Rabat-joie – 5)

Dans la rubrique rabat-joie : de l’utilisation des réseaux sociaux.
Ah c’est facile ! direz-vous.
Oui et, là, j’ai deux exemples précis :

1) au niveau local : on se chamaille, s’écharpe, se charcute autour d’une salle de cinéma, de bon cinéma qui, depuis des années, permet de (re)voir des classiques ou de montrer combien certains films deviennent des classiques, à quelques 10 ou 20 ans de leur réalisation. Une histoire d’asso qui tourne mal, comme beaucoup d’associations à un moment. Histoire d’appropriation, ou de légitimité. histoire qui peut faire capoter quelque chose de beau, quelque chose de rare et qui fonctionne. Histoire complexe mais deux camps se sont formés, deux camps qui savent qu’un seul a raison, le leur.
Que les personnes en interne se mobilisent, pas de problème.
Que d’autres, extérieures, jugent et comme d’habitude ce faisant, accusent à tour de bras et simplifient, c’est énervant. Ainsi, l’un d’eux pousse au boycott de la salle …!

2) au niveau national : on se chamaille, s’écharpe, se charcute autour de l’émission d’Alain Finkielkraut, sur France Culture, du 10 février : étaient invités à propos de ce qui se passe à Gaza depuis le 7 octobre, Benjamin Barthe et Armand Laferrère. Je ne connaissais ni l’un ni l’autre. J’appréciais les paroles du premier qui renvoyait à une Histoire (avec sa grande hache) vieille de plus de soixante ans, et avais du mal avec celles du second qui lui rétorquait que ce qu’il présentait comme causes était des effets. Ecoutez l’émission pour plus de compréhension peut-être… Là n’est pas vraiment le problème.
Enfin si, mais non.
Sur les réseaux sociaux, ensuite, des personnes se sont chamaillées, écharpées, charcutées et ont, pour certaines, été insultantes vis-à-vis de Benjamin Barthe, l’accusant de parti pris, le disant Palestinien – ce qui est faux – donc sans recul et sans aveu, travaillant pour un journal de vendus – Le Monde -…
Je vous la fais polie. C’était bien plus haineux.

Avoir un avis tranché, pourquoi pas ?
un avis retranché derrière sa position, qui va immédiatement à l’invective, ben non !
Le far west, à balles réelles, à mots faux, ben non !

Il y a quelque temps, sur les mêmes réseaux sociaux, quelqu’un que je connais et aime plutôt bien par ailleurs s’est moqué de mon « centrisme », synonyme de mollesse, de tiédeur, de ni chair ni poisson, voire de bêtise … Ben oui !

Hemley Boum

Hemley Boum : un nom étonnant, amusant, éclatant, un nom que je n’avais jamais entendu avant le 27 décembre 2023. A l’émission Cultures monde sur France Culture, elle parlait de son livre, alors à paraître chez Gallimard : Le rêve du pêcheur, et ça ouvrait des pans entiers d’inconnu pour moi : sur le Cameroun, sur l’indépendance et ses suites.
Hemley Boum a fait des études d’anthropologie et… de commerce international, ce qui lui permet d’évoquer, dans Le rêve du pécheur comme dans d’autres livres, les problèmes liés à l’internationalisation des ressources, à la manière d’en profiter .

Vient de sortir en Folio : Les jours viennent et passent, de 2019, prix Ahmadou Kourouma 2020. Histoire de mères et filles entre Europe et Cameroun, évocation des années 70 et de maintenant, avec la secte Boko-Haram.
Boko-Haram que je ne situais pas dans ce pays mais au Tchad, Niger et Nigéria. Sauf que tout vient des frontières, posées n’importe comment par les colonisateurs. Ces pays sont limitrophes et la secte joue de l’éloignement des zones où elle agit, avec les lieux de pouvoir et de la misère dans laquelle on laisse ces populations.
Plus que déprimante, comme toujours, la vie des femmes dans ces circonstances. Doublement victimes des « souillures » que les hommes leur infligent. Même principe qu’en Ukraine (cf Sofia Oksanen), on s’attaque violemment, sexuellement, aux femmes des combattants
qui les tuent
quand on les relâche …
Les femmes que la secte envoie en avant pendant les attaques, habillées en treillis, ou chargées d’une bombe qu’un homme, de loin, fait exploser…

Je sais, j’y reviens toujours, c’est lassant.
Oui, c’est lassant que les femmes paient toujours les pots cassés par les hommes. Que, par exemple, elles mettent des enfants au monde dans des circonstances atroces en ce moment dans la bande de Gaza, qu’elles soient éternellement victimes de leur mari ou plus généralement de la gent masculine en Afghanistan, en Iran etc… C’est vrai, c’est lassant !

