Autour des livres dans Viva Culture, le dimanche 19 janvier, à 11 h et après, en podcast, vous parle de Sandra Laugier et des séries, à la suite du 5ème colloque sur les séries au Havre.
Archives de l’auteur : Catherine
Un Norbert Elias : P U N° 95
Norbert Elias (1897-1990) , on est d’accord, n’est pas un auteur de fiction, mais un sociologue-historien dont l’ouvrage majeur est Uber den Prozess der Zivilisation.
Né en Allemagne, il en part en 1935, enseigne et vit en Angleterre jusqu’en 1975, s’installe ensuite à Amsterdam.
Le livre qui a donné ces Poèmes Express est La solitude des mourants, paru chez Suhrkamp en 1982 et en France, chez Bourgois, en 1985. Comme l’indique le titre, on isole les hommes à ce moment de leur vie. Et le XXème siècle – et sans doute le XXIème – le fait beaucoup plus que d’autres temps. Elias évoque aussi les personnes âgées
parquées dans les Ehpad.
Quelques Poèmes Express :
– Les clients à l’animalité voudraient jouer.
– Des productions paraissent avoir un sens. Mais non. (*)
– On rencontre les morts dans des couches de vécu magiques.
– Elle perd une personne. Il cherche une personne.
– Contrôler le stock dont dispose la mort la soulage.
– Les médecins sont rigides et les mourantes le savent.
Cette Pièce Unique a été envoyée à l’auteur et énorme lecteur, François Bon. Il en a accusé réception : » Merci, mais ce n’est pas mon univers. ». J’entends (*) et le remercie également d’avoir répondu.
(source de la photo : www.norberteliasfoundation.nl)
Chat bleu : décembre 2019 -2)
On a aussi évoqué :
– 8 livres courts, choisis par Terres de paroles, sur le thème de l’amour. Quelques uns, ici , y participent : … la sélection crée ….peu d’enthousiasme …
– peu d’enthousiasme aussi pour le dernier James Ellroy …
Mais on n’a pas toujours été aussi désagréables et on a été séduits par des livres (très divers) :
dont des dictionnaires ! :
– Dictionnaire des mots rares et précieux, collectif, 2004, chez 10-18. Le plaisir des mots comme dans A rebours de Huysmans.
– Trouver le mot juste de Paul Rouaix, chez Armand Colin, maintenant au Livre de poche, où les idées sont suggérées par les mots. Ouvrage très utilisé par Colette.
– L’anthologie de la poésie française de Georges Pompidou, 1961.
des romans évidemment :
– Il reste la poussière de Sandrine Collette, Denoël , 2016 : une écriture ! On est au début du XXème siècle en Patagonie, dans un petit domaine tenu par une mère veuve, terrible, et ses fils. Le plus jeune, victime des autres, se réfugie dans le travail et auprès de son cheval. C’est dur mais se finit sur une ouverture.
– Vera Kaplan de Laurent Sagalovitsch, Buchet-Chastel, 2016 : On est en Allemagne pendant la guerre et à Tel-Aviv vingt ans plus tard. Vera est juive et elle aide les Nazis à piéger d’autres Juifs. On voit comment elle le vit et comment elle le paie.
– des Jean Echenoz pour son humour et son style, évidemment, chez Minuit : Envoyée spéciale, paru en 2016 et, à paraître dans deux jours, le 3 janvier 2020 : Vie de Gérard Fulmar.
– des Virginie Grimaldi, chez Fayard : Le reste de ma vie, et Il est grand temps de ranimer les étoiles qui fonctionnent sur le même système mais sont très agréables.
– des Françoise Bourdon, aux Presses de la Cité :La fontaine aux violettes, et La maison du cap : plusieurs générations de femmes, leur ascension sociale de la fin du XIXè à la seconde guerre mondiale.
– Par les routes de Sylvain Prudhomme, Gallimard, 2019 : un homme fait de l’autostop et des rencontres.
