Un Marie Cosnay : P U N° 197

Au moment où meurt Robert Badinter,
où on parle du « droit du sol à Mayotte »,
où Marie Cosnay sort le troisième livre aux éditions de l’Ogre : Des îles – mer d’Alboran 2022-2023,

se finit la Pièce Unique N° 197
à partir de :
Entre chagrin et néant  – audiences d’étrangers
paru aux éditions Cadex en 2011

« C’est une part importante de ma vie d’être sensible à ma frontière et aux frontières, tout comme je suis sensible à l’inégalité radicale à laquelle nous sommes confrontés, moi qui peux aller où je veux avec mon passeport, alors que d’autres ne le peuvent pas. L’écriture avait toujours été un endroit de traduction ou de fiction, mais jamais un endroit dans lequel je pouvais faire récit des histoires qui m’arrivaient. Je pense que si je fais récit aujourd’hui de mes enquêtes autour des paroles des migrants, et de ce qu’on fabrique aux frontières, c’est parce que ça nous dépasse et que c’est urgent.  »
Marie Cosnay, 2021, France-Culture

« Travail énorme auquel Marie Cosnay prend part, avec des associations d’aide, des représentants locaux des communautés d’immigrés, des ONG. Il faut chercher des actes de naissance dans les pays de départ, faire établir des actes de décès, écarter les escrocs, lutter contre l’inertie administrative et la mauvaise volonté. On évitera ainsi que les corps soient mis anonymement dans des fosses communes, ou alors, ça ne s’invente pas, incinérés « pour le bon fonctionnement » des crématoires. »
extrait de l’article d’Alain Nicolas dans l’Humanité du 14 février 2024

Marie Cosnay vit à Bayonne et y a été confrontée à la manière dont l’Europe et la France traitent les personnes voulant entrer sur son territoire.
C’est le sujet de ses livres, le sujet de Entre chagrin et néant qui est un journal des audiences d’étrangers présentés au Juge des Libertés et des Détentions de sa ville en 2008, journal de leur « étrange légalité » : P 147 :  » Robert Badinter décida que ces étrangers qui avaient commis une infraction aux règles du séjour n’avaient rien à faire en prison. (…)  Le gouvernement socialiste décida alors de créer des CRA, des lieux créés spécifiquement pour la privation de liberté des étrangers qui étaient reconnus n’avoir commis aucun délit. La rétention devint administrative. ». P. 149 : « …Dans le cas des étrangers dont la rétention administrative de 48h va être prolongée par un juge judiciaire (le seul habilité à prolonger une rétention), on assiste à un glissement du rôle du juge. » P. 150 : «  Des lieux d’enfermement pour étrangers, un code pour étrangers (CESEDA), une justice, qui tord la justice, pour étrangers. »
Sont entendus dans ces audiences de drôles de cas : des inconscients, arrêtés en France parce qu’ils ne savent pas que, même s’ils ont des papiers leur permettant de vivre dans un pays de l’U E, cela ne leur donne pas le droit de voyager dans l’U E …

Quelques Poèmes Express venus de Entre chagrin et néant :
– Echapper à ce texte, à ce qu’il nomme.
– Paf la juge. Dans le dos.
– Les policiers rient. L’asile a été refusé.
– Il ne sait pas s’il comprend quand elle parle. Il est possible que non.
– Rien qui puisse établir une fille. Si, un homme.
– Il montre la poitrine de la juge, se demande qui l’attend.
– Prolonger la première prolongation. Prolonger.
– Rendre dociles dans des espaces sans contrôle.
– Ce serait intéressant de savoir quelle est la valeur de l’absurdité.

 

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