Mais je le défends mal, ne croyez pas que ce livre soit plombant. Si j’en extrais, moi, ce qui me turlupine, il a d’autres aspects.
D’ailleurs, il nous offre une référence : V.Y. Mudimbe, son deuxième roman de 1976 : Le bel immonde que Hemley Boum rapproche de A la courbe du fleuve de V.S. Naipaul (que j’avais beaucoup aimé).

 

Vider les lieux – Olivier Rolin – 2ème :

On trouve de tout chez … Olivier Rolin :
des mots qu’on ne comprend pas : « les livres madréporiques » et qu’on est toujours pas très sûre de comprendre même quand on a trouvé la définition…
des listes de livres, à lire en voyage dans leur pays d’origine, ou pas :
– Vie d’Arseniev de Bounine ((1927)
– Djann de Platonov (1935)
– Heros et tombes de Sabato (1961) (que j’ai dû lire sous le titre d’Alejandra)
– Atlas d’un homme inquiet de Christoph Ransmayr
–  Frêle bruit de Leiris (1976)
– Livres en feu de Lucien X. Polastron
mais aussi des impressions de gémellité :
par tout ce qu’il conserve : P. 64 : « ce travers archiviste c’est une volonté de s’assurer qu’on a bien existé. Il arrive qu’on en doute. »  ou P. 66 : « Il y a tout le reste, empilé dans des placards, symptôme d’une crainte maladive des administrations (…) On a gardé tout ça parce qu’on est si ridiculement inhabile à comprendre ces tracasseries qu’on craint à tout moment d’être pris en faute, sommé sans préavis de fournir des preuves de sa bonne foi. »
par l’importance donnée aux livres : P 120 :  » « manipuler des objets de culture », feuilleter, classer des livres, dit Leiris dans Frêle bruit , répond à l’espoir, d’essence alchimique, que quelque chose du savoir et de l’art qu’ils enferment passera en nous, « par sympathie » « 
par l’idée, P 54,  qu’ « En chaque objet sont enchâssés des lieux, des visages, du temps passé. (…) Un espace aussi clos qu’un appartement enferme une multitude de lieux du monde, de moments de nos vies … »

Bon, mais lui, il aime l’avion et a énormément voyagé.
Voyagé dans des pays qui m’ont attirée mais que je n’ai vu qu’à travers … encore …, des livres… La Russie ou l’ex-URSS : fabuleuse description de chambre d’hôtel ( P 116-117 ) et analyse : « Je crois que cette laideur, ce défaut répandus dans les choses et certains êtres font partie d’une esthétique générale dont le camp du Goulag était le centre obscur. Elles font partie d’un immense travail de domestication du peuple – d’apprentissage de la résignation – dont la terreur était la forme la plus violente, mais l’habitude du moche et de l’insuffisant une autre composante, plus insidieuse et omniprésente. (…) Aucun pays n’a mieux maîtrisé l’art de la destruction de l’âme de ses citoyens que la Russie » : écrit Brodsky. » (c’est moi qui souligne – parce que le beau aide)

Bref, lisez Vider les lieux, c’est plutôt beau, vous l’aurez compris.
Mais vient de sortir Jusqu’à ce que mort s’en suive, du même Rolin et il y a tous ceux d’avant.

L’art dans la ville de demain – Le Havre –

Hier avait lieu la deuxième édition de Métamorphoses, au Fitz, présenté par le directeur artistique d’Un été au Havre, Gaël Charbaud.
L’occasion
–   de faire, auparavant, un point sur l’année précédente  (cf 76 Actu du 20 janvier) :
GC :  » On a fait une très bonne année [NDLR : 760 000 visiteurs selon l’estimation d’Orange]. L’œuvre qui reste aujourd’hui et qui est unanimement appréciée est celle d’Isabelle Cornaro à la gare avec les vitraux hommage à Saint-Joseph. J’en entends parler même en dehors du Havre. J’ai eu aussi beaucoup de retours sur l’intervention de Mathieu Mercier sur l’hôtel de ville, à la fois très simple et en même temps qui a suscité beaucoup de prises de parole. J’ai été étonné par le nombre de gens qui ont participé à cette œuvre. Pour récupérer la maquette, il fallait inventer des mots et on a des centaines et des centaines de fiches. »

  • de se poser les bonnes questions sur cette ville moyenne mais port international à travers l’intervention de Max Yvetot, directeur général de l’AURH (Agence d’urbanisme Le Havre Estuaire de la Seine) qui couvre la zone de Cabourg à Dieppe
  • d’annoncer une des pièces de 2024 :
    Marc Vatinel et Dorothée Navarre, membres du collectif Les Gens des Lieux parlent des interventions précédentes de leur asso d’architectes, urbanistes, paysagistes et dévoilent la suite : un jardin éphémère, comme toutes leurs actions, sur le parking silo des Docks Vauban. Leur but est de faire « voir  autrement, de déplacer le regard, donner accès à des sites ».
    La rencontre se poursuivait l’après-midi mais il était impossible d’y retourner, c’était full !