– un document : Idiss de Robert Badinter, Fayard, 2018, maintenant au Livre de poche. Il y évoque sa grand-mère. Regardez donc La Grande Librairie où il en parle. C’est très beau !
BONNE ANNEE 2020 ! Lisez bien !
Rendez-vous au Chat Bleu le 9 janvier !
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Chat bleu : décembre 2019 – 1)
D’abord, les prochaines dates :
– 9 janvier
– 6 février
– 5 mars
Le Chat bleu, en décembre, nous recevait avec du Pinot noir d’Alsace du producteur Jean-Baptiste Adam, d’une famille de vignerons depuis deux siècles.
Le rouge, typique du Pinot, au tanin assez soyeux, dans le fruit mais pas trop. Le blanc, en bio, sec mais fruité, vif en bouche, découverte de l’année pour Nsenga.
Ces vins accompagnaient :
– Autour de mon cou, recueil de 12 nouvelles de Chimamanda Ngozi Adichie, traduit par Mona de Pracontal, paru en 2013 chez Gallimard, trouvable en Folio.
Des histoires mêlant Afrique et USA. Un ton sec. Peu de sentiments, des faits. Les personnages sont souvent des femmes, très fortes dans leur détachement face à des situations qui permettraient le pathos : de l’épouse nigériane vivant dans une banlieue chic américaine, seule avec les enfants, qui apprend que son mari a une jeune maîtresse au Nigéria, à la jeune fille aisée cachée pendant une émeute, en passant par l’écrivaine en résidence d’auteurs noirs créée par un Blanc qui critique leur production. Ces nouvelles nous donnent une vision différente de l’Afrique, montrée surtout du côté des nantis ou des intellectuels.
– Mon histoire avec Robert de Patrice Robin, P O L, 2019 :
Un livre d’admiration pour le Robert du titre, le cinéaste américain Robert Kramer. Mort en 1999, ce documentariste est/était plus apprécié par les Français que par ses compatriotes pour lesquels il était un peu trop engagé, par exemple, contre la guerre du Vietnam.
Mon histoire avec Robert est aussi un livre autobiographique : Patrice Robin est un peu l’ Annie Ernaux masculin : parents petits commerçants dans une bourgade, il est devenu écrivain. Il a entre autres vécu au Havre où il a été animateur à la Maison de la Culture.
– Une enquête au pays de Driss Chraïbi, édition du Seuil, 1981, en Point poche.
Driss Chraïbi (1926-2007) a écrit à partir de 1954 mais n’a commencé à écrire des « polars » qu’en 1981. Celui-ci est le premier avec le personnage récurrent de l’inspecteur Ali qui est un Scapin marocain. Et c’est jouissif !
Un Gianni Celati : P.U. N° 94
Aventures en Afrique de Gianni Celati, paru en Italie en 1998, traduit par Pascaline Nicou, est sorti aux éditions du Serpent à plumes en 2002.
Gianni Celati, traducteur et universitaire, voyage en 1997 avec l’ethnologue et Oulipien italien Jean Talon : Mali, Sénégal, Mauritanie. Le point de départ est un projet de documentaire. Le projet change de sujet tout au long du voyage et ne verra jamais le jour. Gianni Celati tient le journal du voyage au plus près de ce qui se passe : du bus qui doit se remplir à ras bord avant de partir, à la façon d’être des hommes vis-à-vis des femmes dans les transports, en passant par les jeunes hommes insistants qui se présentent comme guide ou taxi, les vendeurs de tout qui ne s’avouent jamais vaincus ou les hôtels pour blancs.
Le Serpent à plumes, créé sous forme de revue en 1988, était devenu maison d’édition en 1993. Repris en 2004, il a été placé en cessation d’activité fin 2018 après avoir été intégré au groupe La Martinière …
Voilà quelques poèmes express issus de la Pièce Unique N°94 :
– Le profil se laisse aller quand la tête a beaucoup de plaisir.
– Asphalte sans asphalte, l’énorme terrain de golf au bord du Niger.
– Devant la station-service, un type se lave les turbans.
