Un Emilienne Malfatto : P U N° 168

– Accoudé dans un troquet pendant de longues semaines pour tenter de comprendre.
– On croit aux trésors enfouis, aux fruits gonflés.
Les hélicoptères ayant remplacé les gallinacés, « ça » s’est produit sans adultes.
– Un village vacances est terrible pendant les années de guerre.
– Elle s’était faite belle ; il doit y avoir quelque chose de terriblement rassurant dans cela.
– Les autorités se contentent de dire la loi, n’ont qu’une vague idée du chemin.
– Maison bleu ciel, bizarrerie géante, derrière le manguier.

Voilà quelques « Poèmes Express » issus de Les serpents viendront pour toi, d’Emilienne Malfatto, paru aux éditions Les Arènes, 2021 puis en poche en J’ai Lu. Ce livre a reçu le prix Albert Londres.
« Notre métier n’est pas de faire plaisir non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie » disait Albert Londres (1884-1932). Emilienne Malfatto, née en 1989, est photo-journaliste. Elle prend la suite des Séverine (1855-1929), Andrée Viollis (1870-1950), Nellie Bly (1864-1922) et autres femmes reporters quelques fois appelées « Muckrakers » (= « fouille-merde »). Dans ce livre, elle parle de Maritza, tuée en Colombie, des années après son mari : « Maritza Quiroz Leiva, 61 ans, mère de 6 enfants, assassinée le 5 janvier 2019. Le cinquième assassinat de leader social de l’année, le cinquième en moins d’une semaine. » (p. 17).
Maritza n’est qu’une parmi beaucoup d’autres « dommages collatéraux ».
Si la guerilla des FARC est censée être finie, les « seigneurs de la drogue » sont toujours là, toujours plus riches, et s’en sortent très bien, bien mieux que leurs victimes :
(P. 64 : )« … Maritza et sa famille quittèrent la Sierra Nevada et vinrent grossir les rangs de ceux qu’on appelle pudiquement « déplacés internes », ceux qui ont tout perdu, à qui l’Etat a failli, qui fuient et terminent généralement dans les bas-fonds des grandes villes, dans une misère crasse et une violence endémique, les déplacés donc, qui, en 2004, représentaient officiellement plus de trois millions de Colombiens – plus de 7% de la population de l’époque. »

La Pièce Unique n° 168 est offerte à Veronica P. qui a choisi de vivre en France et y enseigne avec enthousiasme. Elle vient juste de rentrer de Bogota où elle n’était pas retournée depuis longtemps.

Une réflexion sur « Un Emilienne Malfatto : P U N° 168 »

  1. Les serpents viendront pour toi », P.U. 168 qui m’a été destinée, merci Catherine. Poignant récit qui m’interpelle. La Colombie, cette terre qui fut la mienne. Moi aussi, « je suis revenue au dernier moment j’ai retrouvé le temps de l’histoire » (poème express). Un peu la mienne.
    Ce lieu magique où la cordillère épouse la mer. Ce lieu fascinant et violent de nature qui aide et conforte la violence des êtres. La raison tellurique qui laisse occulter l’histoire de ceux qui sont dépourvus d’humanité.
    Les données factuelles n’ont aucune importance face à la non raison des assassinats. Et oui, chez une bonne part des Colombiens persiste « cette idée que la mort n’est qu’une question de temps ».
    Ce pays voué au sacré cœur, lui laissant le soin de protéger ses ouailles mais des milliers de morts sans raison, mais des milliers de morts sans justice et « tout de suite, au bord de la cascade, les muets vivent longtemps  » (poème trouvé p. 83).
    Et me vient ainsi un auteur exotique : « La lumière qui se dégage des choses, il faut la fixer dans les mots avant qu’elle ne s’éteigne dans l’esprit  » (Bashô).

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