Nous buvions de nouveaux vins, des vins de Loire :
en rouge, un Saumur Champigny d’un petit propriétaire, domaine des Longes
et en blanc, facile à boire, léger, un muscadet-sur-lie produit par un vigneron indépendant, Pétard Bazille : plus travaillé qu’un muscadet, avec une sensation un peu beurrée, lactée.
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Ils accompagnaient deux livres faisant partie de la sélection de : Terres de Paroles.
– CE COEUR CHANGEANT d’Agnès Desarthe, L’Olivier, 2015 : cette espèce de conte baroque « à la fois historique, d’aventure et philosophique » nous entraîne dans la vie de Rose, ses déboires et ses moments fastueux, sa capacité à flotter, à résister, à rebondir. Les personnages secondaires féminins : grand-mère énorme, nourrice meurtrière, mère narcissique, amante volcanique, sont étonnants, forts, bien plus que les hommes. Nous traversons le début du XX è siècle mais sans nous appesantir sur ses catastrophes. Sur quelques lignes, nous rencontrons Degas qui commet l’erreur de faire le portrait de Rose et non de sa mère : ( p 258 : « Quelle idée. Quel manque de goût. Son visage à elle aurait été d’un bien plus bel effet. Elle avait traduit ce geste d’affection comme une attaque délibérée. Miroir, mon beau miroir, avait-elle pensé. Degas n’avait-il jamais lu Blanche-Neige? « ). A. Desarthe s’amuse, se laisse emporter par des idées, des situations qu’elle traite en montagnes russes.
– UNE FORET D’ARBRES CREUX d’Antoine Choplin, la Fosse aux Ours, 2015. Cet auteur, surtout connu depuis LA NUIT TOMBEE, 2012, s’intéresse à des faits ou à des personnes ayant existé. Ici, il s’agit de Bedrich Fritta, mort en camp en 1944 après avoir vécu et dessiné à Terezin. Dessins de four crématoire pour les Allemands, le jour, et dessins de la vie quotidienne de la ville-ghetto, la nuit, pour tenter de faire savoir la vérité à l’extérieur. Un petit texte aux phrases courtes, sans effets mais efficace et poétique.
4 jurys d’environ 20 personnes, à Rouen, Dieppe, Vernon et Le Havre, avaient à lire, entre novembre 2015 et Mars 2016, 6 romans français et 21 pièces d’auteurs étrangers dans le cadre du festival Terres de Paroles (29 mars-1er mai 2016). Les romans avaient été sélectionnés par des libraires de Seine Maritime et de l’Eure, les pièces, elles, avaient été choisies par la nouvelle équipe du festival dirigé par Marianne Clévy. La plupart d’entre nous venaient pour les livres. Nous n’avions pas pensé que nous aurions à lire du théâtre et étions, je crois, un peu réfractaires à ces lectures, sur écran, et inhabituelles. Et puis, en fait, les livres – sauf les deux dont je viens de parler- ne m’ont pas fascinée alors que les pièces, d’auteurs pour moi inconnus, la première difficulté passée, se sont révélées hyper-intéressantes. On peut en retrouver certaines dans le programme du festival, comme PORTRAIT D’UNE FEMME ARABE QUI REGARDE LA MER de Davide Carnevali (Dieppe, le 31 mars) ou J’APPELLE MES FRERES de Jonas Hassen Khemiri (Le Havre, le 9 avril). Le romancier et le dramaturge choisis par les quatre groupes de lecteurs seront présents, en résidence, au festival en 2017. Participer à ce choix était une expérience étonnante : nous nous retrouvions entre grands lecteurs et voyions la diversité des avis, des sensibilités à propos d’un même écrit.
Le Chat Bleu, le 3 mars, c’était aussi une quinzaine de personnes qui présentaient un livre et nous y reviendrons dans quelques jours.
Tout à fait autre chose : les photos de la série LES HERITIERS de Geraldine Millo, visibles à Fécamp du 7 au 11 mars ou sur son site. Allez voir !