– Je resterais dans les rues de sable, lézard tout terrain.
– L’aube devient digne des aventures d’une carte de crédit.
– Ce matin, j’avais la tête ailleurs. Vers midi, je suis rempli de terre.
– La vie passe avec un bruit doux. Horizon plat. Dîner dehors.
– Aujourd’hui, c’est moi qui fais le fantôme.
La Pièce Unique N° 94 est offerte à madame M. qui a traversé les continents avant de s’installer à Bruxelles où elle continue à peindre.
Un Driss Chraïbi : P.U N°93
Une enquête au pays, de Driss Chraïbi (1926-2007).
Né au Maroc, élevé dans une société bourgeoise, Driss Chraïbi étudie et vit en France. Son premier roman sort en 1954 : Le passé simple. Le livre, une fausse autobiographie, fait scandale : « J’avais brisé le tabou : j’avais parlé en mon nom , pas au nom de la tribu. »
A partir de 1981, jusqu’en 2004, il écrit des romans policiers avec un personnage récurrent, l’inspecteur Ali. Une enquête au pays est le premier de cette série. Le personnage de l’inspecteur est un Scapin marocain avec un chef prétentieux et odieux dans un Maroc d’après le protectorat qui veut vivre à l’occidentale en ville et qui se meurt ailleurs. C’est drôle, jouissif et, comme tous les bons romans noirs, c’est bien plus que ça : une radiographie du pays.
Voilà quelques « Poèmes express » nés de ce texte :
– Un inspecteur incapable, ça existe ! Cervelle vide…avec piscine.
– Il est simple de réfléchir : le crâne renifle.
– Partir de rien. Tomber dès le début. Pas comme 007.
– La télévision tendait à remplacer les yeux.
– Allah et le prophète détournaient la tête. Adam et Eve traînaient et les siècles étaient.
– Le son d’une déchirure. Un cri et s’allonger.
– Le plus dur avait été d’entrer dans la tête des mots.
Cette Pièce Unique N° 93 a été offerte à Serge Portelli, venu parler de son livre aux éditions du Sonneur, Qui suis-je pour juger l’autre ? Un homme et un texte pleins d’humanité pour une justice plus juste.
Ouest Track et nous – en décembre 2019
Sur Edgar Degas : P U N° 92
La Pièce Unique n° 92 n’est pas d’un auteur mais sur un peintre : Edgar Degas (1834-1917).
Le petit livre des éditions Mille et une nuits, paru en 2012, est une compilation de textes sur lui et de lui. Peintre, dessinateur, graveur, sculpteur, photographe, fils de banquier, victime de krachs boursiers, collectionneur, solitaire, grinçant, antisémite : un homme dans toutes ses (im)perfections.
Dans cet ensemble de textes, on remarque l’écriture inventive de Félix Fénéon à l’occasion de la VIIIè exposition impressionniste, à propos des femmes représentées par Degas : « Des femmes emplissent de leur accroupissement cucurbitant la coque des tubs : (…) en une torsion qui la fait virante » (…) dégageant des seins en virgouleuses ».
On s’amuse aussi de l’humour vachard de Degas :
par exemple sur Cabanel : « Si vous montriez à Raphaël un Daumier, il l’admirerait. Si vous lui montriez un Cabanel, il dirait avec un soupir : « ça, c’est ma faute. »
Voilà quelques Poèmes Express qui sont issus de ce livre :
– Bras trop longs de jockeys dans des paysages nus.
– La vie en cire épate la mort.
– Un petit notaire n’aime pas qu’un petit notaire bande.
– Descendant de sa gondole, en deuil, elle pleure.
– Le peintre veut ses noirs !…
– La femme qui fuit, lit.
Cette Pièce Unique est offerte à Eric Enjalbert, grand dessinateur, photographe, maquettiste, passionné par son métier, perfectionniste, sans qui les éditions Rue du Départ n’auraient jamais pu exister !