Finlande et Boréales 2024

–  Message du Festival Les Boréales ce 30 janvier :
« Déjà 9 auteurs finlandais confirmés pour la 32e édition du festival Les Boréales en novembre 2024 !
Sofi Oksanen, Petra Rautiainen, Niillas Holmberg, Pirkko Saisio, Maria Turtschaninoff, Jukka Viikilä, Pajtim Statovci, Satu Ramö et Arttu Tuominen !
Merci au Fili et aux autorités finlandaises pour leur soutien.
Merci aux traducteurs et éditeurs français sans lesquels ces textes ne pourraient rencontrer les lecteurs. »
  • Par ailleurs :
    La Finlande doit élire son président pour 6 ans. Premier tour, le 28 janvier, second tour le 11 février.
    Le président sortant, non rééligible après deux mandats, Sauli Niinistö, a supervisé l’adhésion de son pays à l’OTAN en 2023 pour des raisons de « sécurité » du fait des 1340 km de frontières communes avec la Russie, de la tentative de déstabilisation par un afflux massif de migrants. Les postes frontières sont fermés entre les deux pays, depuis le 30 novembre jusqu’au 11 février au moins.
    Au deuxième tour des élections, Alexander Stubb, ancien premier ministre, du même parti (NCP) que S. Niinistö, se retrouve face à Pekka Haavisto, ancien ministre des affaires étrangères, du Parti Vert.

Les Boréales  programmées du 21 au 30 novembre 2024 seront donc complètement littéraires et politiques, s’inscriront dans le vortex mondial – élections en Finlande, en Russie, aux USA, de l’U E,  guerres et « opérations spéciales »…
Avant même les Boréales, ne manquez pas l’essai de Sofi Oksanen : Deux fois dans le même fleuve – La guerre de Poutine contre les femmes, éditions Stock 2023 !

Francis Nachbar à la Maison de l’avocat

Hier soir, un procureur en retraite présentait son livre au Havre :
Un livre sur l’affaire Fourniret.
Francis Nachbar a travaillé il y a vingt ans sur cette affaire.
Il en est encore empli.
Il a, à l’époque, agi un peu à la marge de sa fonction,
et a pu avoir à en subir les conséquences dans sa carrière.
Il dit avoir pu avancer dans cette affaire
grâce à la police de Belgique,
au fonctionnement de la justice en Belgique.
Son principal combat a été de retrouver les corps des victimes,
de les rendre à leurs familles.
Investi et plein d’empathie,
c’est un homme sans langue de bois,
avec une haute idée de ce que doit être et faire la justice,
qui parlait hier soir à la Maison de l’avocat.

Même si vous n’êtes pas branchés faits divers,
mais que le polar vous intéresse,
allez voir !

Le musée des redditions sans condition – Dubravka Ugresic

Dubravka Ugresic (1949-2023),
écrivaine croate a passé
30 ans de sa vie en exil : de 1993 à sa mort.
Elle l’évoque dans Le musée des redditions sans condition, un livre de 1997 : P 192 : « l’exil, ou du moins la forme que j’en ai connue, le vivant jusqu’à l’épuisement, »
P. 233 : « j’avais moi-même miné ma demeure. Il m’avait échappé que la guerre et la dictature sont soeurs, ce que le vieux Remarque savait. Oui, j’avais écrit quelque chose qu’il ne fallait pas (…) davantage parce que j’étais incapable de m’adapter au mensonge ambiant que parce que j’avais envie de devenir un héros. »

