Faux Chat Bleu 2/3

Cette fois, on a vu des récits de l’intime :
– Les singes rouges de Philippe Annocque, 2020, éditions Quidaml’auteur, aussi enseignant en lettres, a jusque là publié des romans chez ce même éditeur. Il écrit cette fois un texte sur sa mère guyano-martiniquaise, son enfance, son identité. « Elle avait changé de pays. On a changé son prénom. Sans lui demander son avis. » Il parle de couleur de peau, de norme, de racisme (des soeurs blanches, d’une professeur noire). Et évidemment en évoquant sa mère, il se dit aussi ( p 127) : Quand on lui demande de quoi parlent ses livres, maintenant il répond « d’identité ». Au début il disait « mauvaise conscience ». Maintenant il dit « d’identité ». »

– Aux éditions du sous-sol, parus en 2021, deux textes, tête bêche : Jane, un meurtre et Une partie rouge de Maggie Nelson. Traductions de Céline Leroy et Julia Deck. Les deux tournent autour de la mort par assassinat d’une tante que l’auteure n’a pas connue. L’un est une « enquête poétique » à partir du journal de Jane, l’autre est une suite de ce  « cold case », le procès de l’assassin éventuel, trente ans plus tard. Morte dans les années 60, Jane « était une progressiste » dans une famille qui ne l’était pas… »Elle cherchait à s’assurer que les étudiants noirs obtiennent ce qu’ils voulaient »… »était farouchement contre la guerre. », allait épouser un juif.
Maggie Nelson montre à travers ses grands-parents une Amérique pleine de certitudes, à travers ses parents une Amérique qui les a perdues. Perte de repères qui se poursuit actuellement. Ce qu’elle dit et de la justice et de la presse fait froid dans le dos : p188 : une interview d’elle à cause du procès et du premier livre : « Elle me dit de ne pas m’inquiéter – ils ne me filmeraient pas si je n’étais pas jolie. C’est du prime time, précise-t-elle avec un clin d’oeil. Pas de noirs, pas de mauvaises dentitions. »

– Dans Ilona, ma vie avec le poète, traduit du slovaque par Barbora Faure, aux éditions Do, 2019, Jana Juranova donne la parole à Ilona, l’épouse de Pavol Orszagh Hviezdoslav (1849-1921), poète vénéré en Slovaquie. Cet homme de plume n’a JAMAIS mentionné sa femme dans AUCUN de ses textes. Sa mère, oui, sa soeur, oui – peut-être parce qu’elles étaient mortes – mais pas Ilona qui lui a survécu onze ans et qui a passé sa vie à s’occuper de son bien-être.
Jana Juranova parle d’un temps où les femmes n’étaient qu’épouses et mères. Elle évoque pourtant une poétesse, connue sous le pseudonyme de Timrava (1867-1951), nom qu’elle s’était choisi, ni celui d’un père ni celui d’un mari. Cette femme avait vécu un temps dans la même ville que le couple, à Dolny Kubin, mais ils ne s’étaient pas fréquentés. Le mari d’Ilona voyage sans elle malgré l’envie qu’elle a exprimée de l’accompagner. A une jeune fille qui aimerait peindre, il parle des tableaux qu’il a vus et dit que « la broderie est une bonne activité pour une jeune fille, elle développe sa patience »… Une merveille de vision masculine…datée bien sûr…

Trois super livres dans trois belles maisons.

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