Toutes querelles tues : pouvoir admirer Zinneman.
Les tenants de la politique des auteurs l’ont bien méprisé! Et il ne figurait pas parmi les chouchous des cinéphiles. Zinneman académique, lourd, thésard, trop insistant dans son esthétique : l’aura-t-on entendu! Le train sifflera trois fois, western préféré de ceux qui n’aiment pas le western, même si Bazin le préférait à “L’Homme des vallées perdues”.
Et pourtant l’hommage que vient de lui rendre le Festival Lumière aide à réviser ces anathèmes. Il faut dire que la critique de cinéma revient vite sur ses erreurs . Qui sait ? : parce qu’arrivée tard pour éclairer une forme d’expression elle-même tardive ?
Et puis il y a Acte de violence que j’aimerais mettre en pendant à son tout dernier film, trop oublié, l’excellent Cinq jours ce printemps-là. Les deux méritent franchement votre détour. Le premier parfaitement inscrit dans un genre, le film noir américain, dont il respecte les codes, en particulier l’expressionnisme visuel (Zinneman aussi venait de cette Europe-là) servi ici par la photo du grand Robert Surtees. Apprécions aussi une parfaite gradation “des” suspens reposant sur un scénario très élaboré qui ménage les zones d’ombre et introduit de beaux personnages secondaires. La tension y est permanente, relevée d’une dramatisation propre au réalisateur qui aime évoquer (ici à l’arrière plan mémoriel notamment) des thèmes forts : trahison, vengeance, montée des fascismes. Il adapta, rappelons-le, La Septième Croix d’Anna Seghers et Julia d’après Lillian Hellman, un de ses derniers grands films avec, donc, le très amer et mélancolique Cinq jours ce printemps-là, ultime opus intimiste sous la belle lumière des Alpes suisses saisie par Giuseppe Rotunno.
Patrick Grée, Rouen-Le Havre, 13 – 19 novembre 2024