Ce livre est constitué d’un ensemble de textes : sur la photo et l’autobiographie, sur des artistes reconnus (comme Ilia Kabakov) ou pas du tout, comme le traducteur fou de Shakespeare Ivan Dorogatsev, sur des résidences partagées avec plus ou moins de bonheur, sur des gens rencontrés, sur sa mère, sur la première fois à New York : P 58 : « …Je ne ressentais rien en arpentant ses rues. (…) Puis je suis montée dans un taxi (où la radio jouait très fort) et le pare-brise m’est apparu comme une sorte d’écran. Je suis restée sans souffle (…) magie de cette espèce de séance de cinéma que m’offrait le taxi (…) j’ai reconnu la ville. ».
Sur l’écriture de qualité…, P. 63 : avec beaucoup d’humour, à partir de l’exercice scolaire de la « rédaction libre » qui « pour des raisons inconnues, commençait très souvent par l’évocation de la pluie (…) et se terminait par un vrai déluge. (…) Ces rédactions détrempées ont marqué de leur sceau aqueux la perception esthétique de la plupart des lecteurs. Ce sceau a été apposé au début de leur scolarité par quelque institutrice romantique et les élèves ont ensuite quitté l’école avec un goût littéraire élaboré, en sachant indéniablement ce qui est beau, puisque les bonnes notes l’avaient confirmé. Certains d’entre eux sont eux-mêmes devenus instituteurs, et ils ont à leur tour apposé le sceau aqueux sur leurs élèves, dont certains sont devenus instituteurs »… 

Arrière toutes !

Total renversement de la vapeur.
Voilà un post où il n’est plus du tout question de féminisme, de la place des femmes problématique dans notre monde.
Mais……………………………………. de restes de romantisme, de rêve « girly », d’image toute rose de la vie amoureuse, de la relation idéale Homme/Femme ……………………………………………..

Je m’explique et rougis – si si ! – :
quand j’étais jeune,  » I was in love with him »,
alors… qu’il était déjà mort depuis un bon bout de temps.  :
Gary Cooper : beau, racé, calme, protecteur, intègre … Le contraire d’un bourrin, d’un masculiniste.

Sur lui, aux éditions Capricci, sort un livre, trouvable en librairie le 19 janvier

Rabat-joie – 4)

« Au Maroc, des masculinistes se mêlent du code de la famille

Analyse

Le roi Mohammed VI a donné six mois au gouvernement moderniste pour réformer le code de la famille, encore calqué sur la jurisprudence islamique. Le chantier suscite d’importants espoirs parmi les associations de femmes pour aligner le droit avec la Constitution de 2011, mais doit compter avec l’apparition d’un lobbying d’associations d’hommes, qui s’oppose aux avancées féministes. »…

  • Jean-Baptiste François,
  •  

Rabat-joie – rappel

MALAGA, SPAIN – 2023/11/25: A group of women are seen behind placards with names of women killed for their partners during the performance ‘Walk of silence’ against gender violence. In commemoration of the International Day for the Elimination of Violence against Women, dozens of women took part in a Caminata Del Silencio (Walk of silence) against gender-based sexual violence. They march every year along the streets in Malaga holding candles and placards with the names of all women who were killed by their partners in Spain. (Photo by Jesus Merida/SOPA Images/LightRocket via Getty Images)

Et
Céline Mas, présidente de l’association ONU Femmes : extrait d’un article paru dans La Tribune le 26 novembre 2023 :

« Nous vivons une époque de crises : sanitaires, géopolitiques, économiques, sociales, climatiques. A chacune d’entre elles, les droits des femmes reculent ; leur intégrité physique et morale est menacée durablement. Partout, elles sont les victimes collatérales des prédations, obscurantismes et conflits dans un monde qui se vante orgueilleusement des exploits sophistiqués de l’IA. Le 7 octobre dernier, le Hamas a semé la terreur et massacré des Israéliens, dont des nombreuses femmes et des filles dans des conditions particulièrement insoutenables. Nous avons condamné sans réserve ces actes barbares tout en demandant la libération inconditionnelle des otages ET dans le même temps, nous pensons aux femmes et aux filles de Gaza qui ont perdu leur vie tragiquement dans des souffrances indescriptibles et avons appelé urgemment au cessez-le-feu humanitaire pour porter secours aux civils. Le ET est ici fondamental car l’humanité ne choisit pas. Nous condamnons et continuerons à condamner sans équivoque tout acte de violence contre les femmes et les filles, incluant la violence sexuelle, considéré comme une violation inacceptable des droits humains, où que ce soit dans le monde. Nous sommes aux côtés de tous les civils, et particulièrement de toutes les femmes du monde. En 2023, je l’écris avec gravité, vivre une vie sereine et libre en tant que petite fille autant que jouir pleinement de ses droits en tant que femme reste un privilège.

Sénégalaises, congolaises, iraniennes, afghanes, ukrainiennes, yéménites, soudanaises, états-uniennes, haïtiennes, chinoises, japonaises, indiennes, brésiliennes, argentines, mexicaines, chiliennes, polonaises, françaises et dans tant d’autres pays, le constat est le même : les violences sous des formes diverses persistent, les mentalités évoluent trop lentement et les droits sont fragiles et souvent réversibles. » (…)