump est aussi dans le livre. Trump I, mais déjà « logorrhéique ».

Québec, maintenant avec : Atome 33, enquête du journaliste Grégoire Osoha, éditions Marchialy 2025 : sur une fonderie, dans la ville de Rouyn-Noranda qui apporte tout (sport, culture, etc) à la communauté mais détruit la santé par un taux d’arsenic défiant tout entendement.
L’usine est coupable mais le gouvernement, les politiciens aussi, par leur lenteur, leurs réponses insuffisantes, voire scandaleuses – comme à Fukushima où on vous responsabilise avec des compteurs geiger. et des conseils de « gestes simples « – Immoralité totale !

Vous étiez nombreux. A bientôt ici pour dire tout ce dont il a été question.
Et d’autres infos/avis sur des bouquins, des expos…
Prochain Un vin des livres en septembre

Polar à la plage 2025 – ambiance festive !

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La 22ème édition du festival a eu lieu du 10 au 15 juin.
De bons moments !
Une belle ambiance !
Beaucoup de monde !
Comme d’hab !
Avec,
mardi, à la médiathèque Oscar Niemeyer, « l’arpentage » du livre d’Elisa Vix qui a super bien marché.
Mercredi, toujours à Oscar Niemeyer, au Tribunal des flagrants des livres, nous avons défendu les romans des auteurs. Quant à moi, je plaidais pour Frakas de Thomas Cantaloube, en Folio.
Maintenant on peut bien vous le dire, il y a eu débat, pour le prix des Ancres noires, entre Frakas, justement, et le thriller de Roxanne Bouchard Le murmure des Hakapiks, éditions de l’Aube.
Au Pôle Simone Veil, jeudi matin, un super atelier d’écriture de 2h30 avec 10 « écrivant.e.s », mené par  l’auteur David Coulon qui a proposé des consignes amusantes, « dé-grippantes » qui ont porté tout le monde.
A la plage, sous chapiteau, samedi et dimanche, des signatures, des rencontres, et la remise des prix aux élèves (du Havre, de Fécamp, d’Epouville, de Barentin…) qui avaient travaillé à partir d’une accroche, avec des enseignants investis.
Une conférence très rafraîchissante de l’auteure québécoise, Prix des Ancres noires 2025 : Roxanne Bouchard.

Juste un regret   personnel :
la perte de deux éléments qui contribuaient à la spécificité du festival au niveau national :
– des textes de chansons des auteurs du noir invités, mis en musique par des groupes locaux  de rock, reggae, funk… – d’autant que nous avions une conférence sur le rock par Jean-Noël Levavasseur dimanche – mais bien sûr, l’enregistrement en studio est un gouffre pour un budget.  
– qu’on ( Lia) ne nous prête plus un bus pour le week-end. Il nous permettait de transporter les auteurs, d’avoir un lieu typique, vitrine de la ville, complètement insolite pour les conférences…

Les auteur.e.s – habitué.e.s des festivals un peu partout en France – ont, comme toujours, été heureux de se retrouver en bord de mer, ont admiré la plage et plus largement Le Havre.

polar à la plage 2025 – la semaine prochaine

ALORS,
– Lecture – arpentage d’Elle le gibier d’Elisa Vix à la médiathèque Oscar Niemeyer mardi10 à 15h.
– Tribunal des flagrants des livres,  mercredi 11 à 18h30, au même endroit.
– Atelier d’écriture avec David Coulon , jeudi 12 à 10h au pôle Simone Veil.

Et puis, après, c’est sur la digue promenade, avec les auteurs, samedi 14 à partir de 14h et dimanche 15 dès 10h. Rencontres, conférences, slam, théâtre de rue

VENEZ !

Et pour plus d’infos sur le festival, sur certains auteurs : Thomas Cantaloube, Gwenael Bulteau par exemple, écoutez le podcast !