Chat bleu : novembre 2019 – 2)
Avec le Julienas, nous avons évoqué d’autres livres que ceux de Santiago Amigorena :
– La couturière de Frances de Pontes Peebles, traduit de l’anglais par Martine Leroy- Batistelli. Le livre sorti en 2008 aux USA y a reçu le prix Elle. On le trouve maintenant en poche, collection Points.
Cette auteure née dans le Nordeste brésilien, vit aux USA.
La couturière parle de deux soeurs dans les années 1930 au Brésil. L’une est enlevée par des « congaceros », des bandits qui exercent la terreur. Les vies séparées et extrêmement différentes de ces femmes.
– Virginia d’Emmanuelle Favier, Albin Michel, 2019 : une biographie subjective, les vingt premières années de Virginia Woolf, l’émergence de l’écriture. Emmanuelle Favier utilise le « nous« . C’est le regard de quelqu’un, maintenant, sur cette écrivaine.
– La beauté des jours de Claudie Gallay, en poche chez Babel : une femme qu’on croirait banale, 45 ans, postière, est une fan de la plasticienne Marina Abramovic qui engage son corps et son existence même dans son travail.
– La chambre des merveilles de Julien Sandrel, un premier roman à 37 ans, chez Calmann-Lévy, 2018 : Un enfant accidenté est plongé dans un coma profond. Sa mère trouve son journal, vit ses envies et vient lui raconter.
– La passagère du silence, texte autobiographique de Fabienne Verdier, paru en 2003, trouvable en Livre de Poche : une jeune fille de 16 ans, peintre, part en Chine et suit des cours de calligraphie. En ce moment, à Aix en Provence, on peut voir une exposition de Fabienne Verdier.
– Errance d’Inio Assano, traduit par Thibaud Dosbief, aux éditions Made in : un mangaka entre deux livres. Tout se délite. « super bien », dit F. pour qui c’était le premier manga.
Nous sommes aussi revenus sur des livres déjà appréciés :
– Tropique de la violence de Nathacha Appanah, 2016, maintenant en Folio.
– Une année à la campagne de Sue Hubbell, (1988) aussi en Folio.
– Ne tirez pas sur l’oiseau moqueur de Harper Lee (1960), en J’ai Lu. Un film avec Gregory Peck : Du silence et des ombres et une belle BD sont issus de ce roman sur la période de la grande dépression en Alabama.
Rendez-vous au jeudi 12 décembre
Chat bleu : novembre 2019 – 1)
D’abord, les prochains rendez-vous :
– Le jeudi 12 décembre, prochain Chat bleu.
– Le vendredi 13 décembre, Au fil des Pages, à 18h30 : rencontre avec Serge Portelli pour Qui suis-je pour juger l’autre ? aux éditions du Sonneur, 2019.
Revenons à novembre :
Le Chat Bleu nous recevait avec deux beaujolais : en rouge, un grand Julienas, Le Bois du Chat, vieilles vignes, du château de Belle Verne, en agriculture raisonnée. Médaille d’or 2019 à la foire internationale du Gamay. Le blanc, cépage chardonnay, était du même domaine.
Ils accompagnaient trois livres de Santiago Amigorena, chez P O L : Le ghetto intérieur (2019), le dernier, qui fait un tabac et a été sur la liste de nombreux prix. Mes derniers mots (2015) et Une adolescence taciturne (2002), le presque premier. Amigorena écrit depuis longtemps, avec un peu la même envie que Proust : un grand oeuvre sur un sujet. Son sujet à lui n’est pas le temps mais le langage car Amigorena est un double exilé, parti enfant d’Argentine pour l’Uruguay et arrivé adolescent à Paris.
Le mutisme du grand-père du Ghetto intérieur ricoche sur celui de Santiago, enfant empêché, dans ses nouveaux lieux de vie.
Mes derniers mots a été mon préféré : il s’agit d’un mélange de S F et de poème ou de fable : un seul homme reste vivant. L’espèce humaine a détruit la terre, des bandes ont voyagé pour se sauver mais rien n’y a fait. C’est super-beau et dit en 2015 tout ce que nous entr’apercevons en 2019 !