ça va ? ça va …

Dans ça va ? ça va…, on trouve des textes de ficition ( et nous en reparlerons ) mais aussi  des « relevés », des informations choisies par Marthe Cahèbe.  Marthe Cahèbe qui reprend à son compte cette citation du poète objectiviste américain Charles Reznikoff :

« Je vois une chose, elle m’émeut, je la transcris comme je la vois. Je m’abstiens de tout commentaire dans ma façon d’en parler. Si j’ai bien décrit la chose, il pourra y avoir quelqu’un pour être ému à son tour, mais aussi quelqu’un pour dire : Mais Bon Dieu, qu’est-ce que c’est que ça ? Peut-être les deux auront-ils raison. »

 

Un Zahia Rahmani : P U N° 128

Moze, paru en 2003 puis en 2016 en poche, chez Sabine Wespieser, est le premier ouvrage de Zahia Rahmani. D’autres suivent :  France. Récit  d’une enfance (2006), « Musulman » roman (2005). Tous prennent appui sur la vie de sa famille, victime de la grande Histoire : le père harki, emprisonné 5 ans en Algérie, peut venir en France en 1967. Ils vivent dans un camp. Ce que cela fait à cet homme, à sa femme, à ses enfants. Un beau travail d’écriture, entre prose et poésie. Une colère contre les états, français comme algérien, et contre le père, si abimé qu’il se suicide en 1991.

Quelques « Poèmes express » qui viennent de ce livre :
– Tué par rien. Mort leurre.
– Nous sommes des barbelés, hommes dehors, femmes à l’intérieur.
– Le prix a été négocié ; il a présenté sa douleur et on a ajouté sa honte.
– Vous manquez de père à lire.
– La technique des mères est faite de l’idiotie de l’enfant.
– Un grand drap blanc épuise le drap rouge.
– Temps de pagaille, excès de foulards, enfance qui 
coule.

La Pièce Unique N° 128 est offerte à Frédéric Forte, membre de l’Oulipo, rencontré brièvement à Pirouésie, actuel directeur du Master de Création Littéraire du Havre et auteur chez P O L  ( en 2021 : Nous allons perdre deux minutes de lumière )

ça va ? ça va… : il est arrivé… alors, ça va

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Le petit nouveau de Rue du Départ est arrivé..
Plus bordeaux ou prune ou lie de vin que cerise, mais ça ( lui ) va ( bien ). Et ça ne veut pas dire qu’il y a à boire et à manger dedans.
« ça va ? » : une question qu’on ne pose pas vraiment.
 » ça va » : une réponse qu’on n’attend pas vraiment. Ou plutôt si. Il vaut mieux que vous ne vous mettiez pas à raconter tout ce qui, réellement, ne va pas.
Un échange qui n’en est pas un, dit une amie allemande qui s’en énerve. Un « wie geht es ihnen ? » est une vraie question qui, elle, attend une vraie réponse. Un peu d’attention, quoi ! De l’empathie. Un partage. Pas un glissement vers autre chose. Pas une politesse de surface.

Donc,  ça va ? ça va… est là : petites histoires, micro-nouvelles, réflexions courtes, anecdotes sur un état du monde ou de soi. Pas plombant. On s’en amuse aussi.

Un Cheikh Hamidou Kane : P U N° 127

L’aventure ambiguë de Cheikh Hamidou Kane, paru en 1961 chez Julliard a obtenu le Prix de Littérature d’Afrique noire en 1962.
C’est LE grand livre de ce Peul, croyant, né en 1928 au Sénégal, qui fut haut-fonctionnaire, ministre sous deux présidents différents.
L’aventure ambiguë est né entre autres de sa propre vie.  Enfant, comme le personnage de Samba Diallo, il a d’abord été à l’école coranique, puis à l’école des colons. Le roman parle de la culture qu’on altère en prenant celle de l’autre. Il pose le problème : peut-être se divise-t-on, se perd-on en apprenant du Blanc, peut-être (se) trahit-on. Un beau sujet, d’autant plus important qu’il était traité avant l’indépendance.

