Le Chat Bleu du 17 septembre

Comme le Chat Bleu est lieu « de l’ici et de l’ailleurs » et que commence la coupe de rugby, N’senga nous a emmenés avec son choix de vins en Afrique du Sud, dans le « western cape », principale zone vinicole. Il nous a proposé :
– un vin blanc sec mais fruité : un Chardonnay travaillé avec un Colombard, ce qui ajoute rondeur et vivacité
– et un vin rouge, un pinotage, c’est à dire un croisement entre Pinot noir et Cinsault qui donne une robe plus dense, de bons arômes de fruits rouges et noirs et une finale un peu épicée.

Des_voix_parmi_les_ombresUn livre nous a aussi entraînés en Afrique du Sud :  DES VOIX PARMI LES OMBRES de Karel Schoeman, paru en afrikaans en 1998 et en français, chez Phébus en 2014. Il s’agit d’un roman historique à plusieurs voix. Un homme du XX ème siècle vient dans une petite ville, la trouve endormie puis croise des gens qui ne le voient pas. Il est entré dans leur temps, celui de la guerre entre Anglais et Hollandais, en 1901. Suivent trois chapitres avec trois narrateurs différents, socialement peu importants – la fille d’un magistrat, un clerc et une vieille fille, soeur du médecin – qui évoquent cette guerre dans cette bourgade, loin des principaux événements. La seule victime ici est un métis qui s’est élevé, a réussi, est devenu le représentant des siens… Un récit qui prend l’Histoire de côté, par le petit bout, mais nous fait vivre l’obscurité, le silence du soir dans les maisons bien entretenues des blancs, la chaleur qui tombe sur les cabanes des métis, les relations sociales possibles et impossibles.
La_SourcePuis nous avons parlé de LA SOURCE d’Anne-Marie Garat, livre-conte paru chez Actes-sud à la rentrée. Le vrai et le faux se mêlent, les vérités sont fragiles, momentanées, les souvenirs fabriqués ou revisités : ( p. 59) « Vous pouvez dormir un peu pendant que je parle, cela ne me dérange pas que vous m’écoutiez en dormant »…(…) « Ne me croyez pas sur parole » dit Lottie, le personnage principal. D’autres se rencontrent « lentement propulsés à travers l’espace et le temps par l’ensorcellement d’un récit » (p.334).(…) « …au bout du compte, même écrit sur du vent, c’est le récit qui l’emporte. » (p.349). Le doigt qui, seul, calme l’enfant; la boule de verre contenant la cabane sous la neige impulsent ce « conte des origines » (p.362). La  feuille de papier, preuve longtemps cachée et brûlée accidentellement avant de révéler son contenu; la photo qui pourrait « prouver » sèment le doute et soulignent : »…la puissance souveraine des fictions, plus féconde que la réalité pour opérer la vie des hommes » (p.362)Nous le rappelons, Anne-Marie Garat est à la Galerne, au Havre, le jeudi 8 octobre de 18 à 19 h. Venez nombreux!

Reparer_les_vivantsNous avons aussi parlé de textes de Yasmina Khadra, Peter May,  Mo Yan, Yu Hua, Xinran, Lydie Salvaire, Catherine Clément, Kafka, du dernier Laurent Binet, et encore (c’est au moins la quatrième fois !) du Maylis de Kerangal, REPARER LES VIVANTS, qui deviendra bientôt un film, tourné en ce moment au Havre par Katell Quillévéré.
Le prochain Chat Bleu, c’est aussi le jeudi 8 octobre, c’est après la Galerne, à 19 h 30…

 

 

Pièce unique 14

Cette fois, il s’agit d’une intervention sur le JOURNAL DU DEHORS d’Annie Ernaux paru chez Gallimard en 1993 puis en Folio : un recueil de courtes scènes dans la rue, dans le RER, dans les centres commerciaux, entre 1985 et 1992, des situations que nous vivons toujours, qui nous gênent ou nous intéressent, des conversations que nous volons ou qu’on nous impose. L’exemplaire sur lequel j’ai travaillé était, comme toutes les Pièces Uniques, un livre de seconde main et un lecteur précédent – je pencherais pour une lectrice – avait écrit : « J’aurais honte d’écrire un livre aussi vide, à sa place ». Pas d’accord. Elle parle juste, du monde comme nous le connaissons et ne voulons pas le voir…
En est sorti : LANDE HORS DU JOUR dont voici quelques « textes »:
– « Sur le mur, une femme est passée, tenue par deux cheveux gris. »
– « Phrase qui se détachait sur l’hiver : acheter quelques minutes de manteaux. »
– « Des chips se sentent autorisées à offrir le spectacle d’une intimité en socquettes. »
– « Ma chienne renifle l’âge des rides et se vide doucement. »
– « Je m’aperçois qu’un roman construit des gens avec une fleur de « je ». »
– « Ce soir une bouteille vide hurle l’insulte. »
Ce n° 14 est envoyé à Benoît Verhille, un des fondateurs des éditions lilloises de la Contre-allée qui existent depuis 2008, combattent pour être vues, et y réussissent plutôt bien avec leurs quatre collections, les événements qu’ils organisent à Fives où ils sont installés, ou ailleurs. Leurs auteurs, comme Lucien Suel avec D’AZUR ET D’ACIER ou  Christos Chryssopoulos : TERRE DE COLERE, rendent compte de la vie dans nos sociétés.
Allez voir!

Et rappelez-vous : le Chat Bleu reprend le jeudi 17 septembre!

 

Pièce unique 13

Décidément, les poèmes express sont un exercice rigolo et plein d’enseignement!
Rappelons le : c’est grâce à Lucien Suel, rencontré au cours de Pirouésie 2014, qu’existent ces « Pièces Uniques » et donc, que sont lus des textes jamais feuilletés sans cela. D’abord des Harlequin, comme lui,… bon… puis un peu de fantastique et enfin d’ Auteurs…
Mais rendons à César ce qui est … aussi et même d’abord à … Robert Rapilly puisque c’est lui, en tant qu’organisateur de Pirouésie, qui a invité Lucien Suel. Il est, avec tout son humour, depuis des années, la cheville ouvrière de cette semaine dans la Manche. Basé à Lille, il est aussi membre de Zazie mode d’emploi, asso d’ateliers d’écriture oulipienne. Robert Rapilly, à Pirou, c’est ce monsieur tout en longueur qui se perche sur un promontoire pour annoncer les différents ateliers et n’en propose aucun lui-même parce qu’on ne peut pas tout faire quand on est maître d’oeuvre. A Bruxelles Ba-Belle, à Lille, il en propose. Il écrit. On peut notamment trouver un de ses textes aux éditions de la Contre-allée. Il tient un blog : allez voir!

Cette pièce unique 13 lui a été envoyée. Transformation de CRAINQUEBILLE d’Anatole France en : RIEN QUE BACILLE. Je n’avais jamais lu A. France et ai découvert un écrivain « de gauche », presque anar, avec de belles idées sur la justice, la vraie, et extrêmement critique sur celle qui prévalait alors…
Voilà quelques exemples de « poèmes express » sortis de ses pages :
– Elle tâta son sein comme les saintes dont les têtes reposaient sur le comptoir.
– Un souvenir content de marcher dans la boue pour lubrifier les semaines.
– Il a rassemblé un trésor d’ardeurs, d’idées, une paire de paons blancs et trois amis.
– Enfoncé de force, tout le sang.
– Un château au bord d’un fleuve portait perruque de sentiments.
–  Sans proférer de reproches, les femmes gardaient leur splendeur, gorge fendue.