Quelques Poèmes Express nés de ce livre :
– Craquement, soupir, gémissements et ton bruit collé à la terre.
– Ceux qui étaient sans semblable, on les laissa approcher.

– Apprenez l’extérieur, tragédie à portée de main.
– Mouvement commencé, mouvement achevé. Elle se berce.
– De l’oeil, le regard se dérobe.
– Je n’ose pas, jamais. Mais je n’ai pas peur, de rien.
– Philosopher ensable.

La Pièce Unique n° 127 est envoyée à Guillaume Richez de la revue en ligne et sonore (littérature, poésie, théâtre, polar, mauvais genre) Les Imposteurs. Il y prête sa voix aux textes.

ça va ? ça va… la préface :

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cracked road concrete close up

Un livre contient une histoire, évidemment, au moins une.

Mais un livre vient aussi d’une histoire, au moins une.
Ce livre contient plein d’histoires
et est né de deux histoires.
Celle de Trace2mains : un atelier d’écriture composé de plus d’hommes que de femmes – c’est assez rare pour le noter -, créé autour de Francis Pedu, personnage attachant, auteur d’un recueil de haïkus, aujourd’hui décédé mais toujours vivant dans la mémoire du groupe.
Une rencontre mensuelle. Un bon repas. De bons vins. De bons copains. Tous branchés arts. L’un d’entre eux anime, pas toujours le même.
Voilà ce qui a amené ce petit livre : le sujet de » la catastrophe pour vous », donné après lecture d’extraits des derniers livres de Gaëlle Obiegly, Une chose sérieuse et Olivia Rosenthal, L’éloge des bâtards aux éditions Verticales.
La deuxième histoire est un voyage à Marseille, la visite du FRAC et l’achat de deux micro-livres d’art de Stéphane Le Mercier pour leur humour. Au retour, la recherche de ses travaux sur le net, la trouvaille du « Timbre Walser », un de ses multiples.
Ici reproduit, il évoque lui aussi une catastrophe : la mort dans la neige de l’écrivain suisse allemand Robert Walser, interné pendant des années.

Collection « Voyageur » :

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Il est chez l’imprimeur

et ça va ! Si si, ça va

 

Pierre Mabille et la P U N° 125 :

merci Catherine!!!!!! je découvre votre technique de parole poétique (et en + on est au n°125! wao!! en fait je découvre une oeuvre…!) je suis impressionné : c’est faire partager une lecture, une écriture + une revue de presse et le tout est à la fois organisé et en dérive (un produit dérivant?) pour moi expérience unique – compil de livre objet lettre manuscrite journal de bord collage en 3 et même 4 dimensions-et j’adore aussi l’idée un peu « de particulier à particulier » vos livres uniques et pluriels qui s’éparpillent dans le monde j’imagine vers des personnes choisies, c’est genial… en + vos cut up (ou stabil-up?) sont toujours inattendus et produisent une vraie complicité (et comme la fabrique est visible on voit aussi vos choix singuliers) parfois ils sont de vrais haikus j’éspère que vous les gardez en archives? (quand on les isole ils changent mais ils me plaisent aussi le hasard fait bien les choses quand on l’apprivoise) et j’ai remarqué que certains verso des collages d’articles ou d’images sont aussi bonnes surprises (un travail soigné!!) en tous cas bravo et surtout merci beaucoup!!!

Faux Chat Bleu 2/3

Cette fois, on a vu des récits de l’intime :
– Les singes rouges de Philippe Annocque, 2020, éditions Quidaml’auteur, aussi enseignant en lettres, a jusque là publié des romans chez ce même éditeur. Il écrit cette fois un texte sur sa mère guyano-martiniquaise, son enfance, son identité. « Elle avait changé de pays. On a changé son prénom. Sans lui demander son avis. » Il parle de couleur de peau, de norme, de racisme (des soeurs blanches, d’une professeur noire). Et évidemment en évoquant sa mère, il se dit aussi ( p 127) : Quand on lui demande de quoi parlent ses livres, maintenant il répond « d’identité ». Au début il disait « mauvaise conscience ». Maintenant il dit « d’identité ». »

– Aux éditions du sous-sol, parus en 2021, deux textes, tête bêche : Jane, un meurtre et Une partie rouge de Maggie Nelson. Traductions de Céline Leroy et Julia Deck. Les deux tournent autour de la mort par assassinat d’une tante que l’auteure n’a pas connue. L’un est une « enquête poétique » à partir du journal de Jane, l’autre est une suite de ce  « cold case », le procès de l’assassin éventuel, trente ans plus tard. Morte dans les années 60, Jane « était une progressiste » dans une famille qui ne l’était pas… »Elle cherchait à s’assurer que les étudiants noirs obtiennent ce qu’ils voulaient »… »était farouchement contre la guerre. », allait épouser un juif.
Maggie Nelson montre à travers ses grands-parents une Amérique pleine de certitudes, à travers ses parents une Amérique qui les a perdues. Perte de repères qui se poursuit actuellement. Ce qu’elle dit et de la justice et de la presse fait froid dans le dos : p188 : une interview d’elle à cause du procès et du premier livre : « Elle me dit de ne pas m’inquiéter – ils ne me filmeraient pas si je n’étais pas jolie. C’est du prime time, précise-t-elle avec un clin d’oeil. Pas de noirs, pas de mauvaises dentitions. »

– Dans Ilona, ma vie avec le poète, traduit du slovaque par Barbora Faure, aux éditions Do, 2019, Jana Juranova donne la parole à Ilona, l’épouse de Pavol Orszagh Hviezdoslav (1849-1921), poète vénéré en Slovaquie. Cet homme de plume n’a JAMAIS mentionné sa femme dans AUCUN de ses textes. Sa mère, oui, sa soeur, oui – peut-être parce qu’elles étaient mortes – mais pas Ilona qui lui a survécu onze ans et qui a passé sa vie à s’occuper de son bien-être.
Jana Juranova parle d’un temps où les femmes n’étaient qu’épouses et mères. Elle évoque pourtant une poétesse, connue sous le pseudonyme de Timrava (1867-1951), nom qu’elle s’était choisi, ni celui d’un père ni celui d’un mari. Cette femme avait vécu un temps dans la même ville que le couple, à Dolny Kubin, mais ils ne s’étaient pas fréquentés. Le mari d’Ilona voyage sans elle malgré l’envie qu’elle a exprimée de l’accompagner. A une jeune fille qui aimerait peindre, il parle des tableaux qu’il a vus et dit que « la broderie est une bonne activité pour une jeune fille, elle développe sa patience »… Une merveille de vision masculine…datée bien sûr…

Trois super livres dans trois belles maisons.

Un Robert Goolrick : P U N° 126

Ainsi passe la gloire du monde a été écrit pour la France. Paru en 2019, aux éditions Anne Carrière, le livre est le dernier élément d’une trilogie d’auto fiction. Tous les textes de Robert Goolrick sont traduits par Marie de Prémonville.

Cet auteur américain, né en Virginie en 1948, écrit là un vigoureux exercice de style sur Trump et les Républicains, alors qu’ils sont au pouvoir. Il a brièvement côtoyé Trump, a bien connu  les Républicains du temps de sa splendeur, lorsqu’ il était trader.

 

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Voilà quelques Poèmes Express venus de ce dernier Goolrick :

– En dépit de la certitude qu’il n’y aura pas d’après, le pays rêve de cercueil avec lampe.
– Le blanc de petits moutons glisse vers le bord du précipice.
– Les femmes se décolorent elles-mêmes, remplies de gamins.
– Il avait un père : un petit tas bien rangé.
– Sur le tabouret, lunettes en écaille et robe à 
smocks. Biscuits sur une table.
– Assez rare, l’amputé-Dieu.
– En coton frais et cachemire abandonné.

Cette Pièce Unique N° 126 est envoyée à Valérie Schmitt, une des chevilles ouvrières de Normandie Livre et Lecture. On la retrouve avec plaisir quand les salons comme Livres Paris, Epoque à Caen, sont en présentiel…